C’est en différé que la République centrafricaine a célébré, mercredi 15 novembre 2017, la 72ème édition de la Journée mondiale de l’alimentation (JMA-2017), à Berberati – ‘’La Flamboyante’’, chef-lieu de la Mambéré Kadéi. Le Président de la République, Pr Faustin Archange Touadera a présidé la célébration en présence du Premier ministre, Simplice Mathieu Sarandji, du 1er Vice-président de l’Assemblée nationale, Aurélien Simplice Zingas, de plusieurs ministres dont Henri Marie Dondra le Ministre résident, de Madame le Préfet de la Mambéré Kadéi, et les partenaires au développement dont la FAO dont la présence est rehaussée par le Représentant résident Jean Alexandre Scaglia et Alassane Cissé de l’Ong allemande Welt hunger hilfe (WHH).
C’est autour du thème, « Changeons l’avenir des migrations, investissons dans la sécurité alimentaire et le développement rural » que la JMA-2017 a été célébrée.
L’événement a été de taille. La mobilisation des acteurs du monde rural, notamment les paysans dont agriculteurs, éleveurs, pêcheurs, aquaculteurs, forestiers… venus de plusieurs localités du pays, a été maximale. La tribune officielle de Berberati qui abrite la célébration a été inondée de la marée humaine qui l’a occupée toute enthousiaste. Les artistes locaux dont l’orchestre Zoupkana et le célèbre musicien Losseba Ngou ti wa, ainsi que le groupe Perroquet… ont tenu en haleine la foule bouillante sous le soleil ardent de la Mambéré Kadéi. C’est l’ambiance et la fête.
En toile de fond, Berberati était le rendez-vous historique du donner et du recevoir. Dès l’ouverture de la cérémonie, et après les bienvenues souhaités par M. … Président de la Délégation spéciale de la ville de Berberati, le Ministre Henri Marie Dondra, en sa qualité du Ministre – résident de la Mambéré Kadéi a pris la parole pour plonger les invités et les braves paysans dans le bain de la fête. « Les deux manifestations, notamment la Journée internationale de la femme rurale et la Journée mondiale de l’alimentation jettent la lumière sur Berberati, faisant d’elle, pendant ces quelques jours, le centre d’attraction de la République centrafricaine », s’est réjoui le membre du gouvernement qui a ajouté que les actions menées par le gouvernement pour redorer à Bangui son blason, Berberati en a également bénéficié grâce à la JMA. Il fait ainsi allusion à la reconstruction des routes, au redéploiement des services sociaux de base dont l’eau et l’électricité à travers la SODECA et l’ENERCA, sans oublier le rétablissement des services de télécommunications et les stations services pour la desserte en hydrocarbures.
La question des migrations vers l’Europe retenue comme un aspect crucial du thème de la célébration de JMA de cette année a marqué le Représentant résident de la FAO, Jean Alexandre Scaglia qui s’est appesanti à travers le message du Directeur général de la FAO, José Graciano Dasylva basé en Italie, pour attirer l’attention des Centrafricains sur le phénomène. « Lorsque les gens migrent par nécessité, par détresse et désespoir, c’est une toute autre affaire », peut-on lire entre les lignes de la déclaration du DG de la FAO qui énumère quelques causes à éviter pour les migrations forcées dont « les conflits, l’instabilité politique, la pauvreté extrême, la faim, la dégradation de l’environnement et les impacts du changement climatique […], la sécheresse et les inondations ». Le tableau synoptique des personnes en situation d’insécurité alimentaire dans le monde aujourd’hui, présenté par le Représentant de la FAO est bien inquiétante et interpelle : « selon le dernier rapport [de la FAO] l’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition en 2017, plus de 815 millions de personnes souffraient de la faim en 2016, soit 38 millions de plus qu’en 2015 », précise Jean Alexandre Scaglia.
Parlant de la République centrafricaine qui connait également ce phénomène de mouvement des populations, surtout les jeunes qui quittent massivement les compagnes pour les villes, le Représentant de la FAO a estimé que seul « le développement rural inclusif peut contribuer sur tous les fonts, notamment d’atténuer les conflits, renforcer la durabilité du développement en faisant en effet que les migrations et l’exode rural soient une question de choix et non de désespoir ».
Le Ministre Honoré Féizouré, de l’Agriculture et du développement rural a rappelé que l’objectif même de la JMA, c’est « d’attirer l’attention des décideurs sur des sujets d’actualité qui ont un impact sur la situation de l’alimentation et de la nutrition dans le monde ». Car, selon lui, si la problématique de migrations défraie la chronique aujourd’hui à travers le retour de l’esclavagisme en Libye et adoubé par les naufrages en mer des milliers d’Africains en quête de meilleure vie en Europe, le Ministre Féizouré voit plutôt le même problème en RCA. « Nous, Centrafricains pouvons être tentés de croire que ce phénomène [des migrations] se déroule loin de nos frontières et que nous ne sommes pas directement concernés… mais l’implication de nombreux jeunes centrafricains dans des groupes armés résulte d’un sentiment de désespoir », et donc similaire à la situation des migrations vers l’Europe.
Le membre du gouvernement a fait savoir que les nouvelles autorités centrafricaines en ont parfaitement conscience d’où la priorisation de la sécurité alimentaire et du développement rural dans le cadre du RCPCA (Plan national de relèvement et de consolidation de la paix en Centrafrique soumis aux bailleurs de fonds le 17 novembre 2016 à Bruxelles). Et de préciser qu’au niveau de son Département, le chantier est déjà en marche pour relever le défi. Le Ministre a cité pêle-mêle des initiatives et réformes, entre autres l’adoption en novembre 2016, par le gouvernement, de la ‘’Politique nationale de l’emploi et de formation professionnelle’’ accordant plus d’importance à l’agriculture et l’élevage ; le projet de loi portant Code foncier en RCA ; le projet de loi régissant les Organisations professionnelles agricoles et rurales ; la réforme de la Chambre d’agriculture, d’élevage, des eaux, forêts chasse, pêche et tourisme (CAEEFCP)…
Dans la suite logique des actions politiques à mener pour créer les conditions au développement agro-pastoral, le Président de la République, Faustin Archange Touadera dans son discours magistral de circonstance va rappeler les engagements qu’il a pris lors de son investiture : « Lors de mon investiture, j’ai pris l’engagement de ne pas vous décevoir et je voudrais vous le réaffirmer aujourd’hui », affirme le Chef de l’Etat avant d’indiquer en ce qui concerne les solutions au problème de l’exode rural et l’insécurité alimentaire que le développement de l’agriculture constitue le principal levier. « Concernant notre agriculture qui fait vivre la majorité du peuple centrafricain, je tiens clairement à exprimer ma volonté de la relancer en stimulant toutes les productions afin d’assurer notre sécurité alimentaire, réduire les importations et accroitre nos exportations », déclare-t-il. Et de préciser qu’afin de traduire en réalité cette vision, « il nous faudra sortir des sentiers battus, changer de méthodes et mettre en œuvre des moyens modernes. C’est la modernisation de notre agriculture qui ouvrira de nouvelles perspectives à la jeunesse centrafricaine en les incitant à rester au pays ».
A travers ces mots forts, le Président Touadera a semblé répondre aux désidératas exprimés par les pays mobilisés à cette célébration de JMA de Berberati. Car sur le site d’exposition des stands de multiples entraves au développement de l’agriculture ont été soulevées par les paysans. « Les outils modernes de travaille nous manquent. Avec la main, nous ne produisons pas en grande quantité, et on vieillit très tôt. Nous voulons une mécanisation de l’agriculture, que des machines soient distribuées dans les communes pour faciliter les travaux champêtres et d’augmenter nos surfaces et nos productions. En cela, nous allons efficacement lutter contre l’insécurité alimentaire. En outre, le gouvernement doit pouvoir nous aider à travers les crédits agricoles », a déclaré Mme Catherine Gobotali, Présidente de l’Organisation des femmes rurales (ONFR) de Yaloké, rencontrée sur son stand d’exposition.
Quant à Mme Valérie Yamani, Présidente préfectorale de l’OFCA Sangha-Mbaéré « le grand problème des femmes rurales de Sangha-Mbaéré, c’est celui de la dégradation des routes. Les femmes se débrouillent bien pour faire des productions, mais l’impraticabilité des routes pose problème pour l’écoulement de leurs produits agricoles et permettre aux commerçantes d’exercer librement. A cela s’ajoute le problème de suivi et d’appui technique aux femmes qui s’organisent en groupements ou coopératives. Le gouvernement doit nous aider à travers un appui technique pour un bon développement des femmes rurales ».
Notons qu’à l’occasion de cette JMA, une trentaine de paysans dont des éleveurs et agriculteurs ont reçu des distinctions honorifiques de la main du Chef de l’Etat. Et que le Conseil de Ministres extraordinaire qui s’est tenu à Berberati a décidé de la tenue des JMA 2018 et 2019 respectivement à Bambari et Biroa.