BANGUI - L’honorable Augustin Agou, député du 1er arrondissement s’est dit inquiet de la situation économique du pays et de l’exonération faite à la Minusca sur ses importations. Selon lui, c’est la contribution de la patrie qui doit permettre à la Minusca de donner à la RCA le dividende qu’est la paix pour permettre le relèvement. Il l’a dit lors de sa déclaration relative à la restitution parlementaire ce 30 novembre à Bangui.
Bonjour, un jour après le vote du budget, vous faites la restitution de vos activités parlementaires à vos électeurs. Alors dites-nous, le budget que vous venez de voter est pertinent ?
Augustin AGOU : C’est avec un pincement au cœur que nous avons suivi hier le débat sur le budget de 2018 que nous avons pu voter et de voir le montant global en termes des ressources qui se chiffre à 161 milliards pour un pays vachement riche comme la RCA. C’est quand même regrettable après plus de 50 années de l’indépendance, on arrive à voir un budget de ce niveau-là.
Alors dites-nous aujourd’hui, le vrai problème de ce budget qui est revu en baisse, c’est quoi ?
A A : C’est une question pertinente. Je vais vous donner les raisons. La première, je dirai que ce sont les exonérations. Dans un rapport du ministère des Finances, nous nous sommes rendus compte que 70% de toutes nos importations c’est-à-dire sur les marchandises, tous les matériels qui sont entrés sur le territoire centrafricain pour l’année 2016 ont été totalement exonérées des droits et taxes. Et pour l’année 2017, 67%. Alors vous conviendrez avec moi que l’Etat n’a perçu que 30% des droits et taxes par rapport aux importations pour l’année 2016 et 33% seulement pour 2017.
Alors à cet effet, comment voulez-vous que l’état puisse avoir des ressources ? Comment voulez-vous qu’on puisse parler du développement avec ces maigres ressources ? Ce n’est pas normal ! Nous avons examiné et nous nous sommes rendus compte que la plupart des exonérations à hauteur de 60% part de la MINUSCA et le reste ce sont les O N G. Et nous au niveau du parlement, surtout à la commission Finance, nous nous sommes interrogés par rapport aux retombées de la présence de MINUSCA sur notre territoire. Si l’état a octroyé d’énormes sacrifices au détriment du trésor public et du peuple centrafricain. Comment expliquez-vous qu’aujourd’hui, on ne voit pas les retombées de la présence de MINUSCA sur le territoire, nous avons l’insécurité qui persiste, nous ne voyons pas le développement.
Dès lors que l’Etat a fait ce sacrifice-là, que le système des Nations Unies fasse un effort pour qu’il y ait de retombée pour qu’il y ait la paix et faciliter l’incitation des investisseurs à venir dans le pays et investir et pour qu’à la fin de mission de la Minusca, qu’en site dans le monde entier que leur passage en Centrafrique a permis un bri, de développement
RJDH : donc vous êtes inquiet alors ?
AA : Oui, je le suis pourquoi simplement pour la survie du système des Nations Unies. Vous comprenez aisément que partout dans les pays africains où ils sont passés, ils n’ont pas donné des résultats satisfaisants. Si les Nations Unies échouent chez nous, je ne pense pas qu’en cas de problème dans un pays africain, ils seront prêts d’accepter à ce que les Nations Unies aillent chez eux soit disant pour amener la paix.
RJDH : Une chose est de regretter l’exonération accrue faite sur les importations de la Minusca qui favorise la faiblesse de la trésorerie, mais l’autre problème est la faiblesse d’investissement dans les secteurs clés tels que l’Agriculture, l’élevage, le transport etc, ne voyez-vous pas la part de l’Etat ?
AA : oui, mais pour que l’Etat investisse il faut des ressources, vous allez investir avec quoi si vous n’avez pas de ressources. Cela pose de problème. La moyenne de recette mensuelle de l’Etat varie entre 5 milliards et cinq milliard et demi. Alors que la masse salariale se chiffre à 4,5 milliards. Voyez-vous ? La différence est infime et ne permet pas à l’Etat de fonctionner et investir ? J’entends par investissement la construction des routes, les écoles et les hôpitaux, un autre aspect majeur c’est que nous n’avons pas assez d’entreprise ici, il n’y a que les entreprises qui peuvent payer de taxe à l’Etat à cela s’ajoute la faible consommation chez nous due au fait que le salaire des fonctionnaires n’a pas évolué ce qui fait qu’il n’arrive pas à consommer. Lorsqu’on paye le salaire des fonctionnaires, une semaine y a mouvement mais la deuxième semaine l’argent est fini et c’est en cela que je suis inquiet par rapport à la situation de notre pays.
RJDH : Mais un coup d’œil sur les dernières recommandations produites par votre commission, on voit des niches fiscales non couvertes par l’Etat. Est-ce que cela ne montre pas la faiblesse actuelle de l’autorité du gouvernement ?
A.A : Vous savez, c’est ce que nous avons constaté cette année. Au niveau de la commission finance, nous avons fait un travail remarquable que cette commission n’a jamais fait depuis que l’Assemblée nationale a existé. C’est une commission mère. Qu’est-ce que nous avons fait cette année. Nous avons décidé sous la haute présidence de notre président, Martin ZIGUELE, d’auditionner toutes les sociétés d’Etat et les agences.
Y a ces pléthores d’agences chez nous et nous nous sommes rendus compte que dans ces sociétés d’Etat, il y a un désordre organisé. Désordre organisé au détriment de la caisse de l’Etat. C’est-à-dire notre pays a adhéré au système OHADA qui fait l’obligation de la tenue de comptabilité, le dépôt de DCF ainsi de suite. Ces sociétés et agences collectent des impôts c’est-à-dire la TVA et sont censées les reverser au Trésor Public. Elles ne le font pas et cela pose énormément de problèmes.
RJDH : Quelles sont les motivations de vos recommandations ?
Nous avons fait des recommandations au gouvernement pour qu’on revienne à la normale d’ici 2018. Il faut qu’on mette sur place des conseils d’administrations dans toutes les agences et sociétés et que la comptabilité soit tenue régulièrement. Des commissaires au compte doivent être nommés et un bilan annuel doit être déposé. Et également nous avons fait d’autres recommandations par rapport aux taxes aéroportuaires car nous nous sommes rendus compte que chaque passager qui achète un billet d’avion dans les compagnies paie une taxe. Ces taxes sont censées rentrer dans la caisse de l’Etat mais malheureusement, depuis une vingtaine d’années ces taxes sont détournées. Et n’arrive pas dans la caisse de l’Etat et cela se chiffre en termes des milliards. Nous les avons estimés entre 1 milliards et demi à 2 milliards de Fcfa an. C’est grave et c’est un montant énorme. Cet argent devrait permettre à l’Etat de faire des investissements au niveau de l’aéroport. En voyant l’état actuel de notre aéroport, c’est une honte. Donc les 2 milliards annuels des taxes sur les billets d’avions pourraient permettre à donner un éclat à cet aéroport comme les autres du continent. Nous avons décidé qu’en 2018, que ces taxes aéroportuaires arrivent dans la caisse de l’Etat.
L’autre aspect est que lorsqu’Air Afrique était là, il y avait des activités au sol exercées par cette compagnie. Depuis qu’Air Afrique a déposé le bilan, les pays membres ont décidé que cette activité revienne à chaque pays membre. Malheureusement chez nous ici, ce que nous n’arrivons pas à comprendre pour quelles raisons, le ministère des transports a signé une convention avec une société privée dénommée AHS (Aviation Handling Services) qui se trouve à l’aéroport. C’est cette société privée-là qui gère ces fonds à la place de l’Etat et s’occupe de l’entretien de l’aéroport. Ces fonds n’arrivent pas dans la caisse de l’Etat. Dans ces recommandations-là, nous avons décidé que ces fonds reviennent à l’Etat pour l’année 2018.
D’autres concernent également, les activités des taxi-motos. Vous conviendrez avec moi qu’il y a un désordre organisé et général qui échappe au contrôle de l’Etat par rapport aux activités des taxi-motos. Nous avons fortement recommandé aux ministères des finances et celui des transports pour qu’en 2018, ce secteur soit revu et normalisé. Premièrement, tous taxi-motos doivent être dédouanés, immatriculés, assurés et le conducteur doit avoir ce qu’on appelle le permis A.
RJDH : le dossier Sucaf a aussi occupé une place importante lors du débat budgétaire !
Nous avons constaté que l’Etat a octroyé des avantages fiscalo-douaniers à une société du sucre, SUCAF. L’Etat a décidé pour que le peuple ait du sucre à un prix abordable, au lieu de payer les 19 % de la TVA, la SUCAF paie 5 %. Et 30 % des droits des douanes sont réduits à 10 % pour la SUCAF. Mais le constat est que le prix du sucre ne fait qu’augmenter. Au niveau de l’Assemblée nationale, nous avons décidé de ramener en 2018 le taux de TVA à de 19 % au lieu de 5 %.
RJDH : Le président de l’Assemblée Nationale Abdou Karim Meckassoua dans son commentaire, avait regretté la baisse du niveau de débat autour du budget et aussi il dit avoir dit au premier ministre et au chef de l’Etat que les députés n’ont pas besoin d’argent pour voter le budget. « Il faut arrêter avec ça ! » Est-ce que les députés ont été soudoyés pour voter ce budget ?
A A : Non, je ne pense pas ! Vous savez, depuis que l’Assemblée Nationale fonctionne, nous les députés, avons certaines indemnités. Le constat est que nous avons ce qu’on appelle les indemnités de restitution et celles d’assistance parlementaires. Et, il se trouve que des arriérés qui n’ont pas été payés depuis quelque temps. Et vous savez, ce qui devait nous donner la force comme les fonctionnaires, c’est le vote de ce budget et nous avons 6 mois de retard pour les assistances parlementaires et pour une année, seulement 4 mois ont été payés. Donc, si on laisse passer le budget, cela va être difficile pour nous. Car on va terminer l’année budgétaire ce mois de décembre pour reprendre en mars 2018. C’est pourquoi les députés ont émis un vœu au ministre des Finances pour dire que nous avons 6 mois d’arriéré des frais des restitutions et le ministre a compris. C’est pourquoi il a versé 3 mois des frais de restitutions parlementaires. Voilà pourquoi il y a cet amalgame.
Propos recueillis par Jean Fernand Koena