La presse internationale défile à N’Délé, à 650 km au nord-est de la capitale, pour adouber l’émir Nourredine Adam : après l’AFP, c’est au tour d’Al-Jazeera, la chaîne de télévision qatarie, de faire un reportage élogieux sur l’administration de la ville par Nourredine Adam et sa bande de criminels de guerre.
Ce reportage scandaleux laisse entendre que N’Délé serait une ville paisible, contrairement à l’ensemble de la Centrafrique, grâce à la gestion de celui qui menace de marcher sur Bangui et qui vient de proférer des injures inacceptables à l’encontre du président de la République Touadera, démocratiquement élu.
Al-Jazeera est connue pour ses reportages partisans sur les mouvements terroristes djihadistes. La chaîne qatarie est d’ailleurs interdite dans certains pays, notamment arabes. Qu’elle fasse la propagande d’un chef terroriste séparatiste musulman, n’est pas surprenant. Elle apporte ainsi son soutien à un « califat » en gestation. Le titre du reportage : « CENTRAFRIQUE : quand le FPRC de Noureddine Adam crée un État parallèle à N’Délé » ne laisse aucun doute sur le but de ce panégyrique.
Que l’AFP fasse l’interview d’un terroriste prédateur qui occupe une des régions d’un pays souverain, sans rappeler qu’il fait l’objet d’une plainte de l’ONU pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, voilà qui interpelle. C’est comme si on allait interviewer Hitler pour qu’il se livre lui-même à son propre éloge ! C’est scandaleux et c’est condamnable.
Le gouvernement centrafricain doit demander des explications au Qatar. Il ne s’agit pas d’interdire à un organe d’information de faire son travail. Toutefois, dans le cas du reportage sur NDélé, les réserves sont on ne peut plus légitimes. Al-Jazeera n’est pas sans savoir que la situation chaotique qui prévaut en Centrafrique est, en grande partie, corollaire des actions terroristes de Noureddine Adam. Au nom de la liberté d’expression, on risque de promouvoir le chef d’une organisation terroriste qui a les mains pleines du sang des Centrafricains.
LE GOUVERNEMENT AU PIED DU MUR
Le pouvoir centrafricain mesure-t-il la gravité du défi séparatiste de N’Délé ? La réponse du Premier Ministre aux questions des députés, suite aux éructations arrogantes de Noureddine Adam, n’est vraiment pas à la hauteur de la menace lancée par le terroriste.
Aux interrogations des représentants du peuple, Simplice Sarandji a répondu : « la politique du président Touadera n’est pas de faire la guerre. Il a tendu la main à tous ceux des nôtres qui ont pris les armes et qui ont intégré différents groupes armés. Grâce à un travail de sensibilisation, beaucoup reviennent à la raison. »
Il faut sortir de cette illusion de dialogue. Depuis trop longtemps, le président de la République tend la main aux séditieux sans obtenir de résultat. Après la naïve et regrettable nomination de membres de l’ex-Séléka comme ministres et conseillers, les rebelles ont répondu par des massacres de populations. Ils n’ont pas cessé de lancer des insultes au pouvoir légitime et de le narguer quotidiennement.
On ne peut plus tenir ce langage pacifiste hors du temps pour tenter d’amadouer des criminels de guerre et des auteurs de crimes contre l’humanité. Le gouvernement doit passer à l’offensive. Rappelons que, pour négocier, il faut être deux. Or, au lieu de rejoindre la table des négociations, Nourredine Adam menace de « marcher sur Bangui » et insulte le président de la République.
Vouloir la paix certes, mais pas à n’importe quel prix ! Les gesticulations agressives des rebelles dissimulent mal leurs craintes de tomber aux mains de la justice. Leur principale préoccupation : échapper aux poursuites. C’est pourquoi l’annonce de l’arrivée des FACAS nouvellement armées les terrorise. Ils savent que la fin de leur aventure sanglante approche. Ils se vautrent dans une rhétorique de menaces et de terreur, cachant mal la peur qui les étreint.
UNE SITUATION INTOLÉRABLE
La première cible de la reconquête de la nation devrait être N’Délé. Cette ville aux mains du sanguinaire Nourredine Adam est un symbole de la déliquescence de l’État centrafricain. Ses hommes font les gendarmes pour le maintien de l’ordre. Un de ses séides se moque du maire, qui n’est pas respecté par ses administrés, un maire relégué dans un cagibi exigu et qui peine à trouver un stylo pour écrire et accomplir sa mission.
Le Commandant Mohamed Sabon, une sorte de gouverneur, déclare en pavoisant à Al-Jazeera : « c’est nous qui avons l’oreille du peuple. Les gens, ici, ne respectent pas le maire. Nous, nous sommes organisés. N’Délé, c’est un modèle. Nous sécurisons la ville, les gens. Nous sommes une administration parallèle… » C’est donc une sorte de partition qui s’installe à N’Délé, au nez et à la barbe du pouvoir légitime.
La France et la communauté internationale donnent l’impression de laisser faire. La responsabilité d’une grande part de la dislocation de la République Centrafricaine incombe largement à l’indifférence des puissances internationales. Surtout à l’apathie de la France qui est fortement soupçonnée par les Centrafricains d’avoir conclu des accords secrets avec les séditieux.
Comment comprendre autrement la réduction des forces françaises qui laisse le champ libre à la férocité des bandes armées ? Les institutions internationales connaissent très bien l’incapacité de l’État centrafricain à protéger ses populations et à défendre son territoire. La France, qui est intervenue dix fois dans des coups d’état pour installer de dictateurs, chiens de garde de ses intérêts en Centrafrique, détourne aujourd’hui la tête et laisse les Centrafricains se massacrer et des mercenaires s’emparer du territoire. Pas un commentaire, pas une mise en garde, pas une condamnation des propos injurieux et antidémocratique de Nourredine Adam.
SORTIR DU CHAOS
Des dirigeants impuissants devant les envahisseurs. Des structures administratives démantibulées. Des institutions régaliennes à la renverse. Des populations aux abois. Un pays qui danse sur un fil tendu au-dessus d’un volcan en éruption.
Malgré le chaos, il faut, à tout prix, chercher une réponse à la crise. Il faut arriver à rétablir la paix (SIRIRI) et la réconciliation nationale pour que les souffrances cessent. Pour y parvenir, il est indispensable d’envisager d’autres paradigmes. La piste d’une Conférence Internationale sur la République Centrafricaine devrait être creusée. Elle pourrait permettre de sommer les rebelles à rejoindre la table des négociations et d’imposer la paix par la force.
Les Centrafricains n’en peuvent plus. La tentation de l’autodéfense est grande. Mais ils attendent encore, impatients, la lumière qui surgira de l’horizon pour éclairer leur Nation.
« Grave est la nuit. Mais l’homme a disposé ses signes fraternels. La lumière vint malgré les poignards. » (Jean Picart le Doux)
JOSEPH AKOUISSONNE