Près d’un cinquième des cinq millions d’habitants de la République centrafricaine (RCA) ont fui leur foyer à cause des combats ou de la violence et vivent aujourd’hui en tant que personnes déplacées ou réfugiés. Pour ceux qui sont restés dans leurs villages, la vie est une lutte pour rester en sécurité, pour pouvoir travailler leur terre, et pour garder leur santé et celle de leurs enfants.
Au cours d’une récente semaine de route de Bangui à Paoua, nous nous sommes arrêtés dans de nombreux villages pour faire des appels de courtoisie à chaque communauté et pour en apprendre davantage sur la façon dont les gens font face au jour le jour. Nos camions empruntent la même route lorsqu’ils apportent des articles ménagers, de la nourriture et d’autres formes d’assistance aux personnes touchées par les combats dans l’extrême nord-ouest de la RCA.
«Vos camions passent devant, laissant seulement de la poussière derrière nous», nous avait-on dit. C’était un appel de réveil pour que nous écoutions les préoccupations des gens, pour entendre leurs perceptions du CICR et pour nous faire mieux connaître.
Les discussions que nous avons eues étaient informelles. Plus d’un exercice de renforcement de la confiance que toute autre chose, et conduisant à des invitations à revenir pour des discussions plus approfondies à l’avenir.
«Le premier contact est parfois un peu difficile mais lorsque nous nous rencontrons pour la deuxième ou la troisième fois, nous nous connaissons mieux et pouvons approfondir nos préoccupations», a déclaré un chef traditionnel de Bandero.
« Vous êtes invités à revenir à tout moment et à parler avec nos mères, et les jeunes et toute autre personne que vous aimeriez rencontrer », a déclaré le maire du village à Pembe.
« Maintenant que nous vous connaissons, nous n’hésiterons pas à arrêter vos véhicules si nous avons des informations à partager », a déclaré un autre chef de village. « Par exemple, si nous entendons parler de problèmes sur la route, nous pouvons vous avertir à l’avance. »
Chaque rencontre au village était éclairante de différentes manières. Ils nous ont aidés à dresser un portrait de la façon dont les communautés perçoivent la Croix-Rouge et comment, grâce à nos propres programmes ou en les référant à d’autres organisations, nous pouvons mieux soutenir les efforts des gens pour faire face aux défis quotidiens.
La RCA est l’un des pays les plus pauvres et les plus instables du monde. La crise de 2013 et les combats généralisés qui ont déclenché la chute du régime, une période de transition, et finalement des élections présidentielles en 2016, ont conduit à l’effondrement d’une infrastructure socioéconomique et de services de base déjà faibles. La situation en matière de sécurité reste également très instable à la suite des combats en cours qui ont un lourd tribut sur les vies et les moyens de subsistance de la population civile.
Les mères
«Nous vivons dans une peur constante», a fait remarquer une vieille dame du village de Beboura 3 près de Paoua, parlant dans le dialecte local. « Quand il y a des combats à proximité, nous nous cachons dans la brousse la nuit, nous nous sentons plus en sécurité là-bas que si nous restons à la maison. »
« Nous savons que la Croix-Rouge travaille dans des endroits où le conflit est en cours », a déclaré une autre femme. « Nous nous demandons, est-ce que quelque chose de mauvais va se passer quand nous verrons vos véhicules passer? »
Village des jeunes
Dans un autre village, c’était le chef des jeunes qui partageait ses pensées. «Avant la crise, nous avions une équipe de football, expliquait Valery Maxim.» Mais aujourd’hui, tout ce que les jeunes font le soir, c’est s’asseoir et parler. Rien n’est plus comme avant. »
Assis sur les racines d’un arbre autour duquel le village s’était rassemblé, Maxim espérait qu’avec un peu d’aide, lui et ses amis pourraient faire plus que parler. « Si vous pouviez envoyer une troupe de théâtre ici, ou un groupe de danse, nous nous joindrions tous. Mieux encore, si vous pouviez nous montrer quelques films, cela rendrait tout le monde heureux. »
Ce n’était pas une idée si farfelue que cela puisse paraître dans cette partie rurale reculée de la RCA où il n’y a pas d’électricité et les routes ne sont guère plus que des nids de poule, des rubans de latérite rouge serpentant à travers la forêt. Certains des plus grands villages possèdent un générateur communal, fournissant de la lumière en de rares occasions quand ils ont du carburant.
Les leaders communautaires
Dans presque tous les villages, les gens déploraient le manque de services médicaux et la pénurie d’eau. »
«Il y a 1 200 personnes dans ce village et nous n’avons qu’une seule pompe à eau», explique Jean-Robert, un chef traditionnel de Bogassa. « Les mères se querellent souvent en remplissant leurs jerrycans, elles veulent toutes aller en premier. »
Une jeune femme assise à proximité a fait écho à ses paroles. « Je dois attendre des heures avant que ce soit mon tour à la pompe », a-t-elle remarqué. « Au lieu je vais à la rivière, mais l’eau n’est pas propre et je dois marcher cinq kilomètres pour y arriver. »
«Si vous pouviez creuser un puits et installer une autre pompe, cela nous aiderait beaucoup», a suggéré Jean-Robert.
Femmes en autorité
En RCA, ce ne sont pas seulement les hommes qui sont en position d’autorité, mais souvent aussi les femmes. Brigitte Marto, l’adjointe au maire du village d’Angarakete, a voulu parler des problèmes auxquels sont confrontées les femmes enceintes.
« Notre poste de santé n’est pas équipé pour les situations d’urgence », a-t-elle déclaré. « Récemment, une femme du village a eu des complications pendant l’accouchement et a dû être emmenée à l’hôpital le plus proche, un voyage de plusieurs heures en moto sur des routes épouvantables, malheureusement elle a perdu le bébé, mais au moins elle est vivante. »
C’était un voyage qui a souligné la lutte très réelle que les gens dans les villages de toute la RCA rencontrent dans un conflit largement oublié, et qui affecte tous les aspects de leur vie.
Depuis que cet article a été redigé, de nombreux combats ont éclaté dans les régions du nord-ouest, y compris autour de Paoua. Des dizaines de milliers de personnes ont ainsi été déplacées. En décembre, suite à l’afflux initial de PDI dans la ville, le CICR et la Croix-Rouge centrafricaine ont distribué des vivres et des articles ménagers d’urgence et réparé des points d’eau à Paoua. Des secours supplémentaires sont prévus