BANGUI — La situation humanitaire de 2017, a été expliquée dans une interview exclusive du RJDH avec Virginie Baïkoua, Ministre de l’Action Humanitaire et de la Réconciliation Nationale, que RJDH-RCA a désignée comme personnalité de l’année par le RJDH-RCA. Pour la ministre, plusieurs défis restent à relever alors qu’un grand pas a été franchi en 2017 pour qu’en 2018, la Centrafrique passe de l’urgence humanitaire au relèvement.
RJDH : Vous êtes la Ministre de l’Action Humanitaire et de la Réconciliation Nationale. L’opération Noël à la Maison a été lancée en décembre 2016 par le Chef de l’Etat. Dites-nous quel bilan nous pouvons faire un an après.
VB : Le retour des personnes déplacées internes qui étaient sur le site de l’aéroport Bangui-M ‘poko était d’abord une promesse de campagne du Chef de l’Etat et était devenu un défi majeur pour la sécurité des déplacés eux-mêmes et la contribution effective de tous les Centrafricains au relèvement du pays après la grande crise.
Le Chef de l’Etat s’est personnellement engagé dans cette opération et vous connaissez la suite. Mon Ministère et moi n’étions que l’organe d’exécution de la volonté affichée du Président de la République.
Le bilan, un an après, c’est la fermeture de l’ensemble des sites des déplacés de la ville de Bangui permettant ainsi le retour à leur domicile ou dans un quartier de leur choix à plus de 70.000 compatriotes qui vivaient dans la précarité. Le travail se poursuit dans les quartiers de retour où avec l’appui des partenaires des actions sont menées pour la création ou la réhabilitation des services sociaux de base. Avec les partenaires, nous avons réhabilité ou construit des abris pour 1000 ménages dans les 3e et 5e Arrondissements de Bangui. Nous avons injecté au moins 600 millions de FCFA dans les abris. Nous avons assisté des personnes vulnérables pour développer les activités génératrices de revenus même à Bégoua. Dans les quartiers de retour, nous nous occupons de l’accès à l’eau et aux infrastructures de base.
L’opération Noël à la Maison continue dans les villes sécurisées. A Kaga-Bandoro, avec le Projet d’Appui à la Réintégration des Personnes Déplacés (PARET), vers la fin de l’année, plus de 200 ménages sont rentrés chez eux et cela se poursuit dans d’autres villes.
RJDH : Le gouvernement et ses partenaires humanitaires ont révisé le plan de réponse humanitaire afin de le conformer au contexte qui le prévoyait. Quelques mois après, quelle lecture faites-vous de la situation de la réponse ?
D’abord il faudrait remercier la communauté internationale qui, depuis le début de la crise, nous a assisté et nous a beaucoup soutenus dans nos actions et a appuyé les actions du gouvernement visant à répondre aux besoins des populations dans le besoin.
Depuis mai 2017, la situation humanitaire s’est détériorée avec la crise à l’Est. C’est ce qui a permis au gouvernement et aux partenaires de réviser le plan de réponse humanitaire pour le conformer aux nouveaux défis.
Quelle lecture ai-je de la situation de la réponse? je voudrais simplement vous dire que le Gouvernement a fait de son mieux pour apporter des réponses aux besoins des populations en détresse. Il en est de même du côté de nos amis de la communauté internationale. Beaucoup de choses ont été faites dans ce sens mais nous n’avons pas pu toucher tous nos compatriotes affectés. Cela relève du fait que parfois la situation sécuritaire ne le permettait pas et de la faible mobilisation des ressources due au contexte international. Nous ne devons pas perdre de vue que la crise centrafricaine n’est qu’une crise parmi tant d’autres au monde.
Le Gouvernement et le Président de la République multiplient les contacts pour maintenir la République Centrafricaine dans les agendas des partenaires internationaux afin que des aides accompagnent les efforts du Gouvernement. Ce qui est sûr, nous ne devons pas rester dans la crise. Nous devons nous relever et aller vite au relèvement. La mobilisation des fonds avoisine les 30% et les gens veulent nous aider plus dans le relèvement et non dans l’urgence.
RJDH : Le gouvernement à travers vous a effectué plusieurs missions dans les villes de provinces pour évaluer la situation. Quelle est la situation humanitaire dans ces villes actuellement ?
On ne pourra pas dire qu’en ce moment la situation humanitaire est des plus reluisantes, mais dans les villes où le Gouvernement a pu se rendre à travers les différents Ministres, la situation revient progressivement à la normale. Il faut dire que parfois c’est le manque de cadre de dialogue qui est à l’origine des conflits. Dans les localités où j’ai pu me rendre, on a toujours fini par trouver un terrain d’entente et pour la plupart du temps ce sont les incompréhensions ou les rumeurs qui sont à l’origine des crises.
Il reste certes des villes dans lesquelles les tensions sont encore vives et qui sont difficiles d’accès, situation entretenue par les ennemis de la paix. Mais le Gouvernement travaille pour que des solutions soient trouvées.
Les besoins sont énormes, les nouvelles violences sont encore enregistrées vers Paoua avec plusieurs conséquences.
RJDH : Les acteurs humanitaires ont été la cible des groupes armés. Plusieurs organisations humanitaires ont été pillées et des acteurs humanitaires ont perdu la vie. Quelles sont les dispositions de protection des actions humanitaires mises en place par le gouvernement ?
Plusieurs acteurs humanitaires ont été visés par des groupes armés et plusieurs ont hélas perdu la vie. Comme je le disais, c’est l’œuvre des ennemis de la paix, ceux qui ne veulent pas de la fin de la crise dans le pays. Ils continuent de s’en prendre à des personnes qui ne cherchent qu’à sauver des vies. Cela relève du manque total de patriotisme de la part de ceux qui prétendent avoir pris les armes pour aider les Centrafricains. Empêcher les humanitaires d’assister les personnes vulnérables, c’est tuer deux fois ces personnes. Je le condamne fermement. Selon le droit humanitaire international, c’est un crime.
Pour sa part, le Gouvernement, en concertation avec les forces des Nations-Unies en Centrafrique a pris des dispositions pour garantir le couloir humanitaire et protéger les acteurs humanitaires. Vous êtes sans ignorer que suite à la demande du Président de la République, les Nations-Unies augmentent l’effectif de leurs forces dans le pays. Tout cela participe à cette volonté du Gouvernement à assurer la sécurité des acteurs humanitaires.
RJDH : Le rapatriement volontaire des réfugiés soudanais a été lancé par le gouvernement il y’a deux semaines, alors que plusieurs réfugiés centrafricains sont encore à l’étranger. Comment organisez-vous aussi leur retour volontaire ?
Nous avons environ 400.000 compatriotes réfugiés dans les pays voisins de la République Centrafricaine suite aux tristes évènements que nous connaissons. Vous devrez aussi savoir que le retour des réfugiés dans leur pays d’origine est régi par des règles internationales. Aujourd’hui le Gouvernement à travers le Ministère des Affaires Etrangères, le Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Publique, le Ministère de l’Action Humanitaire et l’UNHCR sont à pied d’œuvre pour organiser le retour des Centrafricains vivant en exil dans les pays voisins.
Des commissions tripartites ont déjà eu lieu avec le Cameroun, le Tchad et bientôt il y aura la commission tripartite avec le RDC. Parallèlement, des missions d’évaluation des besoins se préparent pour aller vers ces compatriotes et déterminer leurs attentes. C’est un processus qui est déjà lancé et qui va couvrir toute l’année 2018.
Je voudrais aussi vous informer que des retours spontanés (non organisés) sont enregistrés du côté des villes de Berberati, Bouar. Il y a eu récemment un retour volontaire de nombreux compatriotes qui étaient au Congo.
RJDH : Madame le Ministre, êtes-vous satisfaite de l’organisation des réponses humanitaires cette année ?
Comme je vous l’avais dit, les réponses humanitaires sont fonction des moyens dont on dispose. Cette année les localités touchées par la recrudescence de la violence ont été couvertes par les acteurs humanitaires dans la mesure de la situation sécuritaire.
Dans la ville de Bambari, beaucoup d’actions humanitaires sont en cours et cela va se poursuivre. Je ne saurais être vraiment satisfaite s’il y a encore un Centrafricain vivant dans la détresse et je suis persuadée qu’il en est de même pour le Président de la République et tout le Gouvernement.
RJDH : Quelles sont vos projections pour l’année 2018 dans le domaine humanitaire ?
Pour l’année 2018, le Ministère de l’Action Humanitaire et de la Réconciliation Nationale va axer ses actions sur l’intérieur du pays, aussi bien dans les anciennes zones affectées que les nouvelles. Avec l’appui des partenaires, notamment la Banque Mondiale, nous avons commencé à Bambari où nous impactons sur 4.800 ménages et le projet va se poursuivre dans les villes de Bria, Kaga-Bandoro et Batangafo. A terme, ce sont 15.000 ménages qui seront touchés parmi les familles déplacées et les familles d’accueil.
Des actions seront aussi menées en direction des villes comme Bangassou, Zemio, Rafaï et Alindao. Un travail de mobilisation des ressources se fait en ce moment par le Gouvernement et les partenaires humanitaires afin que des moyens conséquents soient mis à la disposition de ce plan de travail.
A travers le projet d’Appui aux Communautés Affectées (PACA) avec la Banque Mondiale, nous allons appuyer les personnes retournées et les familles d’accueil. Nous avons prévu appuyer 5.000 ménages dans les 3e et 5e arrondissements à hauteur de 25.000 FCFA chaque trimestre et pendant deux ans, pour les activités génératrices de revenu. Je vais faire en Allemagne un plaidoyer pour qu’on puisse élargir ce projet à d’autres villes.
Nous allons aussi nous atteler, comme je l’avais dit, au processus du retour de nos compatriotes réfugiés à l’étranger.
C’est un vaste programme, mais avec la volonté nous y arriverons. Nous comptons sur l’appui de tout le monde, y compris vous des média.
Madame la Ministre, Merci
Propos recueillis par Fridolin Ngoulou et Christelle Adrisse-Komesse