BANGUI – Au dernier Sommet de l’Union Africaine à Addis-Abeba, les Chefs d’Etat Africains ont lancé la réforme de l’institution régionale : le financement de l’organisation par les africains, le marché unique du transport aérien du continent, la résolution des conflits et la lutte contre la corruption.
Du 28 au 29 janvier, les dirigeants africains étaient réunis au siège de l’Union Africaine en Ethiopie pour impulser le développement du continent et son intégration. Pour ce 30e Sommet, « remporter la lutte contre la corruption : une voie durable pour la transformation de l’Afrique » est le thème retenu. A cette occasion, le Président nigérian Muhammadu Buhari a été désigné « champion africain pour la lutte contre la corruption » par ses pairs.
Ainsi, pour moins dépendre de l’aide des partenaires extérieurs, les Chefs d’Etat du continent ont décidé lors du 27e Sommet à Kigali de financer l’organisation régionale par le prélèvement d’une taxe de 0,2 % admissibles. Le Chef d’Etat rwandais Paul Kagame, Président en exercice de l’UA est chargé de mener cette réforme. L’autre mesure phare dont Kagame aura la charge est le marché unique du transport aérien africain.
Qu’est-ce que la taxe de 0,2 % admissibles?
De l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) à l’Union Africaine (UA), l’institution régionale a été toujours financée par les bailleurs extérieurs (Union Européenne, la France, les Etats Unis d’Amérique, l’ONU, …). Mais pour réduire sa dépendance, elle a pris l’initiative d’imposer à chaque membre le prélèvement d’une taxe de 0,2 % admissibles sur les produits non africains. A Addis-Abeba, « 20 pays ont accepté d’accorder 0,2% au mécanisme de financement de l’Union africaine », a indiqué panoractu.com, un site rwandais.
Cette contribution financera 100% du budget de fonctionnement, 75% du budget programme et 25% du budget des opérations d’appui à la paix de l’Union Africaine ainsi que de toute autre dépense de l’Union à définir par la Conférence.
A titre de rappel, le budget total du Conseil exécutif de l’UA pour 2017 est 782 millions de dollars… et les opérations de maintien de la paix sont financées à 75% par l’aide extérieure. Aussi, une trentaine de pays du continent ne paie pas régulièrement leur cotisation. Si la «taxe Kagame» était adoptée par l’ensemble des Etats membres comme l’a souhaité le président sortant de l’Union africaine, Alpha Conde, celle-ci pourrait générer environ 30 millions de dollars, par an, pour le fonctionnement de l’institution.
Les ¾ des dépenses de l’UA sont financés par les bailleurs extérieurs.
Les crises sur le continent et en République Centrafricaine:
De la Libye au Mali, du Burundi à la République Démocratique du Congo (RDC) en passant par la République Centrafricaine, sans oublier la Somalie et le Soudan du Sud, la crise sur le continent interpelle l’organisation régionale. L’une des solutions proposées par le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat est « d’imposer des sanctions contre ceux qui entravent les efforts de paix, sans pour autant donner d’exemples de possibles sanctions ».
Concernant la République Centrafricaine, Mr Moussa Faki Mahamat a indiqué que « tout doit être fait pour assurer l’aboutissement de l’initiative africaine pour la paix et la réconciliation, lancée sous les hospices de l’Union Africaine ».
Sur les crises qui minent le continent, l’Union africaine a prévu d’organiser deux conférences sur le Sahel et dans le bassin du lac Tchad. Le commissaire à la Paix et à la Sécurité de l’Union Africaine (UA), Smail Chergui, a déclaré que « la conférence sur la crise dans la région du Sahel se tiendrait dans quelques semaines à Nouakchott, en Mauritanie, et serait suivie peu de temps après par une conférence sur la crise dans le bassin du lac Tchad ».
Ce Sommet a été aussi l’occasion pour les africains de dénoncer l’inefficacité de l’ONU dans la résolution des conflits sur le continent. Alpha Condé, le Président guinéen a estimé « que les Casques bleus n’ont pas eu un rôle efficient », en référence aux « plus de 20.000 Casques bleus au Congo (RDC) depuis des années » qui ne « donnent pas de résultats ».
Et le marché unique du transport aérien africain ?
Aussi à Addis-Abeba, un pas a été franchi dans l’intégration économique, notamment par le lancement du marché unique du transport aérien africain adopté depuis 1999 par la Déclaration de Yamoussoukro.
Appelé aussi Open Sky Africain, le marché unique du transport aérien est l’un des douze projets prioritaires de l’Agenda 2063. « Le projet vise à unifier le transport aérien en Afrique et à libéraliser l’aviation civile sur le continent », a commenté un expert. Sur 55 pays du continent, 23 ont déjà adhéré au marché. Un membre de la commission de l’Union Africaine a indiqué que ce marché va « stimuler les investissements transfrontaliers dans les industries de production et de services, y compris le tourisme ». Il permettra la création de « 300.000 emplois directs supplémentaires et de deux millions d’emplois indirects », a déclaré la commissaire en charge des infrastructures et de l’énergie à la Commission, Amani Abou Zeid, dans un communiqué de presse de l’organisation.
Mais, ce grand marché en gestation ne fait pas sourire les compagnies aériennes locales qui risquent de tout perdre au détriment des compagnies non africaines. Elles craignent de perdre des bénéfices « par le déséquilibre qui existe entre les différents marchés ». D’après un responsable de l’agence du Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD), les compagnies africaines assurent moins de 3% du trafic aérien mondial bien que le continent représente plus de 17% de la population mondiale. Aussi, « environ 70 % du ciel africain est dominé par des compagnies étrangères ».
À la dernière nouvelle, la République Centrafricaine n’a pas encore adhéré au marché unique de transport aérien Africain.
Et enfin la lutte contre la corruption :
« Chaque année, la corruption entraîne un manque à gagner de 50 milliards USD pour tous les Etats. Elle constitue un frein au développement, et une source de conflits sociaux et d’instabilité politique », a indiqué le Président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat. Tandis que, « 148 milliards de dollars sont drainés hors du continent par diverses formes de corruption, ce qui représente environ 25% du PIB moyen de l’Afrique », a rapporté la Secrétaire exécutive de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), Vera Songwe.
Comme l’indique le thème du Sommet, les chefs d’Etat se sont penchés sur la question pour l’extirper. « L’année 2018 sera celle du renforcement de l’action des Etats africains, sur la base de la Convention sur la prévention et la lutte contre la corruption, signée en 2003 », a déclaré le Président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat.
Par ces réformes institutionnelles et défis, l’Union Africaine a pris des mesures historiques dont la concrétisation incombe à l’adhésion de tous ses membres à ses projets pleins d’enjeux. Paul Kagame, le nouveau Président en exercice de l’UA et Chef d’Etat rwandais salué par son modèle de développement a promis dans son discours d’acceptation « de faire de son mieux dans les deux rôles » de Président en exercice de l’UA et superviseur du processus de réformes de l’Union.