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Centrafrique : Patrick Albert Djoka antropologue, chercheur justifie les actions de Faustin Archange Touadera
Publié le jeudi 8 fevrier 2018  |  RJDH Centrafrique
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© Autre presse par DR
Le Président Faustin Archange Touadera assiste à la finale de la Coupe de la cohésion sociale
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BANGUI - Dans une interview accordée au RJDH, Patrick Albert Djoka, l’un des proches de Faustin Archange Touadera, justifie ses actions par la reprise des activités économiques dans le pays. Il l’a dit dans une interview accordée au RJDH.

RJDH : Monsieur Patrick Albert Djoka, bonjour

PAD : Bonjour monsieur le journaliste

RJDH : Alors près de deux ans du retour à l’ordre constitutionnel en République Centrafricaine, quelle lecture faites-vous de la situation globale de la RCA sur le plan économique et social ?

PAD : Vous savez, après plus de deux ans aujourd’hui, la RCA a connu une avancée très considérable. C’est vrai, on sort de très loin avec tout ce qui s’est passé dans le pays. Tous ces soubresauts, tous ces mouvements politico-militaires et étrangers qui se sont invités dans l’affaire centrafricaine pour nous mettre en péril, petit à petit, c’est comme une grande maladie.

Et vous savez que quand une personne est gravement malade et qu’on arrive à trouver un bon médecin à ses côtés, eh bien elle se remet progressivement. Ce qui dit qu’aujourd’hui on ne peut toujours pas être pessimiste. Je crois que ma vision aujourd’hui est optimiste parce que je vois que le pays est en train de se reprendre progressivement en main. Il suffit juste de regarder les grands carrefours de la ville de Bangui tous les matins. Vous allez voir que la circulation est dense et on voit des embouteillages un peut partout. C’est un signe positif.

RJDH : Vous êtes optimiste alors que l’évidence est celle de constater aujourd’hui que beaucoup de Centrafricains vivent avec moins d’un dollar et que la pauvreté est le quotidien même des Centrafricains.

PAD : Vous avez raison, je vous ai dit tout à l’heure que nous sortons de très loin. On ne doit pas perdre cela de vue. En principe, la RCA en tant que telle ne devrait pas exister avec tout ce qu’on a connu dans ce pays. Vous imaginez que nous avons été touchés au profond de nous-mêmes. Donc pour se remettre aujourd’hui, on va progressivement. Ce n’est pas un bâton magique pour dire toute de suite, aujourd’hui. Tous les centrafricains vont vivre au-delà de ce qu’ils ont. Non ! C’est progressivement.

RJDH : Mais si vous dites que ce n’est pas un bâton magique. Alors à quoi sert le leadership? Parce que gouverner c’est prévoir, c’est porter des ré,formes pouvant solutionner les problèmes.

PAD : Très bien, monsieur le journaliste. Gouverner c’est prévoir, c’est porter des réformes pouvant solutionner les problèmes que nous avons eus. Justement on est en train de voir ces problèmes. Le gouvernement sous l’égide du premier Ministre et le président de la République sont en train de travailler. Il y’a aussi des Centrafricains qui travaillent d’arrache-pied. Vous avez appris qu’à nos côtés, on est allé jusqu’à ressortir les anciens accords avec d’autres pays amis qu’à un moment donné, on a pratiquement oubliés.

RJDH : Par exemple la Russie ?

PAD : Par exemple. Je veux parler de la Russie, de l’ancien Etat d’Israël. Vous savez que la RCA est le tout premier pays au monde à reconnaitre l’Etat d’Israël et la Chine est en train de nous faire des grandes choses. Là où le siège du RJDH dans le 2ème arrondissement est très proche du 6ème, vous avez le Pont Sapéké qui s’était effondré il y’a longtemps et aujourd’hui cet axe sera opérationnel d’ici très peu de temps. C’est pour vous dire que ce sont des actes qui sont en train de se poser progressivement. C’est pour montrer que les gens ne sont pas en train de dormir, mais de travailler. Et il y’a un certain nombre de choses qui se font dont on n’a même pas besoin de parler. Mais on voit seulement l’évidence.

RJDH : Votre optimisme se heurte à certaines réalités, à savoir le rapport de la Banque Mondiale qui place la RCA parmi les pays les plus pauvres de la planète et même la corruption dans le dernier rapport place la RCA parmi les pays les plus corrompus au monde. N’êtes-vous pas en contradiction avec vous-même ?

PAD : Non, je ne suis pas en contradiction avec moi-même ! Effectivement cela confirme ce que nous avons dit. On sort de très loin. Et tout ça, ce sont les conséquences de ce qui s’est produit qui a amené le Centrafricain lambda à arriver sur ce point pour survivre. Vous savez que l’homme doit survivre. Et pour survivre, il faut trouver des moyens. Mais les conditions dans lesquelles se trouve le Centrafricain aujourd’hui ne le lui permettent pas. Excusez-moi, je peux aller loin pour vous dire que le fonctionnaire centrafricain qui construit une maison aujourd’hui est un voleur. Voleur parce qu’il aurait détourné quelque part. Parce que le salaire qu’il perçoit ne suffit pas à couvrir ne serait-ce que ses besoins. Alors les gens sont obligés de contourner.

RJDH : Malheureusement que ces avancées que vous soutenez n’ont pas influencé les conditions de vie d’un fonctionnaire aujourd’hui.

PAD : Les conditions de vie d’un fonctionnaire sont en train d’être influencées. Je vous parle tout de suite. Si vous faites un tour en ville, vous allez voir plein des gens devant les banques.

RJDH : Mais le paiement de salaires n’influence pas. C’est un service fait et c’est la contrepartie de ce service. Mais quand on dit amélioration de condition de vie, de salaire, c’est un salaire décent.

PAD : Le salaire décent ne se fera que lorsqu’on mettra toutes les bases ensemble en place. Et c’est ce que l’Etat est entrain de faire. L’Etat est en train de mener des efforts pour que toutes les bases pour qu’une vie décente des centrafricains soit mise en place. Et ça, d’ici peu de temps, on va s’en apercevoir très clairement.

RJDH : Parlons un peu de la diplomatie. Vous venez de toucher un point sur la diplomatie russe qui revient au devant de la scène. Beaucoup sont des Centrafricains qui se posent des questions avec le bloc de l’Est et le conflit éternel qui existe entre les communistes, les capitalistes et les socialistes. Ne pensez-vous pas que la main tendue de Touadera pourrait être un problème pour l’avenir?

PAD : Un petit rectificatif. Ce n’est pas la main tendue de Touadera, c’est la main tendue de la RCA, représentée par son Excellence, le Président de la République parce qu’à un moment donné de l’histoire de la RCA, ce pays a signé un accord de coopération avec la Russie. Ce n’est pas Monsieur Touadera, mais c’est un ancien chef d’Etat qui l’a fait. Et il y’a ce qu’on appelle la continuité du service de l’Etat. Si par ce canal on peut trouver des voies et moyens pour que pays puisse prospérer, je crois qu’il n’y a pas de soucis. Le problème qui se pose c’est l’adaptation de la condition de vie des Centrafricains sur l’échiquier international. Nous devons voir les choses de manière positive pour que la RCA figure en bonne place parmi les nations du monde.

RJDH : Aujourd’hui, beaucoup sont ceux qui pointent du doigt la diplomatie centrafricaine et parlent même de déliquescence avec ce qui se passe entre la RCA et la Guinée Equatoriale. Que répondez-vous ?

PAD : La Guinée Equatoriale est un pays frère de la RCA. N’oubliez pas qu’à un moment de l’histoire de la RCA, le président Jean-Bedel Bokassa avait apporté un appui à la Guinée Equatoriale. Et le président guinéen le sait très bien. En revanche, la Guinée Equatoriale revient à son tour pour prêter main forte à la RCA. Mais il y’a une insurrection des bandits extérieurs qui sont venus prendre le pays. On les retrouve au Mali. Vous vous souviendrez que des véhicules immatriculés RCA ont été retrouvés au Mali, au Tchad et un peu partout. Et ces mêmes bandits parcourent l’Afrique pour semer la zizanie. Ce n’est pas la RCA, ce sont des bandits.

RJDH : Même ce sont des bandits, dès lors que des ressortissants centrafricains sont cités dans l’affaire. Et le Président centrafricain, fut-il Faustin Archange Touadera, dit à son homologue qu’il ne contrôle pas la situation en RCA. Est-ce que cela vous choque ou pas ?

PAD : je crois qu’il faut prendre les choses d’une autre manière.

RJDH : Laquelle ?

PAD : La manière est la suivante. Le chef de l’Etat défend les Centrafricains. Il ne défend pas les bandits. Aujourd’hui vous êtes Centrafricain, vous posez un acte ignoble, s’il faut que vous répondiez de votre acte devant la justice, vous allez répondre. Et donc la RCA ne cautionne pas les bandits.

RJDH : Mais Ahmed Yalo n’est pas loin de Touadera. Il est le petit frère de Sani Yalo qui est un agent qui a financé la campagne de Touadera.

PAD : Je crois qu’il ne faut pas faire ce rapprochement.

RJDH : C’est ce que pense l’opposition démocratique.

PAD : Voilà ! C’est ce que pense l’opposition démocratique. Et on ne peut pas empêcher quelqu’un de penser. Même penser que la personne est diable, parce que la seule chose la plus libre au monde est la pensée. Vous ne pouvez pas embrouiller la pensée de quelqu’un. Mais reste à savoir si cette pensée est réelle. C’est là la question.



RJDH : Mais un Chef d’Etat, c’est l’homme le plus renseigné du pays. Il est à même de connaître ce qui se passe sur son territoire. On ne peut pas organiser la déstabilisation d’un Etat sur le territoire centrafricain ?

PAD : Ce que vous dites n’engage que vous, Monsieur le journaliste. Parce qu’en aucun cas, le chef de l’Etat a donné mission à ces gens d’aller déstabiliser la Guinée Equatoriale qui est un pays frère. Non ! C’est des bandits. Vous ne pouvez pas contrôler des bandits.

RJDH : Aujourd’hui la République Démocratique du Congo reproche à la RCA le fait de demander l’extradition des deux rebelles qui se sont évadés dans la prison du Camp de Roux. Comment vous trouvez cette situation-là ?

PAD : Cette situation nous préoccupe tous. Cela remet justement en cause un certain nombre de choses et cela donne l’occasion même au gouvernement de réfléchir sur cet endroit aussi stratégique que quelqu’un peut arriver à s’y évader. Cela donne matière à réflexion. Mais actuellement des investigations sont en train d’être faites pour chercher à savoir ce qui a été fait et des mesures seront prises pour éviter ce genre de situation.

RJDH : Devant le refus de l’extradition des deux rebelles congolais par la Centrafrique, aujourd’hui nous sommes devant les faits accomplis. Ne pensez-vous pas que la diplomatie centrafricaine a pris un coup ?

PAD : je ne vais pas dire que la diplomatie centrafricaine a pris un coup et rien ne prouve que la RCA ait refusé l’extradition de ces deux Congolais…

RJDH : La RDC a formulé la demande et l’extradition a tardé.

PAD : Oui ! Mais il faut remplir toutes les conditions…

RJDH : Lesquelles ?

PAD : Les conditions sécuritaires et tout. Il y a des accords qu’il faut respecter.

RJDH : Et la coopération judiciaire entre la Centrafrique et le Congo Démocratique est-il au beau fixe ?

PAD : Tout à fait. Et justement c’est dans cette optique de coopération judiciaire qu’on doit respecter les normes.

RJDH : Pour cela ce processus ne doit pas prendre 7 ou 8 mois ?

PAD : Un processus est un processus. Il faut mettre les bases. Mais entre le temps que cela a mis il y a eu un coup de théâtre.

RJDH : Comparaison n’est pas raison. Ceux qui sont en train d’être jugés sont des Centrafricains et jugés par la juridiction nationale. Mais pour les cas de ces évadés c’est des Congolais qui doivent être jugés par le Congo.

PAD : La RCA peut avoir aussi compétence de juger ces Congolais ici. Mais il fallait attendre que le processus atteigne son cours. Hussein Habre a été jugé au Sénégal et non au Tchad. Il y a des conventions et des normes au niveau de la justice que seuls les spécialistes peuvent expliquer et clarifier.

RJDH : Leur évasion pose un sérieux problème sur les criminels qui sont jugés et reconnus coupables aujourd’hui. Pensez-vous que pour leur sécurité, ils vont rester à la prison pour purger leur peine ?

PAD : Je vous dis que ces choses sont arrivées et tout ce qui arrive n’est pas nécessairement mauvais. Cela permet au pays de revoir le système de sécurité dans nos prisons pour éviter ce genre de situation.

RJDH : Toujours sur la question de la justice. Comment appréciez-vous le déroulement de session de la cour criminelle actuellement ?

PAD : Je pense que les cas Andjilo et du gendarme retraité qui a violé une fille de 9 ans montrent qu’il y a une maturité aujourd’hui de la justice centrafricaine. Et les chaines internationales en ont parlé. Je crois qu’il faut aussi faire confiance aux fils du pays.

Beaucoup des gens pensent que c’est des Anti-balaka qui sont jugés mais pas les Seleka. Récemment à Paoua, la MINUSCA a arrêté quelques hommes de la Seleka qui seront transférés à la justice et il appartiendra à la justice de les juger bien que la population de la ville de Paoua s’y soit opposée. Seule la Cour peut décider de leur innocence ou de leur culpabilité.

RJDH : Mais aujourd’hui, beaucoup sont ceux qui s’interrogent du fait que certains proches du Président Touadera qui ont leur dossier enrôlé ne sont pas jugés. Est-ce qu’on peut parler aujourd’hui de l’indépendance de la justice ?

PAD : Je crois que les gens se portent en faux et il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. Le processus de la Cour criminelle est en cours. Et dans une année la Cour criminelle a deux sessions : le début de l’année et puis 6 mois plus tard. C’est le premier qui a débuté et la seconde suivra.

Tous ceux qui se verront mains et pieds liés ou accusés et que les faits sont établis seront jugés. Aucune personne ne peut se dire aujourd’hui qu’elle est au-dessus de la loi, tout le monde est soumis à la loi.

RJDH : Malheureusement, l’opinion constate que ceux qui ont des carnets d’adresses échappent à la justice

PAD : C’est faux ! Ce que vous êtes en train de dire et c’est une conclusion hâtive. La porte du Tribunal est ouverte à tout le monde. Même moi, j’ai été condamné et écroué en prison 3 mois à Ngaragba. J’ai interjeté appel et j’ai été innocenté.

Si les faits reprochés à ces personnes sont criminels, elles répondront devant la Cour criminelle. Si les faits sont d’ordre civil, cela sera inscrit au rôle civil.

RJDH : Monsieur Patrick Albert Djoka, je vous remercie !

Propos recueillis par Jean Fernand Koena
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