Monsieur le Directeur de rédaction,
Dans un article daté du 14 février intitulé « Centrafrique : la destitution du Président Touadera,un processus inévitable en 2018 », et largement publié sur les réseaux sociaux, vous tentez, de manière insidieuse, de faire admettre à nos compatriotes l’idée d’une possible destitution du Président de la République, c’est-à-dire un coup d’arrêt aux efforts de paix entrepris depuis le 30 mars 2016.
Vous soutenez que le Président Touadera a violé et viole, par omission et par action, la Constitution de notre pays, et cela sans que les constituants (les députés?) le sachent (ou ne disent rien?). Ici, vous semblez qualifier les élus de la Nation d’ignorants. Ils apprécieront !
Vous évoquez les articles 155 et 124 de notre Constitution qui stipulent que :
« Les Institutions prévues par la présente Constitution seront mises en place dans les 12 mois qui suivent la date de l’investiture du Président de la République élu, à l’exception du Sénat qui sera mis en place après les élections municipales et régionales » et « La non mise en place des Institutions de la République dans le délai constitutionnel est considérée comme crime de haute trahison ».
Si on enlève le Sénat (art.155), seules deux Institutions sur dix prévues par la Constitution n’ont pas encore vu le jour : les Régions et l’Autorité Nationale des Élections. Les autres, l’Assemblée Nationale, la Cour Constitutionnelle, la Haute Cour de Justice, le Conseil Économique et Social, le Conseil National de la Médiation, le Haut-Conseil de la Communication et la Haute Autorité chargée de la Bonne Gouvernance ont été mises en place, malgré la situation sécuritaire difficile et encore précaire du pays, c’est-à-dire 70 % de ce qui est prévu dans la Constitution !
Dans ces conditions et au regard de l’état du pays et des priorités, peut-on vraiment parler de « haute trahison » ?
Pouvait-on envisager la mise en place des Régions quand une bonne partie du territoire est encore occupée par des bandes armées ?
La mise en place d’une Autorité Nationale des Élections ne pouvant intervenir qu’après celle des Régions, il apparaît dès lors prioritaire que le Président de la République et son gouvernement s’attellent d’abord à parer au plus urgent : ramener la sécurité sur l’ensemble du territoire !
La question que l’on peut se poser est celle de savoir pourquoi, si violation de la Constitution par le Chef de l’État il y a effectivement, les députés (qui ont le contre-pouvoir) et l’opposition ne réclament-ils pas la destitution du Président Touadera tant souhaitée par vous ? Les élus de la Nation et les membres de l’opposition sont-ils à ce point des personnalités sans structure pour se taire et fermer les yeux sur un acte aussi grave, qualifié de haute trahison ?
Au Zimbabwé et en Afrique du Sud, des responsables politiques , estimant que les présidents Mugabé et Zuma avaient commis des actes graves, ont réussi à les pousser à la démission.
Non, tous nos députés et responsables de l’opposition ne choisissent pas leurs ventres au détriment de l’intérêt supérieur de la Nation, comme vous l’affirmez. S’ils estiment que le Président Touadera a trahi, ils prendront leur responsabilité devant l’Histoire et devant la Nation pour exiger sa démission ou sa destitution ; Soyez-en sûr !
Demander la destitution du Président Touadera, à longueur de journée comme vous le faites, c’est chercher tout simplement à ajouter une crise à une autre, et saper les efforts engagés pour le retour de la sécurité dans le pays. Mais nos compatriotes ne sont plus dupes !
En espérant, Monsieur le Directeur de rédaction, que vous n’êtes pas un adepte de la politique de la censure, je vous suis reconnaissant de bien vouloir diffuser et publier cette réaction dans vos colonnes et sur votre site.
Cordialement !
Chibazo OKOYE
Un compatriote Centrafricain