Marie-Thérèse Keita Bocoum, a évalué l’impact de la feuille de route pour la paix, initiée par l’Union africaine et soutenue par la communauté internationale
Du 6 au 16 février, lors d’une visite officielle, l’experte indépendante des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine, Marie-Thérèse Keita Bocoum, a évalué l’impact de la feuille de route pour la paix, initiée par l’Union africaine et soutenue par la communauté internationale, sur les droits de l’homme.
« Ce processus de paix devrait permettre un dialogue sincère entre le gouvernement, les groupes armés et les acteurs de la vie civile et politique, y compris les femmes et les leaders locaux et religieux, sur l’ensemble du pays », a précisé l’experte indépendante.
Elle regrette de constater que certains groupes armés, tels que Révolution et Justice (RJ), le Mouvement National de Libération de Centrafrique (MNLC), l’Unité et la Paix en Centrafrique (UPC) et le Front Populaire pour la Renaissance de Centrafrique (FPRC), invités à la table des négociations, continuent de troubler les efforts de paix.
« Les récentes violences à Paoua et à Ippy sont des actes inacceptables qui contredisent l’engagement des groupes armés à se tourner vers le processus de paix. Il est essentiel de faire cesser les hostilités, protéger les droits de l’homme et prévenir les conflits ».
L’experte indépendante a salué un ensemble de développement positifs dont le projet pilote DDRR qui vient de finaliser la première formation des anciens combattants ; l’impact bénéfique du déploiement progressif des FACA aux côtés des casques bleus ; la création de la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales ; et la restauration progressive de l’autorité de l’Etat. Cependant, si elle a pu constater avec satisfaction la présence de préfets et sous-préfets, notamment à Paoua, Bossangoa et Bria, elle note le besoin de renforcer l’effectivité de leur présence.
Elle a aussi mentionné le besoin urgent de renforcer l’accompagnement et le suivi effectif du redéploiement des services judiciaires, dont l’absentéisme empêche l’affirmation de la chaine pénale tant attendue par les populations.
« La justice populaire, remplaçant de facto la justice étatique, continue d’être rendue le plus souvent par des membres des groupes armés qui infligent des traitements cruels et inhumains, généralement aux personnes vulnérables, âgées et sans défense, accusées de sorcellerie », a déploré Mme Keita Bocoum.
« J’invite les autorités centrafricaines, soutenues par la MINUSCA, à tout mettre en œuvre pour faire cesser ce phénomène qui nuit gravement à la cohésion sociale ».
Elle a ajouté : « je me réjouis des signes forts de la lutte contre l’impunité, qui ont été entendus dans toute la République centrafricaine, et notamment la reprise des Cours d’assises à Bangui et à Bouar, le procès historique de l’ancien chef Anti-Balaka Andjilo, et l’opérationnalisation imminente de la Cour Pénale Spéciale qui devrait démarrer ses enquêtes dans les prochaines semaines ».
Mme Keita Bocoum a reconnu que tous ces efforts devront être complétés par des mécanismes non-judiciaires de recherche de la vérité, passant par le dialogue intercommunautaire pour réduire la fracture sociale qui s’est aggravée ces derniers mois et conduire à la réconciliation.
« J’invite les autorités nationales, la société civile et leurs partenaires à se pencher sur une feuille de route sur la justice transitionnelle, afin d’envisager des consultations nationales et réparations collectives, pour assurer la non-répétition des conflits ».
L’experte indépendante a aussi insisté sur la mobilisation des jeunes autour de travaux communautaires qui redonnent vie à l’espace public et génèrent des opportunités économiques. Elle encourage le gouvernement centrafricain à pérenniser ces initiatives selon le plan de relèvement et de consolidation de la paix (RCPCA).
« Les attentes de tous les centrafricains sans distinction, convergent vers les secteurs prioritaires de la santé, l’éducation, la sécurité et les opportunités économiques », a ajouté l’experte indépendante.
« Actuellement l’assistance humanitaire, dont les efforts doivent encore être hautement salués, restent insuffisants pour satisfaire les 2.2 millions de personnes dans le besoin. L’augmentation considérable du nombre de déplacés depuis les attaques expliquent qu’aujourd’hui près de 700.000 déplacés attendent les conditions adéquates d’un retour dans un climat apaisé ».
Durant sa visite, l’Experte a rencontré le Président de la République, des membres du gouvernement, du parlement, du corps diplomatique, de la société civile, des organisations non gouvernementales et des Nations Unies, des humanitaires, ainsi que des représentants de l’Etat, des groupes armés, des victimes et des personnes déplacées, à Bangui, Paoua, Bossangoa et Bria.
Mme Keita Bocoum soumettra ses conclusions au Conseil des droits de l’homme de l’ONU durant un dialogue interactif de haut niveau en mars 2018. Ce dialogue demandé par le Conseil réunira le gouvernement centrafricain, la société civile centrafricaine, l’Union Africaine et la MINUSCA.