Filière bois : Rougier dépose le bilan et accuse « l’engorgement du port de Douala » d’avoir causé sa chute
Le négociant français Rougier, qui emploie 3 000 personnes dont 97 % en Afrique, où le groupe contrôle sept usines, a déposé le bilan. Le chiffre d’affaires du groupe avait très fortement baissé, notamment en raison de « l’engorgement chronique du port de Douala ».
L’entreprise française, basée à Niort, dans le sud-ouest de la France, a déposé le bilan devant le tribunal administratif de Poitiers. « Confronté à une situation difficile persistante au Cameroun, le groupe Rougier voit son chiffre d’affaires 2017 se replier de 7,5% par rapport à l’exercice précédent », expliquait l’entreprise dans un communiqué publié le 14 février.
Les raisons de la chute
En cause, selon le négociant français, « l’engorgement chronique du port conventionnel de Douala [qui] perturbe profondément le fonctionnement des filiales camerounaise, congolaise et centrafricaine » du groupe installé depuis 1969 au Cameroun, qui a démarré ses activités sur le continent en 1952, en décrochant son premier permis d’exploitation forestière au Gabon.
Autre facteur qui a pu accélérer les pertes : le retard des remboursements des crédits de TVA des filiales opérationnelles dans les pays dans lesquels le groupe a ses activités.
Enfin, Rougier a fortement été touché par la législation camerounaise sur le tonnage maximal des camions grumiers. La loi portant protection du patrimoine routier national a en effet ramené le poids maximal des transports de 45 à 27 tonnes, ce qui a eu un effet immédiat sur le coût du transport des grumes.
La direction de Rougier, qui explique que ces difficultés ont pesé sur l’activité du groupe pendant plusieurs mois, souligne également une accélération des pertes suite à « la récente congestion du terminal à containers [qui] a conduit son opérateur à en limiter l’accès, puis temporairement le fermer. »
Dès la mi-février, le groupe avait annoncé que la filiale camerounaise était en état de chômage technique et que « des cessions d’actifs sont en cours de négociation ».
Près de 3 000 emplois en jeu
Le 27 février, Euronext annonçait la suspension de la cotation du groupe français. Une suspension décidée « à la demande de la société dans l’attente d’un communiqué et jusqu’à nouvel avis », précisait la principale bourse de la Zone euro.
Le groupe Rougier, présent dans quatre pays en Afrique (Cameroun, Congo, Gabon et Centrafrique), affiche « plus de 2 millions d’hectares de concessions forestières certifiées ». Le groupe, via Rougier Afrique International et ses filiales Rougier Gabon, SFID et Mokabi est présent sur l’ensemble de la chaîne de production, des concessions forestières aux importateurs et industriels.
Le groupe compte sept sites de production sur le continent : quatre au Gabon – une usine de placage à Owendo, et des scieries à Mevang, Ivindo et Mbouma ; deux au Cameroun – les scieries de Mbang et Djoum ; et un au Congo-Brazzaville – la scierie de Moualé. Il est également actif sur les ports camerounais de Douala et Kribi et sur le port gabonais de Libreville.
Selon le rapport d’activité 2016, « le groupe comptait 2 989 salariés, dont 97% en Afrique centrale »
Rougier, acteur historique des bois tropicaux est en dépôt de bilan. En Afrique centrale, le groupe Rougier est une institution. Trois mille employés, six usines de sciages au Gabon, au Cameroun et en RCA. Le tribunal de commerce de Poitiers doit examiner d'ici une semaine l'avenir du groupe français enlisé dans des problèmes de trésorerie.
Redressement judiciaire ou liquidation pure et simple, les juges du tribunal de commerce de Poitiers doivent décider d'ici le 13 mars prochain de l'avenir d'un groupe devenu emblématique en Afrique centrale.
Rougier, commerçant et exploitant de bois tropicaux, c'est une aventure commencée en 1923 par une famille de bûcherons de la région de Niort, partie tenter l'aventure en Afrique. Mais depuis 2016, les comptes sont dans le rouge. Le chiffre d'affaires d'environ 150 millions d'euros est en baisse. Le groupe invoque l'engorgement chronique du port de Douala qui perturbe le fonctionnement des filiales camerounaises, gabonaises et centrafricaines.
A cela s'ajoute les problèmes administratifs au Cameroun et au Gabon qui tardent à rembourser les avances de TVA payées par Rougier. Ce dépôt de bilan a surpris beaucoup de monde, alors que le groupe venait de rappeler l'un de ses dirigeants historiques pour redresser ses comptes. Par ailleurs, Rougier venait d'acheter de nouveaux permis d’exploitation doublant ainsi ses surfaces exploitées. Ce que les observateurs considéraient comme une volonté d'expansion et un signe de vitalité. 3 000 emplois en Afrique sont désormais menacés.