La longue crise centrafricaine a connu un épilogue vertueux avec l’organisation des élections couplées sur l’ensemble du territoire national malgré l’occupation d’une bonne partie du territoire par les groupes armés non conventionnels. Le peuple souverain a tranché et la démocratie a triomphé. Un président démocratiquement élu a prêté serment sous le slogan de « Rupture », l’espoir se profilait en filigrane.
Avec le soutien de la communauté internationale, la normalisation a repris son cours avec la mise en place des institutions prévues par la constitution du 30 mars 2016. Animés par l’intérêt supérieur de la nation, les opposants politiques se sont prêtés au jeu démocratique en participant de façon collégiale avec le gouvernement à la table ronde de Bruxelles pour attirer l’attention des investisseurs et les partenaires au développement sur le sort de la Centrafrique agonisante. Cette dernière s’est avérée un fiasco car elle est la conséquence logique des mauvais choix et méthodes, des initiatives hasardeuses, incertaines, médiocres et d’immaturité politique des nouvelles autorités politiques.
Comparativement à la période transitoire, la crise s’est amplifiée au point que la Centrafrique n’attire plus personne et le peuple a cessé de rêver, le seuil de tolérance a été franchi…le pays s’effondre. Le citoyen lambda dont les questionnements chagrinent toujours ne se prive pas de son exercice de prédilection :
Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi le pays a connu une déconfiture aussi accélérée ? N’a t-on pas tiré les leçons du passé ? La non préparation à la fonction présidentielle se confirme t-elle ? Des déboires, errements et dérapages records se sont multipliés dans un laps de temps sonnant ainsi le glas d’une descente aux enfers. Animé par le souci de s’éterniser au pouvoir quitte à modifier la constitution, les autorités démocratiquement élues ont déclaré une guerre ouverte et stérile aux parlementaires en tentant de donner une coloration voulue à l’organe exécutif de l’assemblée nationale.
Par ailleurs, des personnalités politiques issues de l’opposition sont accusées à tort ou à raison de coup d’état par une voix non autorités sous le regard complice du pouvoir. Les velléités putschistes se sont manifestées au delà des frontières car malgré les justifications d’innocence du pouvoir de Bangui, les autorités équato-guinéennes ont du mal à croire qu’un protégé du président centrafricain soit soupçonné sans que son mentor ne soit au parfum. Fort de ce qui précède, la délocalisation provisoire du siège de la CEMAC (Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale) à Malabo résulte t-elle de ce crime de lèse majesté ? À cette accusation de coup d’état, s’ajoute l’évasion de deux chefs rebelles de la république démocratique du Congo, l’embauche à la présidence de la république d’un opposant au président de l’autre Congo, l’incompréhensible dossier des militaires russes et enfin le rappel de l’ambassadeur de France accrédité à Bangui confirme sans équivoque l’isolement du pouvoir sur la scène internationale.
Comme si une bêtise en cachait une autre, le comité de soutien au président de la république a ouvert un autre front avec le Haut Conseil de la Communication. La goutte d’eau qui a débordé le vase…Ainsi, la convocation du bureau exécutif du haut conseil devant la cour des comptes relève t-elle d’un hasard du calendrier ? Un communiqué valant convocation judiciaire devant la cour des comptes et surtout par voie presse est-il une innovation ? N’oublions pas qu’après la suspension du président du comité de soutien par le haut conseil, ce dernier a brandi des menaces de représailles en murmurant la vengeance. Des comportements de ce genre et tolérés par le pouvoir sont de nature à fragiliser les institutions étatiques qui sont les garants de la transparence et de la bonne gouvernance.
Le tableau synoptique de pilotage du pays confirme l’irréversibilité de la descente aux enfers. La psychose sécuritaire continue de hanter le peuple au point de l’amadouer mais attention ce dernier n’est pas naïf. En guise de contribution, il est important de rappeler aux autorités démocratiquement élues que rien n’est tard pour contourner son isolement sous régionale qui entraînera évidemment des conséquences drastiques sur l’avenir politique de l’élu de la nation. Nous estimons qu’une nouvelle offensive diplomatique menée par un nouveau premier ministre issu d’une concertation avec l’opposition garantirait la cohésion sous régionale et par voie de conséquence un apaisement politique au niveau national…
mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 10 mars 2018
Bernard SELEMBY DOUDOU
Juriste, Administrateur des Elections.