Le sort du groupe français Rougier est entre les mains du tribunal de commerce de Poitiers ce lundi. Le négociant en bois tropical a déposé le bilan la semaine dernière. Endetté, Rougier n’a pas résisté aux problèmes d’engorgement du port de Douala, au Cameroun. Le sort du groupe français pose plus largement la question de l’avenir des sociétés européennes dans les forêts d’Afrique centrale.
Le groupe français Rougier va-t-il pouvoir fêter un siècle de présence dans les forêts d’Afrique ? Sa situation est en tout cas très délicate, puisqu’il a dû déposer le bilan. L’ancien patron du groupe, Francis Rougier, petit-fils du fondateur, joue les pompiers à 70 ans. Il a demandé au tribunal de commerce de Poitiers d’accorder à la holding un plan de sauvegarde : un gel des créances vis-à-vis des banques ; et un plan de redressement judiciaire pour la filiale de commercialisation Rougier Afrique internationale, qui devrait se traduire par quelques suppressions d’emplois sur la quarantaine qu’elle compte à Paris.
Port de Douala sous-dimensionné
Cela ne règle pas le sort des filiales africaines du groupe, qui emploient la quasi-totalité des salariés : 2900 personnes. Rougier a des filiales dans quatre pays d’Afrique centrale. Au Gabon, Rougier se porte plutôt bien, la société forestière a digéré l’interdiction d’exporter les grumes, c’est-à-dire le bois brut, après avoir investi dans la transformation sur place. Et les expéditions sont fluides à partir du port de Libreville.
Ce n’est pas le cas du port camerounais de Douala, il est sous-dimensionné pour recevoir à la fois le bois que Rougier exploite au Cameroun, au nord du Congo-Brazzaville et en Centrafrique. L’entreprise a dû stocker ce bois. Elle attend impatiemment que le port de Kribi soit pleinement opérationnel. En attendant, ces pertes se sont ajoutées aux nouvelles contraintes sur le tonnage des camions au Congo et au retard cumulé des Etats à rembourser la TVA, alors que le groupe était déjà très endetté.
Les groupes européens disparaissent des forêts africaines
On évoque aussi des choix stratégiques hasardeux. L’incursion de Rougier en Centrafrique, par exemple, Francis Rougier a d’ailleurs mis cet investissement entre parenthèses dès son retour à la tête de l’entreprise.
Mais au-delà de Rougier ce sont tous les acteurs européens du bois tropical qui sont fragilisés. Ils ont beaucoup investi dans la certification FSC, un processus d’amélioration continue, pourtant ils voient leur débouché naturel se fermer en Europe. Les importateurs sont frileux depuis le règlement bois européen de 2013. L’Autrichien IFO au Congo, le néerlandais Wijma au Cameroun, l’Italien Cora Wood au Gabon, se vendent aujourd’hui aux Chinois. Ce sont les Asiatiques qui achètent aujourd’hui le bois tropical africain, et ils sont beaucoup moins regardants sur la légalité du bois. Rougier a déjà suspendu sa certification au Cameroun, il pourrait à son tour céder certaines de ses activités à des groupes asiatiques.