Bangui….Les fistules obstétricales constituent une menace pour la santé de la femme en Centrafrique. Depuis 2009, 351 cas de cette pathologie ont été opérées par une équipe des médecins formés dans ce domaine. A cet effet, Docteur Kevin Valérie Ndoram, Chef de service de la planification familiale, a accordé une interview à RJDH.
RJDH : Docteur Kevin Valérie Ndoram, Bonjour !
Docteur Kevin Valérie Ndoram : Bonjour, Monsieur Matongo
RJDH : Les fistules obstétricales constituent une menace pour la santé de la femme en Centrafrique, dites-nous quel est le taux de prévalence ?
Docteur Kevin Valérie Ndoram : Il faut dire que la fistule obstétricale est un passage anormal entre le vagin et la vessie, et / ou le rectum de l’urine et des matières fécales. Parler en termes de prévalence jusque-là nous n’avons pas d’enquête sur la population pour que nous pussions disposer de la prévalence de la fistule obstétricale. Seulement depuis 2009 on a eu à opérer 351 cas de fistules obstétricales identifiés, ce qui a fait que les fistules obstétricales existent bel et bien en Centrafrique en attendant de faire une enquête pour avoir une idée nette sur la question.
RJDH : Quelles sont les causes des fistules obstétricales ?
Docteur Kevin Valérie Ndoram : Le développement d’une fistule obstétricale est liée à l’une des causes de la mortalité maternelle qui est la dystocie mécanique est un accouchement au cours duquel le bassin de la femme est étroit et ne permet pas au bébé de naitre sans assistance. A cela, le travail pourra durer et aboutir à la mort de la mère ou du nouveau-né. Si la mère survit, il est probable qu’une fistule obstétricale puisse se développer. Grâce à l’accès à un soin de qualité on peut éviter cela.
Pour comprendre comment éviter cette maladie, il faut comprendre d’autres causes. En dehors des causes médicales. Il y a également des abus sexuels, le viol et surtout dans notre contexte, surtout les complications des avortements pratiqués dans des mauvaises conditions, et parfois il y a des traumatismes chirurgicaux quand une femme est opérée, elle peut avoir une lésion vésicale et surtout lors des césariennes mais ce sont des cas rares.
Il y a aussi des causes subjacentes, donc je parlerais de la pauvreté, surtout chez les jeunes filles, c’est le mariage précoce, la grossesse et l’accouchement précoce, le manque d’accès au service de la planification familiale. Comme vous le savez dans notre société, la femme n’a pas droit à la parole. Parfois en ce qui concerne sa santé ce sont les parents qui décident à sa place. A cela s’ajoutent les pratiques traditionnelles nocives comme la mutilation génitale féminine. Tout cela contribue à la création des fistules obstétricales.
RJDH : Comment une femme peut–elle éviter cette maladie?
Docteur Kevin Valérie Ndoram : S’agissant de la prévention de la fistule obstétricale on peut agir à trois niveaux : d’abord il y a la prévention primaire : retarder l’âge de la première grossesse, retarder l’âge des premiers rapports sexuels chez les filles parce que plus tôt la fille a des rapports sexuels, plus tôt elle peut attraper une grossesse précoce et son bassin immature. Cela peut occasionner une fistule obstétricale. Il faut que les naissances soient espacées pour permettre à l’utérus de se reposer pour bien contenir la prochaine grossesse et aussi l’accès à la planification familiale, ce sont là les volets.
Malgré cette prévention primaire, une fois que la femme ou la jeune fille tombe enceinte, il faut qu’elle soit contrôlée par un personnel qualifié pour déceler à temps les complications et y remédier et même après l’accouchement il faut un suivi médical adéquat. Là, c’est le second niveau. S’agissant du troisième niveau. C’est là où la femme est en travail. Elle est sur le point d’accoucher. Il faut être à mesure de reconnaitre des signes pouvant occasionner les fistules obstétricales. Il faut maitriser le partogramme. Cela permet de prendre l’information sur la Femme et le fœtus pour les suivre jusqu’ à la naissance du bébé.
RJDH : Que peut–on retenir en termes de la prise en charge des fistules obstétricales en Centrafrique ?
Docteur Kevin Valérie Ndoram : Les fistules obstétricales, on peut en guérir. Il y’ a un traitement qui est chirurgical d’abord. Dans notre contexte y a des partenaires qui ont subventionnés la campagne, l’autre volet qui pose problème encore c’est l’accompagnement psycho-social. Vous savez, les femmes qui sont atteintes de fistules obstétricales sont souvent rejetées. Elles sont mises à l’écart pour ce fait. Seul le traitement chirurgical ne suffit pas. Il faut un accompagnement psychologique pour pouvoir les réinsérer dans la société.
RJDH : La Centrafrique dispose-t-elle de compétences pour la prise en charge chirurgicale des cas de fistules obstétricales ?
Docteur Kevin Valérie Ndoram : Il faut dire que nous avons des compétences en la matière, au moins une dizaine des médecins ont été formés en dehors des chirurgiens qui sont déjà là dans nos hôpitaux. Des anesthésistes ont été formés et 5 infirmiers formés dans le suivi post-opératoire de ses femmes porteuses de la fistule obstétricale.
RJDH : Lorsqu’une femme souffre de cette maladie, elle est rejetée par la société avez-vous des conseils à l’ endroit des parents ?
Docteur Kevin Valérie Ndoram : à l’endroit de la société et des parents, c’est d’abord la compassion à l’égard des victimes des fistules obstétricales. Tout le monde peut tomber malade ; la communauté a intérêt à contribuer à la lutte contre les fistules obstétricales en Centrafrique; il faut éviter de retenir à la maison les femmes en travail pour un accouchement, mais l’emmener à l’hôpital le plus vite possible.
RJDH : Docteur Kevin Valérie Ndoram, je vous remercie!
Docteur Kevin Valérie Ndoram : C’est à-moi de vous remercier (RJDH)