FIN DE L’IMPUNITÉ POUR LES EX-SELEKAS ?
La justice centrafricaine s’empare, enfin, du dossier brûlant concernant les bandes armées qui ont plongé la Centrafrique dans un chaos sanglant. Avec ses corollaires : massacres en masse et morcèlement d’un territoire en voie de somalisation.
Il faut saluer, encourager et soutenir les juridictions centrafricaines en charge de ces dossiers. Il y est question de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, de ceux qui ont semé la terreur et provoqué des drames humains aux conséquences insondables. Les Centrafricains attendent et souhaitent une justice au service de la nation. Une justice qui doit d’abord penser aux milliers de victimes, ainsi qu’aux milliers de Centrafricains qui ont été contraints de choisir l’exil.
LES VRAIS RESPONSABLES DU CHAOS ?
Le premier est, incontestablement, Michel Djotodia, le chef des rebelles Sélékas, soutenu par des mercenaires venus du Tchad, du Darfour, du Soudan et du Niger. La France n’ayant pas respecté les accords de défense avec la Centrafrique, abandonnant ainsi le président élu, François Bozizé, contraint à l’exil, les Sélékas ont alors investi Bangui et commencé à appliquer une charia implacable : filles, jeunes femmes et femmes obligées de porter le voile ou la burqa ; islamisation forcée d’une capitale désemparée ; tentative de conversion d’une majorité chrétienne par une minorité musulmane détenant le pouvoir.
Bangui s’est retrouvée soumise à la dure loi des Sélékas, qui ont voulu transformer une revendication sociale en une guerre de religions. Un des responsables des séditieux n’a-t-il pas déclaré à l’époque : « C’est maintenant au tour de la minorité musulmane de diriger le pays… » ? François Bozizé parti en exil, une armée centrafricaine, les FACAS, en débandade, les Sélékas ont pu, sans rencontrer d’opposition, s’installer au Palais de la Renaissance.
Quant aux mercenaires qui les avaient aidés dans leur œuvre funeste de déstabilisation de la RCA, ils entreprirent de racketter les populations, de piller la capitale et de profaner les lieux de cultes chrétiens.
C’est à partir de ce moment-là que surgirent les Antibalakas, en tant que mouvement de résistance aux envahisseurs étrangers.
LES ANTIBALAKAS, PATRIOTES RESISTANTS ?
Oui, on peut les considérer comme tels si l’on met en exergue le patriotisme dont ils ont fait preuve au début. Ils ont quand même réussi à chasser les Sélékas de la capitale et les ont obligés à se retirer dans les provinces qu’ils occupent aujourd’hui, à 80%.
Si les Antibalakas ont, malheureusement, utilisé les mêmes méthodes de terreur que les Sélékas, ils devront, eux aussi, passer sous les fourches caudines de la justice – même si personne ne peut nier leur résistance acharnée face aux envahisseurs Sélékas et mercenaires.
Les Antibalakas ne font que riposter aux actes criminels auxquels se livrent leurs ennemis dans les provinces qu’ils occupent et à leurs visées séparatistes. Comment pourraient-ils tolérer aussi que les ex-Sélékas protègent les éleveurs peuls musulmans nomades, dont les bovins ravagent les champs des autochtones ?
DEUX POIDS DEUX MESURES ?
Les bureaux du procureur semblent concentrer une partie de leurs enquêtes sur les activités financières et économiques des Antibalakas. Certains membres se seraient livrés à des transferts d’argent qui auraient permis à leur mouvement de fonctionner et de commettre des crimes. Sans des taxations illégales et des pillages.
Sur le document qui nous est parvenu, des noms sont cités : ce sont ceux des individus qui devront comparaître devant la Cour Pénale Spéciale de Bangui. A la lecture de ces enquêtes, quelle surprise de constater que les Sélékas ne sont pas inquiétés ! C’est suffocant !
Est-ce que ce ne sont pas précisément eux qui devraient être visés en priorité par les enquêtes du procureur ? Il est à signaler que, d’après le document que nous avons consulté, c’est le ministre de la Justice qui a saisi le procureur pour enquêter sur les Antibalakas. Curieuse façon de faire !
Les Sélékas semblent avoir imposé leurs desideratas aux autorités centrafricaines et aux forces internationales pour bénéficier d’une indécente amnistie. Tout se passe comme si des négociations occultes avaient permis ce qui ressemble fort à une totale impunité.
Des signes précurseurs, tels que la nomination de membres de la Séléka au gouvernement et à la présidence de la République, avaient déjà surpris bon nombre de Centrafricains. On croyait alors que ce geste du pouvoir allait les inciter à rejoindre la table des négociations.
C’est le contraire qui s’est produit : ils ont redoublé de violence. Comment ne pas penser aux milliers de morts, aux exilés, ceux de l’intérieur comme ceux de l’extérieur, et à tout un pays en lambeaux ?
Ces sont les Sélékas qui ont apporté la mort en République Centrafricaine. C’est sur ces Sélékas, qui sèment la violence dans les provinces occupées, que doit s’abattre, en priorité, une justice implacable.
JOSEPH AKOUISSONNE DE KITIKI et LOHAWE à BANGUI