Des « bandits ont pris la population en otage » dans le quartier musulman du PK5 de Bangui, a déclaré mercredi le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra, alors que les tensions se sont accrues dans les provinces contrôlées par les groupes armés issus de l’ex-rébellion musulmane de la Séléka.
Mardi, des affrontements entre une patrouille composée de Casques bleus et de soldats centrafricains, et des milices du quartier du PK5, ont fait au moins 19 morts, dont un Casque bleu, et une centaine de blessés.
C’est la première fois qu’une telle flambée de violences s’empare de la capitale centrafricaine depuis l’élection de Faustin-Archange Touadéra, en 2016.
Elle intervient alors que la mission de l’ONU (Minusca) et les forces de sécurité centrafricaines mènent depuis dimanche une opération militaire contre les milices armées du quartier PK5.
« Cette opération n’avait que pour seul objectif d’appréhender les responsables (des milices armées). Ce n’est pas contre une communauté ou contre la population » du quartier, a assuré M. Touadéra.
La majorité des musulmans de Bangui vivent enclavés dans le quartier PK5 depuis que le président Michel Djotodia – qui, à la tête de la coalition musulmane de la Séléka, avait renversé le président François Bozizé par la force en 2013 – a été chassé du pouvoir en 2014 par une intervention militaire internationale.
– « Pas une question de religion » –
Depuis l’élection de Touadéra en 2016, soutenue par l’ONU et la France, les groupes armés issus de l’ex-Séléka ne cessent d’accuser le pouvoir de connivence avec les milices antibalaka, groupes d' »autodéfense » se présentant comme chrétiens.
L’opération militaire au PK5 « n’est pas une question de religion. C’est une question de maintien d’ordre et de sécurité. D’aucuns ont voulu créer l’amalgame en voulant transformer ceci en une situation confessionnelle. C’est faux », a martelé M. Touadéra.
Mercredi matin, des centaines d’habitants du PK5 ont marché jusqu’au QG de la Minusca, en centre-ville, pour y déposer les cadavres de 17 hommes.
« Le président Touadéra, quand il était en campagne nous a promis de ne pas toucher un seul cheveu d’un sujet musulman si nous votions pour lui, ce que nous avons fait. Voilà le résultat », a déploré Ryad, un des manifestants.
Après que le groupe armé du chef « Force » ait distribué en début de semaine des tracts se prévalant du soutien de la France, l’ambassade de France à Bangui a démenti « formellement tout soutien » au chef de milice du PK5.
Depuis plusieurs mois, ce quartier, poumon économique de Bangui, est le théâtre de violences meurtrières. La population commerçante du PK5 avait arrêté début 2018 de payer les milices armées pour protester contre leurs violences, qui se sont poursuivies.
Ces commerçants n’ont cessé de demander à la Minusca et au gouvernement d’intervenir pour déloger ces milices.
– Barricades –
La Centrafrique est embourbée dans un conflit meurtrier depuis 2013. Les groupes armés contrôlent une majeure partie du territoire, où ils combattent pour le contrôle des ressources naturelles et de l’influence.
L’Etat centrafricain n’a lui d’autorité que sur une maigre partie du territoire. La capitale Bangui avait été jusque là relativement épargnée des combats entre l’ONU et les groupes armés.
« Aux populations de Bangui, nous lançons un appel au calme », ont conjointement déclaré mercredi le chef du département des opérations de maintien de la paix de l’ONU, Jean-Pierre Lacroix, et le commissaire pour la Paix et la Sécurité de l’Union africaine (UA), Smaïl Chergui.
Les deux représentants de l’ONU et de l’UA sont arrivés mardi à Bangui pour une visite conjointe.
L’UA promeut une feuille de route pour la paix en Centrafrique, dans le cadre de laquelle un panel de facilitateurs a rencontré ces dernières semaines une quinzaine de groupes armés.
Depuis dimanche, plusieurs de ces mouvements issus de l’ex-Séléka ont réagi à l’opération militaire menée au PK5.
« Cette situation risque de compromettre le processus de paix » de l’Union africaine, a déclaré dans un communiqué le groupe armé Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC).
A Bria (est), Ndele (nord-est) et Kaga-Bandoro (nord-est), les groupes armés FPRC et Mouvement pour la Paix en Centrafrique (MPC), tous deux issus de l’ex-Séléka, ont décrété des journées « villes-mortes » de deuil après les violences du PK5.
Selon un cadre du FPRC, « à Bria et Ndele nos éléments sont en alerte maximale ». Des barricades ont été érigées sur certains axes de Ndele, Bria et Kaga Bandoro, selon une source onusienne.
Les vols de la Minusca et humanitaires vers Bria, Bambari, Birao et Ndele ont été annulés mercredi, « pour cause d’insécurité », a indiqué à l’AFP une source aéroportuaire à Bangui.