C’est avec des accents dramatiques que le président de la République centrafricaine, s’exprimant devant l’Assemblée générale de l’ONU, a réclamé une implication plus grande de la communauté internationale. Faustin-Archange Touadéra souhaite un renforcement des effectifs de la Minusca qui compte actuellement 12.000 hommes et même un changement du mandat de la force onusienne, afin de passer du maintien de la paix à son imposition. Plusieurs raisons expliquent l’inquiétude exprimée par le chef de l’Etat, un civil élu démocratiquement en 2016, et tout d’abord le fait que la capitale, Bangui, est à nouveau menacée d’une attaque par des chefs de guerre appartenant à la rébellion musulmane. Celle-ci avait pris le pouvoir en 2013 avant d’être chassée par l’opération française Sangaris. Après le départ des Français, jugé prématuré, la Minusca a pris le relais mais l’autorité de l’Etat peine à se rétablir et plusieurs groupes armés ont continué à s’affronter, avec comme enjeu véritable les ressources naturelles du pays, l’or, le diamant, l’uranium, le pétrole….
La tension est montée après les affrontements meurtriers qui ont eu lieu le 10 avril dans le quartier musulman de Bangui, dit P5, où une patrouille de Casques bleus rwandais, accompagnée de militaires centrafricains, a tenté de neutraliser des chefs de gangs locaux. Au cours de cette intervention plusieurs Casques bleus ont été tués (un selon des sources officielles, cinq selon d’autres informations) et 27 personnes ont été abattues, des civils mais peut-être aussi des miliciens. L’ONU a ouvert une enquête sur cette éventuelle bavure qui a radicalisé d’autres chefs de guerre musulmans.
Un autre sujet échauffe les esprits et suscite de nombreuses spéculations : un contingent de militaires russes, appartenant à des forces spéciales, les Spetsnaz, arrivé à Bangui avec pour mission officielle de former les militaires centrafricains à l’usage de matériel militaire fourni par la Russie (lance-roquettes, mitrailleuses, fusils automatiques et pistolets) Cette livraison, dont la première tranche a eu lieu de 26 janvier dernier, avait obtenu l’assentiment du Conseil de Sécurité, afin d’équiper les premiers bataillons des Forces armées centrafricaines (FACA). Ces militaires formés par une mission européenne EUTEM demeuraient frappés par l’embargo sur les armes et obligés de s’entraîner avec des bouts de bois !
L’arrivée des Russes – une centaine au départ, plus d’un millier à l’heure actuelle-a changé la donne : non contents de s’installer dans l’ancien palais de la famille Bokassa à Berengo, ils sont devenus très visibles dans la capitale, qu’il s’agisse des ministères ou de la résidence personnelle du président Touadéra. Alors que la sécurité rapprochée du président était jusqu’à présent assurée par des Casques bleus rwandais, qui avaient aussi occupé la rive du fleuve Oubangui qui forme la frontière avec la RDC, les « conseillers » russes ont pris leur place et désormais, ce sont ces experts-là qui contrôleraient les systèmes de communication de la Centrafrique. Au grand dam des Rwandais qui, à Bangui, surveillaient aussi les réfugiés hutus arrivés en Centrafrique depuis 1994. Au grand dam aussi des Français, qui craignent d’être évincés de leur ancienne colonie qui fut longtemps un bastion militaire aux portes du Niger et de ses gisements d’uranium…