Nous avons eu et conservé un État centralisé et totalitaire depuis l’indépendance. Notre pays a hérité d’un système de construction des institutions étatiques entièrement singé sur le modèle de l’occident et préparé à la hâte à cause de l’indépendance et depuis 60 ans s’en est suivi une gestion militaro-civile plus proche des pratiques de parti unique, aggravée par une politisation excessive, l’ethnisme, le népotisme, la corruption et l’affairisme des agents de l’État. On s’en est allé ainsi à une construction tentaculaire et pantouflarde d’un État vide de structures étatiques adaptées.
L’organisation administrative est au cœur d’une bureaucratie caractérisée par un pouvoir sans direction et une division des responsabilités très cloisonnée et des stéréotypes, tels que l’irrationalité, l’indécision, l’inefficacité, l’incompétence, l’incapacité, l’inertie, la routine, le tatillon, le bricolage, et le gaspillage des ressource et des moyens de l’État, etc.
Comme toute bureaucratie, elle engendre beaucoup de réunions inutiles ne sachant pas précisément ce que les cadres doivent faire et sont incapables de restituer ce qui vient d’être dit ou décidé.
Ce système n’a jamais auguré d’une société véritablement organisée et adaptée car il ne correspond pas à notre système de valeurs communes ni à notre vécu commun. Il est important de repenser la gestion de la chose publique pour plus d’accès, de la participation citoyenne et d’inclusion sociale.
En réalité, les Centrafricains ne se sentent pas concernées par le service public, mais plutôt ils s’en éloignent. Pour eux, le service public est essentiellement une affaire de l’Etat et l’Etat c’est la classe dirigeante et les fonctionnaires, ceux qui ont le pouvoir et ceux qui gèrent les services administratifs. Partant de cette conception, ils sont de rôle exclus de la vie de la nation.
Ceci étant, à la tête de la pyramide des pouvoirs, nous avons « État-Parlement-Peuple » au lieu d’avoir l’inverse «Peuple-Parlement-État ». L’État est donc au sommet, il décide tout, gère tout et tout seul. Conséquence, l’État, ne tire pas sa force de son peuple, il est dépendant de l’extérieur et est soumis à l’aide extérieure considérée comme la nouvelle béquille de la colonisation étatique et financière. Pour ainsi dire un État qui est sous influences étrangères.
Les centrafricains n’ont pas l’appropriation et le contrôle du bien public. La participation des centrafricains à la chose publique devrait se faire sentir par la contribution, l’appropriation et le contrôle du bien public pour bénéficier du service public de qualité.
Il existe un large fossé entre l’État et les centrafricains d’une part ; et, un écart entre le centrafricain et la chose publique d’autre part, la manière dont sont gérées les structures de l’Etat semble être à l’origine. L’État ne reçoit ni des centrafricains et vis versa.
Pour en faire une société démocratique, il faut approcher les institutions aux contribuables que sont les centrafricains eux-mêmes. Il faudra enclencher le processus d’appropriation et de gestion participative.
La seule fois que la société est sollicitée c’est quand l’État appelle à voter pour les élections présidentielles car la république est une nécessité pour la démocratie. Mais l’État ne fait rien d’autre que cette démocratie puisse s’enraciner dans le pays. Il faudrait que la démocratie soit portée par des forces sociales et culturelles organisées à la base ; des institutions et des groupes d’intérêt public, de la mémoire culturelle et surtout des aspirations et des traditions propres de solidarité.
Dans un contexte démocratique, les institutions locales sont fondamentalement importantes pour apporter des aspirations populaires et instaurer la gestion participative.
La démocratie à la base, comme condition d’exercice du pouvoir, des droits et libertés locaux, est compatible avec nos valeurs et nos cultures. L’inclusive participation des populations depuis la base est susceptible d’engendrer la stabilité des institutions. Nous ne devrions pas perdre de vue l’urgence de transformation et d’émancipation effectives d’une société encore dominée par des traditions tribales, l’analphabétisme et l’illettrisme.
Notre société est explosée et se recherche de nouveaux paradigmes sociaux de base. Le temps de la refondation est bien là, nous devons le saisir et opérer le miracle centrafricain par notre imaginaire constitutionnel.
Réussir une élection démocratique est de loin différent de construire une société démocratique, laquelle suppose l’élévation du niveau de compréhension et d’adhésion des citoyens par rapport aux idéaux de la démocratie, aux comportements démocratiques et à la pratique démocratique.
C’est à la capacité et à l’habitude de formatage d’une société dans des pratiques et des usages démocratiques qui donneront lieu à des alternances sans heurts au sommet de l’État, que l’on reconnaît la maturité d’un peuple.
C’est la faillite de l’instauration de véritables règles de jeu démocratiques dans la conduite des politiques, de la nécessité véritable d’une surveillance et d’un contrôle de l’activité étatique par la cours des comptes et de l’introduction d’un Fonds de Contrôle Social dans la gestion de la chose publique, une véritable opportunité pour générer des espaces de dialogue et d’action collective entre l’État, la société civile et le secteur privé. Il peut être également à l’origine d’une amélioration des conditions politiques, sociales et économiques des secteurs de la société les plus vulnérables et peut aussi contribuer à combattre de façon publique la corruption, les abus de biens sociaux et les malversations de tous ordres, qui a anéanti la gouvernance nationale.
Il nous faut à présent une nouvelle culture de gestion basée sur le résultat et d’inclusion sociale. Le résultat implique généralement une sanction positive ou négative. La « culture du résultat » est devenue le principe universel de management, où l’indicateur de performance se retrouve désormais investi du rôle de « juge suprême » de la performance, voire de la compétence des acteurs. Les indicateurs sont en effet la grille de lecture de la performance.
La culture du résultat semble avoir fait ses preuves dans le secteur privé. Un entretien d’évaluation est organisé chaque année entre le salarié et son supérieur hiérarchique afin de définir les objectifs de l’année suivante et les critères de réalisation de ces objectifs.
L’entretien passe en revue les critères de l’année en cours et les écarts entre les prévisions et les réalisations.
A partir des objectifs et d’une grille d’évaluation composée de critères quantifiables, les responsables de services publics doivent rendre des comptes. Il faut qu’ils soient évalués sur leur bilan individuel.
La société politique doit s’inscrire dans une dynamique républicaine, dans la perspective de la responsabilisation, dans le combat pour l’égalité, où les citoyens contribuent (par le contrôle social) en tant qu’acteur et non spectateur, à la transformation des structures de la Nation. La mise en place des services publics de proximité avec une spécialisation des actions, la signature des contrats de performance, des contrats opérateurs et des contrats d’objectifs, peut concourir à l’optimisation des services rendus.
Au sujet du résultat, le Rwanda est un exemple, grâce à sa capacité mentale qui a évité le drame de la prédisposition de résistance au changement et dépassé les conséquences de la guerre civile pour s’appliquer une nouvelle discipline (le concept-résultat).
La vie politique exige aujourd’hui, non seulement de l’audace, de la prévoyance et de l’humilité, mais aussi et surtout de s’éloigner des certitudes qui conduisent souvent à des catastrophes que l’orgueil et l’arrogance des uns et des autres transforment en tragédies et en humiliation pour tout un peuple.
Quand le changement arrive, on récolte toujours ce qu’on a semé. Pour cela, il faudra intégrer de nouveaux outils de gouvernance dans une nouvelle culture d’organisation et de gestion d’une société moderne en adéquation avec nos aspirations sociétales.