La mère patrie de nos ancêtres a connu une série noire sans précédent de son histoire avec une guerre civile soit disant confessionnelle qu’on nous a imposée. A l’issue de ces hostilités frontières à un génocide, les centrafricains se sont entretués avec une animosité, une barbarie incomparable et digne des siècles révolus. En conséquence de ce qui précède, on dénombre des milliers de morts, des réfugiés maltraités dans les pays frontaliers, des innommables déplacés, des maisons incendiées voire même la disparition évidente de certains villages sur la carte territoriale. Le comble de cette genèse est que les bourreaux du peuple centrafricain sont connus, identifiés mais ces derniers pavanent librement et sans inquiétude sur les cendres d’un peuple meurtri.
Il est important de rappeler que les groupes armés non conventionnels occupent toujours de nos jours 80% du territoire national et règnent en maître. Le salut de cette nation est du à l’intervention de l’armée française et surtout de la communauté internationale après multiples résolutions du conseil de sécurité de l’ONU. L’ordre constitutionnel a été ensuite rétabli et un pouvoir est né d’une élection couplée mais caractérisée par une ambiguïté entretenue par la diplomatie internationale. A mi mandat, le pouvoir qui avait suscité tant d’espoirs, peine à trouver la bonne formule de sortie de crise malgré le soutien de la communauté internationale et surtout de la montée en puissance des forces armées centrafricaines. De pourparlers de paix et dialogues vains ont été initiés de partout et parfois sans l’aval explicite des autorités légitimes. Les différents dialogues de paix ont un dénominateur commun c’est à dire troquer le désarmement et la paix contre l’amnistie en ignorant la justice et les victimes.
L’amnistie par définition est un acte législatif qui empêche l’action publique c’est à dire les poursuites et annule les condamnations en l’effaçant du casier judiciaire. L’amnistie est prononcée par l’assemblée nationale par le biais d’une loi particulière. Elle est d’ordre collectif et s’adresse à une certaine catégorie de personnes définies thématiquement et non individuellement.
L’amnistie est une mesure d’apaisement, de réconciliation, de cohésion nationale qui évoque l’oubli, le pardon en vue d’éviter la reprise des hostilités militaires mais par voie de conséquence, elle rend la violence légitime et encourage les criminels à la violence gratuite. Il est en occurrence important de ne pas confondre l’amnistie au droit de grâce qui est une prérogative constitutionnelle du président de la république au bénéfice d’un condamné désigné nominativement et individuellement.
Par contre, le droit de grâce ne fait pas disparaître la peine c’est à dire que la peine apparaît sur le casier judiciaire. Fatigué par les sept accords de paix signés par les belligérants et non respectés jusqu’à nos jours, le citoyen lambda s’interroge :
Pourquoi le pouvoir légitime hésite t-il de trancher entre la justice et l’amnistie ? Le pouvoir redoute t-il les conséquences qui peuvent en découler ? D’ailleurs, pourquoi amnistier les bourreaux de la république ? Dans ce contexte, qui amnistié et sous quelles conditions ? Si l’amnistie devient l’idéal, quelle serait l’utilité de la cour pénale internationale ? L’amnistie tant réclamée par les groupes armés non conventionnels et soutenus par les États de la sous région est-elle l’ultime issue de sortie de crise ? Peut-on véritablement oublier ce qui s’est passé ? Pourquoi le pouvoir joue les prolongations et repousse sans cesse l’échéance de résolution de crise ? Pensez-vous que l’amnistie favoriserait inévitablement la paix, la réconciliation et la cohésion nationale ? Peut-on utiliser l’amnistie comme ruse pour anéantir les rebelles et les poursuivre ultérieurement ? En d’autres termes, peut-on annuler ultérieurement une loi d’amnistie en respectant bien sûr le principe de parallélisme des formes qui veut qu’une loi soit annulée par une autre loi ? N’était-il pas humain d’attendre que les vérités soient dites avant d’envisager une quelconque amnistie ? De tout ce business politico-diplomatique, quel est le sort des victimes en termes de réparation ? Qu’ont-ils fait des dispositions emblématiques de l’article 1382 du code civil ?
En effet, l’article 1382 du code civil français communément appelé code Napoléon pose le principe de la responsabilité civile, de la réparation et dispose que : « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui à la faute duquel il est arrivé, à le réparer ». Par respect pour la mémoire des victimes, nous estimons qu’on ne doit recourir à l’amnistie qu’en dernier ressort lorsqu’on a épuisé tous les moyens disponibles de résolution de crise. Au final, on constate que le recours à la loi d’amnistie est drôlement injuste car elle est l’expédient des gouvernements faibles et surtout en perte de repères. Pendant que nous y sommes, pourquoi ne pas aussi évoquer l’hypothèse d’une amnistie fiscale en vue de rapatrier au pays pour le bien être du peuple de l’argent sale et mal acquis déposé dans les paradis fiscaux à travers le monde ? Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande ne dites pas que c’est moi.
Paris le 07 septembre 2018. Par : SELEMBY DOUDOU Bernard.