A part le défunt Barthélemy Boganda, le visionnaire, père de la République centrafricaine, les dirigeants se sont tous transformés en prédateurs impitoyables de leur pays.
La philosophie qui semble prévaloir pour l’élite centrafricaine, c’est l’enrichissement le plus rapide possible. C’est un pillage en règle des deniers de l’État, voire des aides au développement attribuées par la communauté internationale. C’est une dépossession de leurs droits pour leurs concitoyens : le droit de vivre décemment ; le droit d’espérer pour leurs enfants ; le droit de vivre dans un pays où règne la justice sociale et où l’on bannit toutes les impunités.
Quels sont les maux incurables dont souffre la République Centrafricaine ? Ils ont pour nom : paupérisme, despotisme, clanisme, injustice sociale et oligarchie érigée en règle de gouvernance. En Centrafrique, s’emparer du pouvoir, c’est comme s’emparer d’une banque pour la piller.
Si le pays est dans un tel état de délabrement, c’est avant tout à cause de l’incurie et de l’incompétence avérée de ses dirigeants. Des dirigeants au service des intérêts des puissances étrangères, qui contrôlent l’État à travers une élite qui a fait allégeance à la pègre internationale. Il suffit de se promener dans Bangui et ses environs pour s’apercevoir qu’elle s’est outrageusement enrichie : villas, 4×4 climatisés allemands et japonais à profusion. Ses biens mal acquis ont été planqués dans des banques suisses et des paradis fiscaux. Quand on sait que beaucoup de ses membres sont d’origine rurale, et donc sans fortune personnelle avant d’être entrés en politique, on constate que l’État est bel et bien devenu une vache à lait pour ces prédateurs et ces nouveaux riches.
LA PART DE LA COLONISATION FRANÇAISE
Ce fut une colonisation brutale, assénée par des sociétés concessionnaires incultes et certains administrateurs coloniaux. Une colonisation qui visait la soumission de l’Oubanguien.
Aujourd’hui, on assiste à une sorte de reproduction de la pensée coloniale par des dirigeants centrafricains Moundnjous Vouko (Blancs noirs). Ce sont les mêmes attitudes méprisantes, qui assujettissent les populations pour mieux les asservir. C’est le même dédain du citoyen lambda, qu’on relègue dans un sous-développement qui n’en finit pas.
Le chaos qui frappe la RCA aujourd’hui est corollaire de l’altération psychologique du cerveau des élites par les colons. Une sorte de complexe indicible s’est emparée du cortex cérébral des dirigeants. Ils agissent avec une cruauté sans nom à l’égard de leurs concitoyens, tout comme les colons blancs jadis. Ils les exploitent sans vergogne et les dépouillent de tout : les hôpitaux sont devenus des mouroirs ; le système éducatif est délétère ; des administrations de province, abandonnées, sont tombées entre les mains de mercenaires étrangers ; les richesses naturelles du pays sont constamment pillées par des envahisseurs ; l’État se révèle incapable de garantir la sécurité de ses habitants et de défendre son territoire.
La France, ex-puissance coloniale, semble avoir octroyé au pays une certaine indépendance, mais sous son contrôle. Les dirigeants ont toujours été soumis à une implacable surveillance. Les successeurs de Barthélemy Boganda sont pratiquement tous devenus présidents avec l’intervention et la bénédiction de la France. Quand l’un d’entre eux tentait de s’émanciper, de nouer des relations avec qui il voulait, il était ramené à l’ordre ou chassé du pouvoir par un coup d’état. Les forces françaises ont d’ailleurs soutenu un certain nombre de coups d’état. La Centrafrique est vite devenue un pré carré inexpugnable. En tout cas, c’est ainsi qu’on voit les choses de Paris.
Les intérêts de la France y sont immenses. C’est pourquoi l’audace du président Touadera, qui ouvre les portes de son pays aux Chinois et surtout aux Russes, n’est absolument pas acceptée par Paris. On peut craindre, dès lors, que Touadera ne subisse le sort de ses prédécesseurs.
QUEL AVENIR POUR LA CENTRAFRIQUE ?
Les choses ne s’annoncent pas sous de bons auspices. La situation est figée dans un chaos sanglant, qui n’a pas d’issue pour le moment. L’arrivée des Russes, des Chinois et celle d’autres puissances étrangères, qui lorgnent les fabuleuses richesses minières et cynégétiques de la Centrafrique, risque de complexifier une situation déjà à la dérive. Ils vont tous se livrer à une bataille d’influences et à une guerre d’accaparement de la plus grosse part du gâteau. Et ce sont, bien évidemment, les Centrafricains qui en pâtiront.
Ajoutez à cela des tentatives d’accords de paix qui piétinent et laissent présager un enlisement. Les négociations sont prises en otage par les puissances étrangères : les Russes orchestrent une concertation à Khartoum (au Soudan) entre les groupes politico-militaires, tandis que le Panel des Facilitateurs de l’Union Africaine initie à Bouar (en Centrafrique), avec le soutien de la France, une réunion pour tenter de trouver un protocole de négociation.
On ne voit pas comment le président Faustin-Archange Touadera pourra opérer un choix pour telle ou telle ligne. Les étrangers se sont emparés des négociations de paix en écartant les Centrafricains. Le nouvel impérialisme russe s’étend partout. Les principaux conseillers de Touadera sont des envoyés de Poutine. Ce sont eux qui tentent de faire céder les rebelles. Mais en échange de quoi ?
Car il est difficile d’envisager un autre comportement chez les séditieux que leur obstination à présenter leurs 12 revendications non négociables. La principale étant une amnistie totale, elle est évidemment inacceptable pour les Centrafricains. Ce serait une immense insulte à la mémoire des innombrables victimes du conflit.
UN ESPOIR MALGRÉ TOUT ?
Après le chaos, on espère toujours une reconstruction. Mais ce sont les Centrafricains, et eux seuls, qui détiennent les clés de cette sortie de crise. Rien ne pourra s’accomplir sans eux. La paix viendra quand ils s’empareront de leur destin. En se soustrayant aux griffes des prédateurs étrangers, qui s’agitent et instrumentalise le pays en quête de matières premières. En trouvant la voie d’une négociation inter-centrafricaine, avec l’aide d’amis sincères, écartant ceux qui tirent les ficelles de la manipulation et de l’instrumentalisation dans l’ombre afin de les déposséder de leur avenir.
Eux seuls pourront ramener la paix dans leur pays, avec l’aide de leurs dirigeants. Ceux-ci devront avoir chevillés au corps le patriotisme, la bonne gouvernance, la lutte contre les injustices sociales et les impunités.
L’indépendance apparaît, à certains moments, comme de la fiction. Mais la nation centrafricaine, elle, est éternelle. Elle sortira des ténèbres et embrassera une aube nouvelle, l’aube de la paix et de la réconciliation nationale.