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Centrafrique : les nouveaux tsars

Publié le mercredi 12 septembre 2018  |  Corbeau News
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© Autre presse par DR
La Russie et la Centrafrique signent un accord militaire
Mardi 21 aout 2018. Moscou. La Russie et la Centrafrique ont signé, un accord de coopération militaire. Cet accord de défense signé entre Marie Noël Koyara, ministre centrafricaine de la Défense et le ministre russe des Armées, Sergey Sheygu en marge d’un forum sur l’armement renforce les liens entre les deux pays dans le domaine de la sécurité.
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LES RUSSES SONT-ILS EN TRAIN DE GAGNER LA GUERRE FROIDE EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE ?


Les échos des relations russo-centrafricaines retentissent comme un avertissement aux autorités du pays. Chaque jour apporte le témoignage du poids prégnant de la présence des soviétiques sur la République Centrafricaine. On est en droit de s’interroger et de s’inquiéter sur les tenants et les aboutissements de cette présence qui s’étend partout et tous les jours. On en arrive à se demander qui tient la réalité du pouvoir à Bangui.

Le président Faustin-Archange Touadera a-t-il cédé aux Russes une partie de sa mission régalienne ? Leur intrusion dans tous les rouages des décisions du pays interpelle. Certaines des actions qu’ils entreprennent dans la recherche de la paix sont sujettes à interrogation. La concertation de Khartoum (Soudan) qu’ils ont organisée avec les Soudanais, alors qu’avait lieu en même temps celle initiée par l’Union Africaine soutenue par les Français à Bouar (Centrafrique), témoigne de l’âpre bataille que se livrent les Russes et les autres puissances occidentales en terre bantoue. La réunion de Khartoum sent fortement l’odeur d’une offensive contre la concertation de Bouar. C’est le symbole significatif d’une guerre froide transférée en Centrafrique.

Le président Touadera doit affirmer la souveraineté de son pays et ne pas laisser se répandre l’impression que les Russes sont devenus les nouveaux maîtres de la République centrafricaine.



LES AUTORITÉS CENTRAFRICAINES FACE AUX RUSSES ET AUX REBELLES

Depuis plusieurs années maintenant, le gouvernement légitime centrafricain se trouve confronté à des groupes politico-militaires. C’est une guerre que livrent des rebelles déterminés à s’emparer du pouvoir et à s’octroyer l’impunité, ainsi qu’une amnistie générale.

Pourquoi les Russes prennent-ils langue avec des séditieux qui sont de véritables hors-la-loi ? Est-ce une demande formulée par le président Touadera pour rechercher la paix ? Mais ce n’est pas en faisant les yeux doux à des bandes armées qu’on la trouve ! On court le risque que les rebelles prennent cette attitude pour de la faiblesse et se radicalisent. Que se sont-ils dit avec les Russes ? Quel marché ont-ils conclu ? Et si les Soviétiques jouaient double jeu ? Dans tous les cas, les dindons de la farce risquent d’être, une fois encore, les malheureux Centrafricains.



LA TENTATION DE MUSELER LA PRESSE ET LES RÉSEAUX SOCIAUX

Le journal en ligne Corbeau News nous apprend l’arrivée à Bangui d’un spécialiste russe de la piraterie informatique. Il aurait été engagé par le président Touadera, sur injonction de son conseiller russe en matière de sécurité, Valeri Zakharov.

On a donc affaire à des spécialistes en manipulations informatiques ! Souvenons-nous des soupçons qui ont pesé sur eux pendant les dernières élections présidentielles américaines : ils auraient manipulé et instrumentalisé les citoyens américains pour faire élire Donald Trump. L’affaire a d’ailleurs été portée devant la justice américaine et suit son cours.

Si le président Touadera a recours à ce genre de procédé pour intimider les journalistes et surveiller les réseaux sociaux, c’est une immense erreur de gouvernance. Les journalistes sont les chiens de garde de la démocratie. Avec leurs plumes, leurs caméras et leurs micros, ils sont sur tous les fronts pour participer au mieux à la recherche de la paix. Tenter d’orienter leur opinion, c’est priver le peuple d’un de ses moyens de juger.

Or, on ne le sait que trop, en matière de démocratie, de liberté de la presse et d’expression, les Russes n’ont pas d’état d’âme. Leurs journalistes exercent leur métier dans des conditions dramatiques : intimidations, emprisonnements, voire assassinats par des Tontons Macoutes à la sauce slave.

A contrario, la Centrafrique est une République démocratique, où la liberté d’expression ne peut être entravée. L’amitié des Russes doit se limiter à la recherche de la paix et à l’aide au développement, sans tentative de déguiser le président Faustin Archange Touadera en dictateur et, ainsi, transformer la République Centrafricaine en goulag des Tropiques.

Jusqu’à maintenant, une certaine forme de liberté de la presse et des journalistes a fait honneur à la République Centrafricaine et à son Président. Cette cellule de piraterie et de surveillance des opinions propagées par le Net est un procédé antidémocratique.

On le sait, Internet regorge de diffamations, d’insultes, de marques de xénophobie et racisme, d’appels à la haine, de propagande fasciste, etc…

Que le gouvernement soit préoccupé par ces excès et qu’il veuille traquer ces dérives en instituant une surveillance partielle des réseaux sociaux, c’est tout à fait louable. Mais attention à la tentation de surveiller et de contrôler les médias et les journalistes. Si tel était le cas, nous serions alors face à un déni de démocratie.



LA DANGEREUSE DIABOLISATION DE LA FRANCE

Il ne faut pas se tromper d’ennemi : ceux de la République centrafricaine sont les tueurs venus d’ailleurs, qui tentent de mettre la main sur le pays des Bantous. Ce n’est pas la France, qui est aux côtés des Centrafricains depuis environ deux siècles.

Le volume de l’aide française au développement de la Centrafrique n’est pas négligeable. L’ex-puissance coloniale a assuré et assure peut-être encore les fins de mois des fonctionnaires centrafricains. La France a combattu les rebelles aux côtés de la Minusca. Avec sa force Sangaris, elle a été la première nation à intervenir pour empêcher le génocide en gestation.

Certes, les Centrafricains ont beaucoup de choses à reprocher à leur vieille amie. La France, en tant qu’ancienne puissance coloniale, a sa part de responsabilité dans le chaos centrafricain. Elle a commis des erreurs politiques : entre autres, celle d’avoir choisi le dictateur tchadien Idriss Déby Itno comme solution à l’imbroglio centrafricain ; celle aussi d’avoir retiré prématurément sa force Sangaris. De plus, le comportement hautain du président français Emmanuel Macron à l’endroit du président Touadera a exacerbé les passions.

Cette situation n’est d’ailleurs pas pour déplaire aux Russes, qui peuvent ainsi instrumentaliser et exciter les sentiments anti-français.

Certes le long cheminement de la République Centrafricaine et de la France n’a pas toujours été exemplaire : la colonisation avec ses administrateurs brutaux et ses sociétés concessionnaires aux comportements barbares ; l’indépendance, taillée sur mesure pour permettre aux dirigeants français de continuer à être les vrais maîtres du pays. Tous ces précédents déplorables ont laissé à juste titre aux Centrafricains le sentiment que la France n’a pas cessé d’instrumentaliser et de manipuler certains d’entre eux, pour entretenir l’instabilité du pays à son profit.

Mais doit-on aller jusqu’à diaboliser la France ? C’est apparemment dans l’air du temps. Même s’il est légitime de stigmatiser certains aspects néocoloniaux de la politique africaine de la France, est-ce qu’il n’est pas excessif de la diaboliser ? L’essentiel, ce serait plutôt de donner aux Centrafricains le goût du patriotisme et de la vigilance.

C’est pourquoi ils ne doivent en aucun cas devenir les supplétifs des Russes dans leur guerre froide avec les autres puissances occidentales. Il faut qu’ils gardent en tête que Français, Chinois et Russes sont venus en Centrafrique non pas pour leurs beaux yeux, mais pour leurs matières premières.

Quant à leurs dirigeants, ils doivent s’efforcer de tout faire pour que les relations bilatérales soient d’égal à égal et profitables pour leur pays.


JOSEPH AKOUISSONNE DE KITIKI
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