La RCA a frôlé un scandale, tout au plus si elle n’y est pas déjà pleinement dedans dans une certaine mesure. Un arrêté du Premier ministre a failli brièvement mettre le pays sur la sellette de par sa scélératesse. Dieu merci, les pressions qui s’en ont suivi étant littéralement irrésistibles, le chef du gouvernement n’avait d’autre choix que de faire volte-face sans ne pas y laisser des plumes en termes de discrédit.
Le feuilleton est quelque peu rocambolesque. Nous sommes un certain 4 septembre 2018, pendant que le président Touadéra prenait part au 6ème Sommet Chine-Afrique dans l’Empire du milieu en compagnie de ses ministres du Plan, des Affaires étrangères et des Transports et aviation civile, le Premier ministre Simplice Mathieu Sarandji suspendu les activités de la société Aviation Handling services Centrafrique SA (AHS) prestataire par délégation de pouvoir de services publics en matière d’assistance en escale à l’aéroport international Bangui-M’Poko au terme d’un arrêté. Logiquement, le Premier ministre aurait dû attendre le retour du Ministre de tutelle et l’instruire de retirer l’arrêté incriminé du 26 septembre 2017 portant renouvellement de l’agrément de AHS. A ce stade, le Ministre pourrait avoir le choix soit de le retirer soit de démissionner, ce qui serait administrativement et juridiquement correct. Or, le Premier ministre s’est simplement levé ce beau matin là pour acter la suspension. Il a même eu une tentative de main-basse sur les comptes bancaires de la société. Heureusement que par mesure de précaution, lesdits comptes ont été mis sous scellé. Mais, Sarandji ne s’est nullement rendu compte en cela, il déclenchait toute une bourrasque sur sa personne, sur le pouvoir et sur le pays.
Le retour de la manivelle a été terrible. Dans l’immédiat, AHS, à effet d’informer dans les délais Menzies Middle East and Africa S.A l’actionnaire majoritaire ; Menzies Aviation PIC le partenaire stratégique et Global Aérospace l’assureur menace de suspendre toute activité car ne pouvant travailler sans licence ni assurance. Alors, les compagnies aériennes devaient être informées au moment où le vol en instance sur Bangui était celui de Air France abord duquel le président Touadéra. Il a donc failli de peu pour que le Président de la République soit débarqué à Yaoundé avant d’être acheminé sur Bangui par hélicoptère ou par la route : SCAMDALE!
Qu’à cela ne tienne, AHS, sans souhaiter en arriver là, menace de saisir au besoin, le Centre international pour le règlement des différends (CIRD) pour réparation. Ajouter à cela l’insécurité juridique créée par ce gangstérisme d’Etat pour les entreprises installées en Centrafrique et les investissements directs étrangers susceptibles d’être drainés en Centrafrique en cette période de reconstruction et dans un environnement jadis non propice où le climat des affaires appelle à plus de sécurité juridique. Il parait peu encourageant d’investir des capitaux dans un environnement où, le politique peut se lever un matin pour mettre les clés sous le paillasson.
Sur le plan politique, une partie de la galaxie présidentielle crie déjà au coup d’Etat et aux abus de pouvoir et à l’incompétence d’un chef du gouvernement caractérisé par une maîtrise tronquée des rouages de l’administration et des conventions internationales pourtant souscrites par l’Etat. A cela s’ajoute l’image que cette impertinence colle au pays devant les partenaires.
Sur le plan légal et/ou réglementaire, l’arrêté n°021/PM/18 du Premier ministre n’est défendable à aucun égard. D’abord, la délégation de pouvoir en matière d’assistance en escale est consacrée par Décret présidentiel n°06.256 du 10 août 2016 puis l’arrêté n°032/METAC/DIRCAB/DGACM du 14 août 2016. Les dispositions des articles 5 et 8 du Décret prévoient la suspension immédiate du contrat en cas manquements graves ou faits susceptibles de constituer un cas de figure, notamment des questions de sûreté pour les aéronefs et de sécurité…. Les dispositions prévoient également le renouvellement de l’agrément pour dix ans, c’est ce qui a été fait en septembre 2017. Entre temps, dans l’arrêté de suspension, il n’a nullement été fait mention de ces raisons ayant trait aux manquements graves conformément aux dispositions susmentionnées, ce qui devient du pain béni pour les avocats de AHS qui, si on en arrivait là, devraient saigner le trésor centrafricain devant les juridictions internationales des affaires.
Qu’est-ce-qui est donc arrivé au PM ? A-t-il été mal conseillé ? A-t-il un compte à régler avec son Ministre en charge de l’aviation civile ? A-t-il été désabusé par les détracteurs habiles du ministre ? Bref, le mal est fait. Sarandji s’est vu obligé de retirer son Arrêté sans une autre forme de procès. Faute de cela, Touadéra allait être coincé dans l’air. Si le PM pouvait mesurer la gravité de sa signature en amont. Aussi, le PM a copieusement ignoré qu’il s’agit d’un domaine hyper sensible d’autorité de l’aviation civile régit par la convention de Chicago souscrite par la RCA. A moins que la différence voulue par le Chef du gouvernement centrafricain soit notifiée au préalable à Moréal, le siège de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI).
Finalement, la RCA pourra faire peu aux investisseurs pour haut risque de braconnage d’Etat, ce qui est un mauvais signal émis en direction des détenteurs de capitaux.