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L’afflux des réfugiés centrafricains, une menace pour le Tchad ?

Publié le jeudi 27 septembre 2018  |  Tchadinfos
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© Autre presse par DR
Des Réfugiés Centrafricains.
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Depuis 2002, le Tchad enregistre un afflux des réfugiés centrafricains au Sud du pays, précisément à Goré dans la région du Logone oriental. Cette situation s’est vue accentuer à partir de 2014, suite à l’éclatement de la crise centrafricaine. Le Tchad enregistre à ce jour plus de 76 000 réfugiés centrafricains. Il y a lieu de s’interroger sur les conséquences de cet afflux sur le Tchad sur le plan social et sécuritaire. Est-ce cet afflux constitue-t-il une menace pour le Tchad et singulièrement les communautés d’accueil ? Dans une investigation transfrontalière menée par votre site Tchadinfos et le site congolais Habari, nous vous présentons les répercussions de la crise centrafricaine au-delà des frontières nationales notamment en République démocratique du Congo (RDC) et au Tchad.

« Il n’y a pas de changement : on entend toujours des coups de canon vers la frontière. Nous avons quitté la Centrafrique puisque des combattants de Seleka et des miliciens du mouvement Révolution et justice (RJ) s’y affrontent. Nous avons tout abandonné, car c’est notre vie qui importe. » En ce début de l’année 2018, Nodjitel Élysée, réfugié centrafricain, septuagénaire, est recueilli dans une famille d’accueil tchadienne à Goré, dans le sud du Tchad. Agriculteur, il est obligé d’abandonner son champ à cause de la guerre. Avec sa femme, ses trois enfants et ses dix petits-enfants, il a trouvé refuge dans une famille tchadienne de la même ethnie que lui. Car, Nodjitel en Ngambaye, une langue locale tchadienne peut être traduite par « la charité est de retour ». Depuis les premières arrivées en 2002, le Haut-commissariat des réfugiés (HCR) dénombre à plus de 72 000 Centrafricains installés dans six camps, répartis dans 23 villages hôtes. C’est l’afflux le plus important au Tchad depuis 2014. Le pays est le cinquième État qui accueille le plus de réfugiés au monde par rapport à la taille de sa population (14,4 millions d’habitants en 2016).

Dans ces villages d’accueil, la situation humanitaire est préoccupante, avec notamment des besoins urgents en abris, vivres, eau potable, prises en charge des enfants, …

Dans le Sud du Tchad, plusieurs localités sont aujourd’hui débordées. La situation alimentaire y est précaire, selon un état des lieux dressé en février par Mbili Ambaoumba, représentant du HCR au Tchad. De fait, dans le processus d’accueil des réfugiés et retournés, ces villages frontaliers constituent un pont avant l’enregistrement et l’installation dans les camps des organisations non gouvernementales (Ong).

Hyppolite Mbailassem, chef d’équipe du HCR, explique que l’agence humanitaire onusienne a mis en place un « processus » : « Nous avons quatre desks : accueil, protection, direction data et service communautaire ainsi que le desk sortie. » Au mois de janvier 2018, « environ 14 000 personnes [avaient] déjà été enregistrées sur une estimation d’environ 20 000 potentiels nouveaux demandeurs d’asile », complète Merlin Jérôme, administrateur principal de protection au HCR, à Goré. « C’est après cette phase d’enregistrement qu’il y aura la relocalisation, en collaboration avec la CNARR [Commission nationale d’accueil et de réinsertion des réfugiés et des rapatriés] et les autorités dans les zones hors camp. L’objectif est de pouvoir favoriser l’intégration, l’autonomisation pour éviter les déséquilibres dans les assistances », poursuit-il.

Mais cet afflux pose problème sur le plan sécuritaire et social dans les localités d’accueil. D’une part, la communauté hôte manifeste la peur des incursions des éléments de la Séléka ou de la RJ dans les villages frontaliers du Tchad. D’autre part, l’accès aux ressources crée quelquefois des tensions entre les réfugiés et les populations hôtes. Au village Bekoninga, par exemple, beaucoup acceptent difficilement le partage de leurs terres. Les écarts de comportements observés ne facilitent pas non plus la stabilité.

On dénombre ainsi des cas de violences sexuelles dans des camps, selon une source judiciaire sur place. « Des populations hôtes tentent souvent de violer des jeunes filles réfugiées. Il y a eu des cas de grossesse et les parents s’en lamentent. Il arrive qu’on transfère ces problèmes aux institutions judiciaires. Par le passé, quand il y a des cas de viol, cela a entraîné des actes de représailles de la part des réfugiés : plusieurs cas de mort ont été enregistrés dans ce sens », nous confie-t-elle.

Ce problème n’est cependant pas l’unique. Des cas d’enlèvement des bœufs sont également signalés. « Plusieurs incursions des groupes armés depuis la Centrafrique ont été enregistrées dans les communautés hôtes tchadiennes. Plus de 800 bœufs ont alors été enlevés », indique notre source. Et selon le HCR, depuis décembre dernier, plus de 15 réfugiés centrafricains ont été tués des deux côtés de la frontière, suite aux incursions des groupes armés centrafricains. Une insécurité persistante, doublée à une pénurie de vivres, qui contraint de plus en plus certains réfugiés centrafricains à regagner leur pays d’origine. Pendant cette période, « au moins 67 autres (réfugiés) ont été victimes de violences sexuelles et sexistes alors qu’ils tentaient de retourner en RCA pour aller chercher de la nourriture et compléter leurs maigres ressources en exil », avait informé le porte-parole du HCR, Babar Baloch. Des faits qui confirment l’exportation de la crise centrafricaine jusqu’au Tchad.

La protection et l’assistance de ces réfugiés « se déroulent dans un contexte très complexe avec une baisse continuelle des ressources, la résurgence des nouvelles crises surtout pour les Centrafricains et des limites dans les perspectives de solutions durables », a reconnu en mars 2018, le Représentant du HCR au Tchad, M. Michel Mbili Ambaoumba, à l’occasion de l’atelier de planification stratégique 2019 pour les réfugiés vivant au Tchad. Le gouvernement du Tchad, par la voix du secrétaire général du ministère de l’Administration du territoire, de la Sécurité publique et de la Gouvernance locale, Tahir Oloy Hassan, avait alors affirmé : « tout en préservant la paix et la sécurité sur notre territoire tant pour nous-mêmes que pour les réfugiés que nous avons accueillis, nous estimons que nous devons converger nos efforts vers une vision stratégique et collaborer avec d’autres partenaires pour relever les défis qui se présentent à nous ».

Face à ces tensions qui menacent la stabilité de la région, les autorités administratives et les partenaires humanitaires réfléchissent à des pistes de solutions et des stratégies à même de favoriser la cohabitation pacifique et la réinsertion. Pour aider le septuagénaire Nodjitel Élysée, refugié centrafricain, sa famille et bien d’autres à trouver leur place dans leur terre d’accueil, la Banque mondiale et les autres partenaires techniques et financiers entendent répondre à cette crise des réfugiés par une « approche holistique, notamment en améliorant la qualité de vie des communautés hôtes, en s’attaquant aux vulnérabilités spécifiques auxquelles sont confrontés les réfugiés et en aidant les institutions à mieux se préparer aux potentiels nouveaux afflux de réfugiés. ». Concrètement, Le conseil d’administration de la Banque mondiale a accepté l’octroi de 60 millions de dollars soit 35 milliards de FCFA pour le Tchad en septembre 2018 afin d’améliorer l’accès des réfugiés et communautés hôtes aux services de base et aux moyens de subsistance.

En tout état de cause, l’on peut le dire sans risque de se tromper que l’afflux des réfugiés centrafricains constitue d’une manière ou d’une autre une menace pour le Tchad. Car, comme l’a relevé le porte-parole du HCR, Babar Baloch lors d’une conférence de presse, le 16 mars 2018 au Palais des Nations à Genève, « les pénuries alimentaires et la hausse des prix menacent directement la vie des réfugiés et de la population d’accueil qui partage avec les nouveaux arrivants de maigres ressources alimentaires et autres ». Babar Baloch d’ajouter que, le sud du Tchad, y compris la région de Goré, est l’une des régions les plus pauvres et sous-développées du pays, qui est confronté à une profonde crise socio-économique. L’afflux des réfugiés accentue donc davantage cette situation avec la menace de partage des ressources ainsi que celle sécuritaire.
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