C’est un avertissement sans frais que les Centrafricaines adressent à leurs dirigeants défaillants. C’est en même temps une juste revendication de la parité que lancent ces femmes, ignorées par la gent masculine prisonnière d’une misogynie et d’une phallocratie séculaires.
Par la voix de la coordinatrice de leur mouvement, Lina Ekomo, les Femmes Leaders pour la Paix en Centrafrique dénoncent avec force la souffrance des Centrafricains sur l’ensemble du territoire. Elles stigmatisent la mort qui menace les familles. Elles s’indignent de la condition de vie des enfants qui ne bénéficient pas de structures éducatives. Elles interpellent les différentes institutions centrafricaines pour qu’elles prennent leurs responsabilités devant les prévarications et les gabegies. « Nous avons parcouru l’arrière-pays, nous avons vu l’extrême pauvreté dans laquelle vit la population et cela nous a beaucoup interpellées. »
Comment ne pas mettre en cause l’oligarchie des hommes qui détient le pouvoir depuis l’indépendance ? Est-ce que ce n’est pas elle qui a mené le pays à la ruine et à la déchéance ?
UN GOUVERNEMENT D’HOMMES
Car, que s’est-il passé depuis l’indépendance ? Jusqu’au gouvernement de la Transition de Catherine Samba-Panza, la République Centrafricaine a été dirigée exclusivement par des hommes.
Ce que l’on peut dire, c’est qu’ils n’ont brillé ni par leurs compétences, ni par leur sens de l’État. Ils se sont mués en faux patriotes, devenant, en réalité, des prédateurs acharnés. Ils ont confondu les deniers de l’Etat avec leurs biens propres, ils ont pillé sans vergogne les fonds destinés à l’essor du pays et au bien-être des Centrafricains, ils ont monnayé à leur profit les richesses du pays.
Organisant une gestion clanique des administrations, ils ont nommé à des postes clés de l’État les membres de leur famille ou leurs amis. Ils ont ainsi érigé le népotisme et l’oligarchie en système de gouvernance et relégué la République Centrafricaine dans les abysses de l’injustice sociale et de l’impunité, indifférents aux gémissements de la population qui montent des profondeurs du pays.
C’est ainsi qu’ils ont inscrit de manière définitive leurs compatriotes dans le registre du sous-développement, alors qu’ils avaient la charge de les protéger.
Ces rappels permettent de mieux comprendre le cri de colère des femmes centrafricaines. Leur temps est venu. Elles doivent compter dans la gestion du pays.
LE TEMPS DES FEMMES
Les dirigeants centrafricains devraient se souvenir que c’est toujours grâce à une mère qu’on en arrive là où on est !
Ils savent bien que la société centrafricaine est encore très largement matriarcale. La gestion du foyer au quotidien, l’éducation des enfants et, plus généralement, la garantie de la cohésion familiale et sociale, ont toujours incombé aux mères.
On peut donc avancer, sans crainte de se tromper, que la Centrafricaine est sans doute suffisamment armée pour la gestion de la chose publique et des crises. Nous pensons qu’elle se montrera moins prédatrice, moins égocentrique et saura gérer la Nation comme on gère les enfants et le foyer. Nous ne prétendons pas qu’elle représente la solution à la crise qui a plongé le pays dans le chaos. Mais son association à la gestion du pays pourrait apporter un plus dans la quête de la recherche de la paix et de la réconciliation nationale.
Catherine Samba-Panza peut être un exemple : présidente de la Transition alors que le pays était à feu et à sang, elle a su organiser des élections qui ont été reconnues comme démocratiques par les observateurs internationaux. Ce sont celles qui ont abouti à l’élection du président Faustin-Archange Touadera. On a pu lui reprocher une gouvernance clanique et soupçonner des détournements de fonds – entre autres, les millions d’aides de l’Angola, dont la disparition demeure jusqu’ici non élucidée. Mais, globalement, sa gestion en temps de crise aiguë a été jugée positive par la communauté internationale.
Son exemple montre bien que la femme centrafricaine peut jouer un rôle clé dans la gestion du pays.
UNE MONTÉE EN PUISSANCE INÉLUCTABLE DANS LES ROUAGES DE L’ÉTAT
On ne peut que constater que les Centrafricaines appréhendent parfaitement les maux dont souffre le pays. Leur moment est venu. Elles doivent donc monter en responsabilité.
La probable destitution- ou la démission – du président de l’Assemblée Nationale, la révocation du Premier ministre souhaitée depuis longtemps par les Centrafricains, sont autant d’occasions pour le président Faustin-Archange Touadera, de pratiquer la parité homme/femme qu’il avait promise à son investiture : il serait donc tout à fait souhaitable qu’une femme prenne la tête de l’Assemblée Nationale et qu’une autre occupe la fonction de Premier Ministre.
La République Centrafricaine démontrerait ainsi, aux yeux de la communauté internationale, sa maturité politique et sa modernité.