LA CENTRAFRIQUE, NOUVEAU CHAMP DE BATAILLE DE LA GUERRE FROIDE ?
Faut-il le rappeler ? La République Centrafricaine est un État indépendant, souverain et membre de l’ONU. On ne peut donc que s’interroger sur l’attitude adoptée par les Occidentaux depuis que les Russes sont revenus en Centrafrique.
On savait que le pays était tenu à bout de bras par la France, ancienne puissance coloniale, à cause des dirigeants corrompus et incompétents dont elle a favorisé l’accession à la tête de L’état. On savait encore que la RCA était devenue la figure emblématique de la Françafrique qui sévit toujours.
Or, le 23 octobre, au Conseil de Sécurité, une bronca des Occidentaux s’est élevée pour stigmatiser violemment le rôle joué par la Fédération de Russie en Centrafrique.
Mais, si les Russes sont revenus à Bangui, c’est bien à la demande expresse et légitime du président de la République Faustin-Archange Touadera. Cerné par les groupes armés qui s’apprêtaient à marcher sur la capitale et ne disposant pratiquement d’aucune force capable de leur résister, il n’avait d’autre choix que d’appeler au secours. Ni la MINUSCA, dépêchée par l’ONU, ni SANGARIS, envoyée par la France, n’ont pu ramener la paix et la sécurité sur l’ensemble du territoire. Les rebelles occupent désormais les ¾ du pays. L’autorité de l’État ne s’exerce plus que sur la capitale, devenue un camp retranché, refuge des autorités légitimes. Les massacres sont quotidiens, les populations déplacées. Une partition menace l’intégrité du territoire.
Acculées et courant le risque de perdre le pouvoir, les autorités n’ont pas eu d’autre issue que de faire appel à une puissance étrangère. Les Russes ont répondu présent, alors que l’existence même de la République Centrafricaine et de sa population étaient en danger de mort.
LE RETOUR DES RUSSES, UN SUJET QUI AGACE LES OCCIDENTAUX
Sans renier les accords de coopération et de défense conclus avec la France au lendemain de son indépendance, la République Centrafricaine, pays souverain, a parfaitement le droit de mener sa politique étrangère comme elle l’entend.
Or, l’ancienne puissance coloniale agit comme s’il s’agissait d’un département de l’Hexagone ! Les précédents présidents de la République Centrafricaine ayant manifesté des velléités d’ouverture vers d’autres pays, la France a tout fait pour les destituer. Elle n’a jamais hésité à permuter les dirigeants, en organisant ou en soutenant des coups d’état. C’est ainsi, à cause de la mauvaise gouvernance et de la gabegie des dirigeants corrompus , que le pays a plongé dans un sous-développement abyssal et chronique. Toujours classé dans la liste des pays les plus pauvres du monde malgré ses immenses potentialités, il a constamment vu son développement freiné par la précipitation des puissances étrangères, avides d’envahir le pays et de le tenir sous tutelle pour profiter de ses richesses. Après environ soixante ans d’indépendance, les coups de force pour s’emparer du pouvoir et les violences récurrentes ont rendu exsangue un pays pourtant promis à un bel avenir. Un pays aujourd’hui au bord du gouffre.
Depuis quelque temps, les autorités françaises ont, à l’endroit du président Touadera, un comportement qui s’apparente à du mépris et à de l’arrogance. La scène qui s’est déroulée entre le président français, son ministre des Affaires Étrangères et le président Touadera, pendant la vingt-septième Assemblée Générale de l’ONU, jette une lumière crue sur les relations abîmées entre les deux dirigeants.
Le retrait de la force française Sangaris a été vécu par les Centrafricains comme un abandon face aux groupes armés. Ils ont donc salué l’arrivée des Russes par des cris d’espoir. Ce qui fait que la France semble désormais être en perte de vitesse dans ce qu’elle considérait comme son pré carré. Les Centrafricains sont de plus en plus vindicatifs vis-à-vis de la France – ce qui arrange les affaires des Russes, à qui il arrive de soudoyer la presse locale pour diaboliser les Français. Plus le temps passe, plus les rapports franco-centrafricains se détériorent.
Pour redresser la barre, il faudra que la France adopte une autre politique l’égard du président Touadera. Comment admettre que Jean-Yves Le Drian se rende en Afrique Centrale pour évoquer le drame centrafricain, sans jamais faire escale à Bangui ? Il s’arrête uniquement chez son ami Déby, que les Centrafricains détestent. Ou chez Sassou Nguésso, médiateur depuis le début du conflit centrafricain, mais qui n’a obtenu aucun résultat jusqu’à présent.
Si Emmanuel Macron ne se décide pas à se rendre d’urgence en Centrafrique pour rencontrer son homologue et s’associer à la recherche de la paix, pourquoi le président Touadera ne serait-il pas tenté de traiter avec les Russes ?
Au lieu de s’alarmer sur les initiatives de Poutine dans ce pays, la France devra plutôt changer sa politique en Centrafrique. Sinon, il est à craindre que la Fédération de Russie ait, d’ores et déjà, gagné la bataille de Bangui.