S’il n’a jamais, contrairement à d’autres, ouvertement soutenu les Séléka dans leur action de prise du pouvoir par la force; il n’en n’est pas moins resté très prudent, en s’abstenant de les condamner en public.
Habile manœuvrier politique, sous TOUADERA, il a réussi le tour de force de devenir enfin “quelqu’un”, le président de la commission des finances du parlement centrafricain.
Une sorte d’extra-terrestre que décrypte notre consultante juridique et politique, l’avocate Sandra MARTIN-WHITE.
Questionnaire de Gilles DELEUZE
Lâimage contient peut-être : une personne ou plus, personnes assises et lunettes– LNC : Maître, votre point de vue sur la dernière sortie dirions-nous osée de Ziguélé dans J.A Pourtant pas le genre du personnage ?
– Sandra MARTIN-WHITE : Tout d’abord, d’opposant à TOUADERA, il en est devenu, manifestement en apparence du moins, un des soutiens. D’aucun tout de même d’ironiser en disant : “le soutenir comme la corde soutient ler pendu”.
En vérité, Ziguélé a toujours prêté attention aux rapports de force sur le tout petit échiquier politique centrafricain. Il a avalé, comme d’autres les couleuvres des bourrages d’urnes ayant mis au pouvoir qui vous savez. A partir de là, lui a cherché à en tirer partie.
Quand il fut élu député, que nous LNC titrions-nous à ce propos ? “Ziguélé, enfin élu quelque part”.
Car jusque là, n’oublions pas cela, son hégémonie se limitait à instrumentaliser le MLPC pour sa propre gloriole, pourtant de loin le premier parti politique centrafricain. Mais, à force d’en faire un parti de godillots, les électeurs ont fini par bouder le MLPC lors des élections – truquages et autres habituelles magouilles mis à part.
– LNC : Tout de même, sa récente crise de lucidité sur la situation catastrophique du pays, le met en porte à faux avec les lénifiant discours de “tout va bien” des thuriféraires de Touadera non ?
– SMW : Absolument. Et c’est voulu. Car je suis convaincue que cela participe d’une campagne personne de disons “dessoudage” de lui-même de TOUADERA, qu’il sait en situation de grande faiblesse politique. Et qu’anticipant, il ne voudrait pas couler avec lui.
Il est certes un peu tôt à mi-mandat pour faire un bilan de TOUADERA, mais des élements dirimant laissent à penser que pas grand chose ne changera d’ici la fin de sa magistrature. Il restera celui qui inaugure les travaux des autres, un peu comme les monarques oisifs inaugurant les chrysanthèmes, mais surtout, il est à craindre une espèce de “caporalisation” de la vie politique, la polluant de ses dorénévant régulières manoeuvres de corruption afin de parvenir à ses fins. L’impunité faisant loi, pourquoi se gênerait-il ? Disciple de François BOZIZE, il fait du BOZIZE. Et plus que tout, sans imagination.
– LNC : Soutien à FAT, ce serait fini pour lui ?
– SMW : C’est mon sentiment. Et je l’argumente. Martin ZIGUELE, on peut l’agonir d’un tasq de reproches, c’est un légaliste. Et ce n’est pas un tricheur. Il ne lui viendrait jamais à l’idée de fomenter un coup d’état comme le furent des compulsifs du genre comme KOLINGBA et BOZIZE.
Et je sais que la rupture d’avec TOUADERA pour lui a eu lieu quand ce dernier à convoqué 90 députés à Bimbo, pour les corrompre à coups de milliers de F CFA. Personne dans le pays ne s’est levé pour dénoncer une telle forfaiture et aussi ouvertement. La communauté internationale et les bailleurs ont fait comme s’ils ne le savaient pas.
Ca ZIG ZAG ne l’a pas supporté.
C’est à partir de là qu’il s’est décidé à se reconstruire une stature d’homme d’état, en multipliant les déplacements en province, et à l’étranger récemment. Le MLPC ne lui servant là plus que de dossard pour se légitimer. Sa sorte de fan club personnelle.
– LNC : Dans les starting-blocks pour les prochaines échéances présidentielles alors ? Il serait déjà en campagne électorale ?
– SMW : Ou avant. La situation du pays est d’une telle instabilité politique et sécuritaire, la présidence plus que jamais autiste sur les réalités du pays, que le risque est grand pour que nous ne parvenions pas aux échéances électorales de 2021 sans des bouleversements bien avant.
A cela se joint pour lui, une urgence de se recrédibiliser. En campagne électorale, oui, il l’est assurément.
– LNC : ZIGUELE dans l’opposition ?
– SMW : Pas formellement, ni factuellement, disons qu’il se positionne opportunément, sans se mouiller. Ce qui est fort habile. Et son interview dans “Jeune Afrique”, c’est en quelque sorte son “Appel du 18 Juin” à la DE GAULLE.
L’homme est peut être caméléon, sans réelle conviction politique, mais ce n’est pas un imbécile. Parce que si la catastrophe annoncée se concrétisait, il sera le premier à crier : “Je vous l’avais dit.”
Aussi, notez bien qu’il n’est pas au gouvernement, mais à l’assemblée nationale. Il n’est donc pas aux ordres de Touadera; ce qui lui donne une grande la latitude et marge de manœuvre pour le cas ou….
– LNC : Mais enfin, les électeurs vont bien se rendre compte que tout cela n’est que “combonazioni” et que l’homme n’a pas changé d’un poil !
– SMW : Le problème n’est pas là, et vous vous trompez complètement là dessus. Tout d’abord, depuis quand y’a t’il eu des élections régulières dans ce pays ? JAMAIS ! Et qui plus que quiconque est le mieux placé ce pays pour le savoir à part Martin ZIGUELE ?
Il a enfin compris quelque chose de très important depuis la dernière présidentielle. Qu’il fallait être “visible” pour le moment venu, être CHOISI pour devenir enfin Président.
Il n’est pas stupide, il est très conscient du fait que le président n’est jamais élu en RCA, mais “choisi” par les forces dominant le pays – bien évidemment, l’ancienne puissance coloniale en premier. Les choses ont toujours été ainsi, et les élections, de simples mascarades pour distraire et faire semblant.
Souvenez-vous du referendum sur la Constitution en décembre 2015. Non seulement les centrafricains n’en ont jamais lu une ligne du texte, mais le texte était validé en avance à l’ambassade de France, bien avant l’avis populaire. Qui s’en est plaint ?
Seuls les naïfs peuvent croire à un exercice régulier de la démocratie en RCA. C’est toujours une utopie.
Je le redis encore, ZIGUELE n’est pas fou, il sait tout ça.
– LNC : Comment d’après vous TOUADERA estime-t’il son soudain changement de cap ?
– SMW : Vous faites bien de poser cette question. Car vous savez, vie politique ou pas, les hommes restent des hommes, avec leurs émotions et leurs sentiments. Martin ZIGUELE n’a jamais oublié qu’il avait perdu sa place de Premier ministre sur un Coup d’état. Et que TOUADERA aura été le dernier premier ministre du putshciste. Ce type de blessure ne se guérit pas.
Pour cela que, bien que très affable en apparence, ZIGUELE n’a jamais été “copain” de TOUADERA. Et comme ce dernier a toujours eu une vision floue des relations humaines, cela se traduit par un certain dédain des autres.
En outre, TOUADERA a toujours commis l’erreur de jugement de prendre ZIGUELE pour un âne.
Ce qu’il n’est, étant même bien plus intelligent que lui, si ‘fat’ et satistait de lui-même. Et surtout, sans empathie.
En termes simples, TOUADERA ne voit pas d’avenir politique à ZIGUELE. Et donc le sous-estime. Une erreur pouvant lui être fatale.
– LNC : Une conclusion Maître ?
– SMW : ZIGUELE est à la croisée des chemins. Il lui est nécessaire de comprendre enfin qu’à force de jouer à la girouette à la Edgar FAURE, l’on finit par être illisible, par se déconsidérer, et en final par être invisible. Ce qui est un comble pour un homme leader du parti politique le plus puissant du pays. Car cela ne se traduit pas dans les faits sur le terrain. Ceci parce que le MLPC est devenu une affaire familiale, au sein de laquelle il règne en autocrate.
Des erreurs qu’A.G. DOLOGUELE ne commet pas dans son URCA. Quasi “canonisé” depuis son échec à la présidentielle (déroulée dans les douteuses conditions que vous savez), il n’est plus celui dont tout le monde se moquait en le qualifiant de “Mr 10%”. Rebondissant dessus, lui a l’intelligence de gerer son URCA à l’européenne, se mettant rarement en avant; et tôt ou tard, cela peut faire mouche.
D’autant plus que sa courbe de popularité et de crédibilité est inversement proportionnelle à celle de ZIGUELE. D’ou l’activisme de ce dernier pour combler le vide.