Le Comité International de la Croix Rouge (CICR), dans l’une de ses nombreuses missions, œuvre aussi pour la réunification des familles séparées à cause des violences armées. Delphine Marce, Coordinatrice du département Protection au CICR, a , dans une interview accordée au RJDH, précisé le cadre d’intervention du CICR dans la réunification familiale.
RJDH : Madame Delphine Marce, bonjour !
DM : Bonjour !
RJDH : Le CICR assure le rétablissement des liens familiaux (RLF) détruits par la crise. Dites-nous quelles sont les méthodologies utilisées pour retrouver les disparus ?
DM : Tout d’abord pour clarifier dans quel cadre nous réalisons ce genre d’activités, il s’agit des personnes qui ont perdu tout contact avec leurs proches lors des conflits ou des circonstances optimales de violences. Ici en Centrafrique, avec les évènements entre 2013 et 2014, il y a évidemment eu beaucoup de familles qui ont dû partir ou fuir sans pouvoir toujours garder le contact avec des familles refugiées dans les pays limitrophes tels le Cameroun ou bien le Tchad.
Dans ces circonstances, nous avons deux situations avec lesquelles nous sommes les plus souvent confrontés. C’est soit des parents qui ont été séparés de leurs enfants et qui ne savent plus où ils se trouvent. Dans ce cas-là, ils vont nous donner des informations sur un endroit potentiel où se trouveraient leurs enfants. Et puis parfois, nous avons aussi des enfants qui nous sont référés ou bien qui sont orientés vers nous et c’est le même dans le sens contraire : c’est-à-dire qu’ils nous donnent des informations d’où ils viennent, où est-ce que leurs parents peuvent être encore et à partir de là nous pouvons entamer les recherches.
RJDH : Qu’est-ce que cela veut dire concrètement «entamer les recherches ?»
DM : C’est prendre les petits bouts plus ou moins grands d’informations que nous avons, que ce soit l’adresse du domicile ou bien que ce soit le nom de la personne avec qui l’enfant vivait avant ou bien si on sait que peut-être la personne n’est plus à son domicile. L’enfant peut nous dire que le domicile était à côté de telle église, telle mosquée, telle école ou tel marché et à partir de là, nous allons commencer à chercher. Ce travail est mené soit par le CICR directement en Centrafrique ou bien par nos confrères dans les pays avoisinants que ce soit le Tchad, le Cameroun, la RD Congo mais parfois même plus loin et puis c‘est aussi fait avec nos collègues de la Croix Rouge Centrafricaine.
RJDH : Depuis le début de l’année, combien de personnes ont été réunifiées avec leurs familles ?
DM : Depuis le début de l’année, nous avons pu réunifier 15 enfants plus deux personnes adultes qui présentaient une situation de grande vulnérabilité ou qui étaient liés à ces enfants et puis cette semaine nous espérons ramener 10 personnes de plus dans leurs familles.
Aujourd’hui, nous avons réunifié deux enfants qui venaient du Tchad où ils avaient dû se réfugier en 2014. Nous avons pu aussi organiser le retour logistique avec l’avion que nous avons.
RJDH : Les familles, surtout les enfants une fois réunifiés, comment assurez-vous le suivi de leur réintégration dans leurs familles ?
DM : Le suivi que nous allons pouvoir faire avec la famille a déjà été fait par anticipation puisque nous avons préparé les familles en amont en les situant sur le déroulement de l’opération tout en nous assurant de leur disponibilité mentale et de leur capacité d’accueil. Ensuite nous allons les revoir d’ici un mois ou six semaines pour voir comment se passe cette réintégration, ce retour à la vie commune.
RJDH :La crise divise, la Croix Rouge réunie. Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans le cadre du Rétablissement des Liens Familiaux ?
DM : Les grandes difficultés, d’abord, proviennent du manque de renseignements surtout avec les enfants à bas âge. Ils ont peu d’informations sur leurs propres familles. Outre cela ils ne maitrisent pas bien le nom de leurs quartiers. Cette situation nous procure d’énormes difficultés après pour essayer de pouvoir retrouver les parents.
Ensuite, il est évident que lorsqu’on recherche les proches, ces derniers ont changé de lieu d’habitation initiale et même si on peut retrouver leurs traces grâce à des voisins, à des amis ou à d‘autres membres de la famille, il faut encore mener des recherches pour savoir s’ils demeurent encore dans leurs quartiers, ce qui représente des difficultés supplémentaires.
Enfin, ce sont les problèmes de sécurité auxquels nous faisons face dans une situation comme c’en est le cas en Centrafrique. Le fait que nous ne pouvons pas avoir accès à certaines localités. En conséquence la gestion de cette recherche nous prend beaucoup de temps.