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Gaston Mandata N’Guérékata « La Centrafrique est concue pour vivre dans une fédération »
Publié le mercredi 26 novembre 2014  |  Continental Nouveau
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© Autre presse par DR
Pr Gaston Mandata N`Guérékata, Président du Parti pour la Renaissance Centrafricaine (PARC)
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Dans un microscome centrafricain longtemps miné par la politique politicienne,le premier grand mathématicien du pays, professeur dans une université américaine et leader d’un nouveau parti politique détonne.

Professeur N’Guérékata, vous êtes devenu, en l’espace d’un an, un poids lourd de la politique centrafricaine. Pourtant, à la différence des autres candidats – déclarés ou non – vous ne

semblez pas polarisé sur l’élection présidentielle. Qu’est-ce qui vous fait courir ?

Le sort des gens et la recherche d’une solution viable et durable qui permette à mon pays de vivre en paix. La RépubliqueCentrafricaine (Rca) est malade de cette compétition permanente pour le pouvoir. Les écuries se font et se défont au gré des circonstances, mais elles ont toutes un trait commun : un programme unique qui se résume à la conquête de l’Etat, à des fins personnelles ou de prédation. La crise aiguë que nous vivons est une déchirure systémique. La République Centrafricaine n’existe plus. Il n’y a plus désormais ni justice, ni police, ni armée. Les attributs qui définissent normalement la souveraineté d’un Etat nous font défaut. Totalement. La Rca connaît, en fait, une crise existentielle qui est fondamentalement liée à l’aberrant découpage des frontières réalisé par le colonisateur. Ces frontières n’ont aucun sens, elles n’ont pas pris en compte notre histoire, les organisations ethniques complexes qui existaient avant l’arrivée des Colons. Et ce, pour une raison simple : ils ont toujours cru – et nombreux sont ceux qui le pensent encore que notre histoire a commencé avec leur arrivée. La République Centrafricaine doit vivre dans un autre cadre que celui qui lui a été imposé. Elle est ingouvernable en l’état. Dans ces conditions, comment envisager une élection présidentielle? Pour gouverner quoi ? Avec quels moyens ? Non, ce qu’il faut, c’est réfléchir à un nouveau modèle politique qui neutralise le virus de la division et de la compétition pour soi. Et, au regard de notre environnement géopolitique et de l’Histoire, je ne vois que la fédération comme solution.

Vous voulez faire de la République Centrafricaine un Etat fédéral?
Non, absolument pas. Je veux que la République Centrafricaine soit intégrée à une fédération d’Etats, construite sur les bases de la Communauté Economique et Monétaire d’Afrique Centrale (Cemac), avec, au départ du processus, un noyau dur d’Etats historiquement et politiquement proches. La Rca n’a pas été conçue pour vivre en dehors d’une fédération. Elle est, je le répète, consubtantiellement, une pièce d’un ensemble plus vaste. Ce cadre plus grand est, je pense, le seul à même de gommer les effets néfastes du découpage à la serpe opéré par les Français. L’Aef (Afrique équatoriale française) était un ensemble relativement cohérent. Au moment de la décolonisation, le général de Gaulle a sabordé l’Aef pour faire monter un système d’Etats unitaires plus faibles. Diviser pour régner,un prérequis géostratégique que le général de Gaulle et Jacques Foccart ont appliqué à dessein pour maintenir une influence française forte en Afrique… Je ne peux pas les en blâmer, c’était un jeu logique de puissance mais que nous payons au prix fort aujourd’hui. Boganda l’avait très bien compris. C’est peut-être pour cette raison que son avion n’est jamais arrivé à destination!

En somme, vous souhaitez reprendre l’oeuvre de Boganda et finir le «job»?
Absolument. Boganda a fondé la République Centrafricaine mais avant cela il a été Président du
Haut Conseil de l’Aef. A ce titre, il a éprouvé mieux qu’aucun autre homme politique africain de son temps les potentialités, systémiques de la Fédération et les dangers du repli sur des ensembles sans réalité. C’est pour cela qu’il était fédéraliste. Il n’était pas panafricaniste. Il n’imaginait pas un ensemble fédéral de 54 nations mais bien un petit groupe compact d’Etats associés capables de peser à l’échelle continentale et que les coutumes et le mode de vie rapprochaient. Concernant Boganda, la classe politique centrafricaine a l’habitude de vanter la première casquette, celle de père fondateur; Je lui préfère la seconde, celle de président d’un vaste et puissant ensemble, partageant un destin, disposant d’outils et de politiques mutualisées, propices à la paix, au développement et à l’accroissement des richesses.

Les projets de fédérations en Afrique ont pourtant fait long feu, notamment au moment des indépendances…
Oui, et pour une raison simple. La fédération a toujours été perçue à l’époque comme un moyen d’accès à l’indépendance, jamais comme un objectif en soi. L’enquête de Thomas Franck du Centre for International Studies de l’université de New York sur les «préalables d’un fédéralisme réussi», publiée en 1968 sous le titre «Why Federations fail» a démontré que la raison essentielle de ces échecs tient à l’absence d’adhésion politico-idéologique au concept de base ou à la valeur de la fédération. A partir du moment où nous posons la fédération comme

Bangui, capitale de la Rca, dévastée par une guerre fratricide. objectif final, nous sommes en mesure de concevoir durablement ce qui relèvera du champ fédéral et ce qui sera du ressort des Etats. Nous pouvons mettre en placedes ressources réalistes, une administration efficace, articulée de telle manière qu’un nouveau niveau de protection vienne appuyer le premier et le renforcer. Nous pouvons augmenter l’efficacité globale en mobilisant des moyens au plus près des populations tout en confiant, par exemple, la défense, la réalisation des grandes infrastructures et la diplomatie au gouvernement fédéral. La fédération que j’appelle de mes voeux ne sera pas le calque d’un système existant. Elle sera le reflet singulier de ce que nous sommes et de ce que nous voulons être.

Techniquement, quel scénario envisagez-vous ?
La première chose à faire est d’élire une Constituante, c’est-à-dire une assemblée dont l’unique mission sera de rédiger une constitution. Les membres de cette assemblée auront alors à intégrer – ou non
- une option fédérale, qui sera activée si un autre pays issu de la Cemac venait à emprunter une voie identique. Une fois le texte constitutionnel adopté, l’assemblée est dissoute et un référundum organisé, puis des élections legislatives et, éventuellement, des présidentielles…

Si je vous comprends bien, vous souhaitez devenir le fer de lance d’un mouvement fédéraliste
en Rca ?

Pas seulement en Rca, mais dans tous les Etats de la Cemac (Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale), et d’abord dans ceux qui nous sont proches, historiquement, culturellement, politiquement.

Certains chefs d’Etats de la zone vont sans doute voir d’un assez mauvais oeil cette pierre dans leur jardin…

Je ne suis pas là pour déclencher des conflits ou pour mettre à mal l’autorité de qui que ce soit. La mission que je me suis assignée est de faire avancer la seule idée capable d’aider mon peuple etde sortir la Rca de l’ornière. Les effets induits par le système que je propose seront importants et bénéfiques en termes de poids géopolitique pour tous les Etats qui bâtiront cette fédération. Regardez l’Afrique de l’Est. Cinq pays sont en train de s’associer – Burundi, Kenya, Ouganda, Rwanda Tanzanie, peut-être rejoints par le Sud- Soudan – au sein d’un ensemble qui devrait d’ici 2016 déboucher sur une fédération. Poids politique renforcé, marché dynamique, démographie puissante. Un lion est en train de naître aux portesde l’Afrique centrale et nous ne le voyons pas. Plutôt que d’envisager des schémas qui plaisent aux Occidentaux, peut-être devrions- nous concevoir nous-mêmes nos propres voies de recours; non ? Je crois que la constitution de grands ensembles est historiquement imparable. Nous allons vers cela.

La situation de la Rca nous donne une occasion unique de prendre, ici et aujourd’hui, le train de l’Histoire et d’engager un processus qui devra, de toute façon, se concrétiser à un moment ou à un autre. Qu’allons-nous peser face à la Chine, face à l’Inde, à la Russie, au Brésil ou aux Etats-Unis si nous ne nous regroupons pas ? Nous nous ferons dicter nos choix. Ce n’est pas souhaitable. Je ne peux pas l’accepter. Je me battrai jusqu’au bout pour faire triompher cette idée, que je sais partagée.

Entretien. > Propos recueillis par François Domoli
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