BANGUI - Certains partis politiques de l’opposition démocratique refusent de prendre part à la rencontre du Chef de l’Etat en prélude au dialogue de l’Union Africaine. Pour Me Crépin Mboli Goumba, l’un des leaders de l’opposition démocratique, la rencontre ne répond pas aux normes d’une consultation sérieuse. Il a dit dans une interview accordée au RJDH ce 05 Janvier 2019.
RJDH : Une partie de l’opposition démocratique a décidé de ne pas répondre présente à l’invitation du Chef de l’Etat le samedi 05 janvier pour jeter avec vous, les bases du prochain dialogue de l’UA pour la paix et la réconciliation en Centrafrique. Pourquoi ?
CM : Non, ce n’était pas une rencontre de concertation. Nous avons appris par la voix des ondes que le Président a invité tous les partis politiques sans distinction aucune, et les forces vives de la Nation, comme il est convenu de le dire, à une rencontre d’information. Vous savez très bien que ce dialogue proposé par l’Union Africaine est la dernière chance de paix pour notre pays. Par conséquent, il faut prendre les choses très au sérieux.
Nous appartenons à une entité qui s’appelle « l’opposition démocratique ». Nous avons demandé à être partie prenante à cette initiative et membre donc composante de ce dialogue. Alors, le peuple ne comprendrait pas qu’on dise non comme ça. C’est une manipulation qui consiste à dire que nous ne voulons pas du dialogue. « Nous voulons une rencontre constructive avec le Chef de l’Etat ». Et pour tout vous dire, qu’il faut commencer à respecter les coutumes. Le protocole du Chef de l’Etat ou de la Présidence de la République sait très bien où se trouvent les leaders de l’opposition démocratique.
La salle de cinéma de la Présidence ne nous rappelle rien de bon et porte bien son nom « salle de Cinéma » où souvent il est question de spectacle où des gens sont manipulés pour venir essayer de déshonorer et d’amoindrir les figures politiques. Nous ne pouvons plus accepter ce genre de choses.
RJDH : Etes-vous toujours disposés à rencontrer le Chef de l’Etat ou non?
CM : Nous avons dit dans notre communiqué que nous étions disposés à n’importe quel moment de la journée. Il s’agit de paix, de rencontrer le Premier des Centrafricains qui se trouve être le Chef de l’Etat, donc nous n’avons pas décliné l’offre mais, nous avons demandé à ce qu’il y ait une rencontre restreinte pour faire part au Président de la République de notre lecture des choses et naturellement pour insister pour que toutes les forces vives de la nation ne soient pas que dans l’observation mais soient parties prenantes à l’Initiative de Paix.
RJDH : Dans une lettre envoyée aux acteurs de la crise centrafricaine engagés dans l’initiative africaine pour la paix en Centrafrique, le Président de la Commission de l’UA, le Tchadien Moussa Faki Mahamat a indiqué que le dialogue se tiendra dans la Capitale éthiopienne au début du mois de Janvier 2019. Que dites-vous de ce calendrier et le choix de l’Ethiopie ?
CM : je n’ai pas à commenter la proposition faite par le Président Faki sur le lieu. Vous savez, le lieu compte très peu. D’abord parce qu’il s’agit de question de la paix et nous sommes prêts à aller n’importe où tant que ce n’est pas muni d’arrière-pensée. Je dis bien d’arrière-pensée.
RJDH : Quand vous parlez « d’arrière-pensée » vous pensez à quoi ?
CM : Ces derniers jours, il y a eu quelques manipulations des jeunes. Certains de nos compatriotes qui, après tout ne cherchent qu’à manger, ont été manipulés pour faire des manifestations voulant imposer le choix de « Khartoum » comme le lieu de ce dialogue-là. Nous n’avons rien contre le Soudan qui est un pays voisin mais nous déplorons tout ce qui est arrière-pensée. Et je ne sais pas si en République Centrafricaine nous sommes un peu informés, il se passe des choses en Soudan et principalement à Khartoum, il y a des manifestations. Comment peut-on vouloir proposer Khartoum et faire endosser cette responsabilité à l’Exécutif et ignorer que le Soudan se cherche et qu’il y a eu au moins 37 morts dans ce pays frère. Nous saluons la mémoire de ceux qui sont tombés.
Donc il faut un lieu qui soit consensuel mais ce n’est pas le lieu qui importe, c’est l’efficacité de ce que nous voulons faire pour amener la paix dans notre pays qui compte.
RJDH : L’Union Africaine veut, selon les termes du document dont le RJDH a eu copie, que « les leaders politiques et ceux de la société civile prendront part aussi à une rencontre début février à Bangui où dans un autre pays voisin dont à l’issue d’une réunion consultative et de sensibilisation dans le but d’avoir leur adhésion au processus ». Comment appréciez-vous la démarche de l’Union Africaine ?
CM : Mais la démarche de l’UA est la reconnaissance de l’impossibilité de la signature d’un accord entre l’Exécutif et les groupes armés sans l’adhésion des forces vives de la nation. Notre implication est indispensable pour que le contenu soit une réalité compte tenu d’un quelconque accord et c’est notre position. Nous devons être impliqués du début à la fin comme partie prenante.
Au nom du constat impossible à nier selon lequel la crise est politique avec des élans militaro-politiques et parfois seulement confessionnelle. Donc quand on a fait ce constat, on ne peut pas en tirer les conséquences sinon on n’aurait pas eu besoin des forces vives de la nation si c’était simplement une question entre l’Exécutif et les groupes politico-militaires.
Nous avons très bien qu’il y ait réticence de la part de l’Exécutif pour une pleine participation des forces vives de la nation spécifiquement des partis politiques appartenant à partir d’une courte vue.
RJDH : A partir d’une courte vue, vous faites allusion à quoi ?
CM : A partir d’une courte vue selon laquelle si les politiques participent comme partie prenante, il y aurait des conséquences notamment un gouvernement d’Union Nationale. Je vais dire sans équivoque que s’agissant en tout cas de ma modeste personne, ce n’est pas la quête d’un marocain qui m’obnubile et je crois savoir aussi que certains membres de l’opposition démocratique sont dans cette logique.
Nous voulons qu’il y ait un sursaut et nous voulons s’il est même possible de se marcher sur le cœur pour trouver une solution et pour trouver une solution, il faut beaucoup de courages. Il faut se faire mal pour le bien du pays et pour le bien du peuple. Au moment où nous parlons, il se passe des choses abominables à Bakouma. Voilà une raison supplémentaire pour qu’on puisse s’accorder non pas seulement s’appesantir sur les détails.
RJDH : Le calendrier du Président de la Commission de l’UA est considéré comme une proposition par les proches du Chef de l’Etat que le RJDH a pu joindre après l’obtention du document. Alors que le Chef de l’Etat dans son message de vœux à la nation a indiqué qu’ils sont en train de travailler sur la finalisation du budget et de manière consensuelle décider le choix du lieu et de la date. N’y a-t-il pas contradiction entre le gouvernement et l’UA par rapport à ce calendrier ?
CM : Ecoutez ! Je ne peux que m’en tenir au contenu de la correspondance dont j’ai eu copie moi aussi comme RJDH, correspondance du Président de la Commission de l’UA. Evidemment le terme utilisé, il s’agit de « proposition». Encore une fois le gouvernement et l’Union Africaine doivent s’accorder sur le lieu. S’agissant du contenu, les parties prenantes je souhaite notamment les partis politiques devant déterminer de ce dialogue. Mais le lieu et la date, il faut que le gouvernement et l’UA puissent s’accorder. Pas de querelles inutiles.
RJDH : Maitre Crépin Mboli Goumba, nous vous remercions.
CM : C’est moi qui vous remercie !