La chargée de mission Centrafrique au Secours Catholique-Caritas France, analyse la situation instable et fragile du pays et explique comment l’association répond aux besoins
Aude Hadley, chargée de mission Centrafrique au Secours Catholique-Caritas France, analyse la situation instable et fragile du pays et explique comment l’association et ses partenaires répondent aux besoins de la population.
Les tensions qui secouent la Centrafrique depuis mars 2013 se sont-elles apaisées ?
Des éléments de stabilisation permettent d’espérer un apaisement mais celui-ci reste extrêmement fragile. La flambée de violences effrayante qui s’est produite à Bangui en octobre est la preuve que le moindre petit accrochage peut relancer la violence. Alors que tout le monde pensait à un retour au calme, notamment dans la zone musulmane de Bangui, PK5, et que le commerce reprenait, une attaque isolée a conduit à un regain de violence. Les Centrafricains sont à fleur de peau. Il suffit d’une petite altercation pour que les affrontements reprennent. Nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle flambée de violences. La situation sécuritaire du pays reste très précaire malgré la mise en place de la mission des Nations unies, la Minusca, dont les contingents peinent encore à arriver. L’insécurité règne encore à Bangui et en province.
Pensez-vous que la présidente de transition, Catherine Samba-Panza, peut favoriser le processus de paix ?
Catherine Samba-Panza et son gouvernement sont discrédités par leur manque d’autorité et de moyens. De plus, l’implication d’acteurs extérieurs tels que la médiation congolaise ne leur laisse pas beaucoup de marge de manœuvre. Par ailleurs, ce discrédit a été renforcé par le scandale du don angolais (10 millions de dollars) dont 3 millions ont été détournés. Le pays est donc secoué par un vide sécuritaire doublé d’une crise politique. Ramener la paix en Centrafrique passe aussi par la relance économique, or la Centrafrique n’a aucun moyen financier. Malgré des efforts pour mobiliser des ressources domestiques, le pays vit sous perfusion des aides de la communauté internationale. Sans emploi, les jeunes sont donc tentés de rejoindre les rangs des rebelles, ex-Sélékas ou anti-balakas.
Existe-t-il tout de même des avancées positives dans le processus de paix engagé ?
Pour la première fois, le groupe international de contact sur la Centrafrique s’est réuni à Bangui, le 11 novembre. C’est un point important car jusqu’à présent toutes les négociations se sont déroulées à l’extérieure du pays, donnant ainsi la sensation aux Centrafricains de ne pas être impliqués dans leur avenir. Mgr Dieudonné Nzapalainga avec l’imam Oumar Kobine Layama et le révérend pasteur Nicolas Guerekoyame-Gbangou, ont insisté sur l’importance de la responsabilité des acteurs centrafricains dans le retour de la stabilité. Une nécessité que le Secours Catholique, avec d’autres associations, a rappelé dans une tribune publiée en mai dernier. Par ailleurs, un forum sur la réconciliation et la construction politique aura lieu en janvier et il abordera des thèmes tels que le dialogue, la vérité, la justice, la lutte contre l’impunité, la réconciliation mais aussi le processus de désarmement et les principes généraux de la nouvelle constitution.
Vos partenaires ont-ils des difficultés à réaliser leurs missions dans ce contexte d’insécurité ?
Hormis le braquage d’un camion rempli de matériel à destination des déplacés à Bambari, nos partenaires ne rencontrent pas vraiment de difficultés à poursuivre leurs activités. Même si Caritas est une organisation catholique, nos partenaires sont identifiés par la population comme étant neutre. Par ailleurs, la population commence à s’apercevoir que derrière les étiquettes des ex-sélékas et anti-balakas, il ne s’agit que de banditisme et non d’idéaux. Toutefois la fracture communautaire entre chrétiens et musulmans est tellement profonde en Centrafrique qu’elle ne pourra pas s’effacer facilement. Il y a un grand travail de réconciliation à mener.
Comment le Secours Catholique et ses partenaires aident-ils les Centrafricains ?
Nos priorités sont de répondre aux besoins d’urgence, d’encourager la sortie de crise avec des actions qui permettent la reprise des activités scolaires, agricoles et commerciales, être attentif aux enjeux de paix et de réconciliation, à la cohésion sociale. La majorité des projets de développement que nous menions en Centrafrique ont été réorientés vers une aide d’urgence dans les domaines de la santé, l’accès à l’eau, l’éducation et la relance agricole. Le Secours Catholique souhaite également mettre l’accent sur la formation à la paix et la citoyenneté. À Bangui, par exemple, avec ATD-Quart monde, nous travaillons avec des jeunes de toutes confessions sur l’apaisement. Nous avons également lancé un projet de gestion des traumatismes et de résilience car nous estimons qu’on ne peut pas reconstruire une société apaisée si les gens restent traumatisés. Par ailleurs, des sœurs seront envoyées en formation sur les techniques de gestion des traumatismes à Montréal avec l’Institut de formation humaine intégrale.