L’ONU a accordé à la Russie et à la Chine de nouvelles exemptions à l’embargo sur les armes imposé à Bangui qui devrait être renouvelé pour un an supplémentaire par le Conseil de sécurité.
Rédigé par la France, un projet de résolution exprime, en effet, pour la première fois, « l’intention » du Conseil de sécurité des Nations unies d’assouplir, d’ici au 30 septembre, l’embargo en vigueur depuis 2013, en fonction d’une évaluation des progrès réalisés en matière sécuritaire dans le pays.
À cette fin, des critères vont être établis et une évaluation demandée au secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, d’ici au 31 juillet.
Les autorités centrafricaines, qui réclament depuis longtemps la fin de l’embargo sur les armes pour mieux lutter contre les groupes armés qui contrôlent la majorité du pays, seront aussi mises à contribution pour un rapport à remettre d’ici au 30 juin sur les mêmes sujets, prévoit le projet de résolution.
Des « critères-clés clairs et bien identifiés » vont être définis d’ici au 30 avril sur la réforme du secteur de la sécurité, le désarmement, la démobilisation, le processus de réintégration et de rapatriement (des combattants), la gestion des armes et munitions. Ils « permettront au Conseil de sécurité de revoir l’embargo sur les armes » d’ici à fin septembre, précise le texte.
Le 28 janvier, environ trois mille Centrafricains, dont le Premier ministre, Mathieu Simplice Sarandji, avaient manifesté à Bangui pour exiger à nouveau la levée de l’embargo. « Le gouvernement respecte l’embargo alors que les groupes armés reçoivent des armes. Le peuple centrafricain ne peut pas comprendre cette loi de deux poids deux mesures », avait déclaré le Premier ministre.
Selon des diplomates, le projet de résolution devrait être adopté à l’unanimité, y compris avec le soutien de la Russie aux critiques virulentes à l’égard de la France en décembre, lors du renouvellement de la mission de Casques bleus (onze mille six cent cinquante militaires et deux mille quatre-vingts policiers).
Dénonçant alors une approche « orgueilleuse » de Paris dans la négociation, l’ambassadeur russe à l’ONU, Vassily Nebenzia, avait estimé que les pays africains indépendants étaient traités « comme des pré-carrés ».
Pour le renouvellement de l’embargo sur les armes, le ton a radicalement changé. « Nous pensons que c’est une bonne idée d’avoir un réexamen de l’embargo » en fin d’année, a déclaré Vassily Nebenzia.
« Une perspective est ouverte » pour la fin de l’embargo mais « sans engagement », relève un diplomate sous couvert d’anonymat.
Dans l’attente du réexamen, une nouvelle demande d’exemption de l’embargo faite par la Russie - de plus en plus impliquée dans l’ex-colonie française, en soutien au président Faustin-Archange Touadera -, concernant des pistolets, des kalachnikovs et des munitions, vient d’être acceptée par l’ONU. Cette demande d’exemption avait suscité des réserves des Etats-Unis, de la France et du Royaume-Uni. Mais Paris a levé ses objections le 25 janvier et Washington ainsi que Londres ont fait de même mercredi, selon des diplomates.
La Russie avait déjà obtenu de l’ONU, au cours des dernières années, des exemptions pour livrer des armes aux forces de sécurité centrafricaines, entourées de conditions sur leur stockage et leur traçabilité.
La France avait aussi bénéficié, l’an dernier, d’une exemption pour remettre des fusils d’assaut aux unités de l’armée formées par l’Union européenne. La France intervient à l’occasion en Centrafrique avec des avions de chasse venus du Tchad pour apporter un soutien aérien à la force de Casques bleus de l’ONU déployée dans le pays.
En 2018, la Chine avait également demandé une exemption pour livrer des armes, longtemps bloquée à l’ONU. Selon une source diplomatique, elle a finalement été accordée récemment après une reformulation de la demande chinoise, qui ne portait plus sur des armes létales et de l’armement anti-aérien, mais principalement sur des véhicules.
Depuis une semaine, des pourparlers de paix sont menés à Khartoum entre le gouvernement et des groupes armés contrôlant la plus grande partie de la Centrafrique. L’objectif de ce dialogue est de ramener la paix dans ce pays en proie aux violences depuis 2013.