La longue attente de la paix. L’espoir de voir surgir enfin la stabilité d’un pays en proie au chaos. La fin de la violation d’un territoire et de son morcèlement par des rebelles acharnés. L’impunité zéro ouvrant la voie au châtiment des criminels. Le retour des exilés, victimes des outrages subis par tous les déracinés. Cette liste à la Prévert ne trouve aucune réponse dans le texte final de l’accord de Khartoum.
La population centrafricaine semble être le dindon de cette mascarade cruelle des bords du Nil. Les bourreaux d’hier ont eu la part belle. Ils ont même obtenu la primature ! Ce qui implique la démission du Premier ministre Sarandji et de son gouvernement. Mais vont-ils se laisser éjecter ? Aux dernières nouvelles, Sarandji refuse de démissionner et fait légitimement de la résistance. Certaines dispositions erratiques de l’accord lui permettraient de ne pas obtempérer à la volonté des rebelles.
Mais comment le président Touadera va-t-il enjamber la Constitution pour satisfaire la gloutonnerie des séditieux ? Une rumeur indécente et incroyable circule à Bangui après la signature de l’accord de Khartoum : « le président Touadera pourrait utiliser son droit de grâce pour amnistier les criminels de guerre. »
C’est ainsi que les tueurs de Centrafricains resteraient impunis ?
Une telle décision serait lourde de conséquences. Aux yeux de ses compatriotes, le président Touadera passerait pour le complice des criminels.
UN PAYS CERNE PAR DES PRÉDATEURS
Des traquenards cruels ont été ourdis de l’étranger, avec le concours des élites du pays prédatrices de biens mal acquis. Des élites que la notion de patriotisme a quittées depuis bien longtemps. Des élites qui ont emmené leur pays à se livrer à une danse du ventre sur un fil tendu sur un volcan en éruption, tandis que d’obscures forces étrangères s’évertuaient à tirer profit de la situation.
L’épais secret qui entoure le contenu final des pourparlers de Khartoum et les déclarations alambiquées des autorités centrafricaines cachent mal leur malaise face aux Centrafricains. Comment envisager de gouverner avec ceux qui, hier encore, massacraient les populations, tuaient des prêtres, profanaient et incendiaient les églises, suppliciaient les chrétiens ? C’est insupportable. Il est à craindre que les gesticulations de Khartoum, abusivement appelées « pourparlers de paix » n’aient suscité que de faux espoirs.
Car, si les rebelles avaient voulu appuyer leur volonté de paix, ils auraient commencé par un désarmement général et se seraient mis sous la protection de l’ONU en attendant leur comparution devant la Cour Pénale Internationale (CPI).
Au lieu de quoi, ils ont gardé intacte leur énorme armada, alors que la Centrafrique continue de subir l’ignominieux embargo sur les armes imposé par l’ONU. Il ne faut pas perdre de vue que le Conseil de Sécurité est composé d’états puissants fabricants d’armes. Ces armes qui équipent les groupes rebelles.
C’est sur le peuple qui l’a porté au pouvoir par les urnes que le président Touadera doit s’appuyer. La paix et la réconciliation nationale ne viendront que des Centrafricains eux-mêmes.
LE DILEMME DES MERCENAIRES ÉTRANGERS
Les factions de l’ex-Séléka constituent un assemblage hétéroclite de soldats perdus, dont beaucoup de mercenaires. Soldats de fortune, ils sont, pour la plupart, recherchés dans leur pays d’origine pour différents délits. Comme ils l’ont fait avec le président François Bozizé, ces mercenaires vont exiger d’être rétribués avec un passeport centrafricain. A Khartoum, les chefs de guerre, en plus de leur impunité et de l’amnistie dont ils pourraient bénéficier, se sont aussi préoccupés de l’avenir de leurs mercenaires. Ils ont donc demandé à ce que ceux-ci puissent obtenir la nationalité centrafricaine et leur intégration dans l’armée.
D’où l’idée de mettre sur pied des unités spéciales mixtes, composées de membres de forces de défense et de sécurité, en majorité des mercenaires, qui seraient ainsi innocentés et protégés.
Mais, en procédant ainsi, le président Touadera deviendrait, comme nous l’avons déjà dit, complice de fugitifs criminels de guerre, lestés de mandats d’arrêt de l’ONU pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. C’est inconcevable ! Leurs milliers de victimes se retourneraient dans leurs tombes d’indignation et de colère.
Les Centrafricains refusent donc que les tueurs bénéficient d’une indécente impunité et partagent le pouvoir avec les autorités légitimes. Sûrs de leur force militaire, n’auraient-ils pas l’ambition de s’emparer de tout le pouvoir à Bangui et devenir ainsi les califes du pays tout entier ?
Les Centrafricains ne l’accepteront jamais.
La Nation centrafricaine est une République.
Elle est et sera toujours, selon sa Constitution, « une République démocratique, laïque, sociale et indivisible. »