Parfait Onanga-Anyanga, Représentant spécial du Secrétaire général pour la République centrafricaine, vient de quitter ses fonctions le 28 février 2019. Lors d’un entretien avec ONU Info, il revient sur les trois ans et demi qu’il a passé à la tête de la Mission des Nations Unies en République centrafricaine, la MINUSCA, et sur le rôle crucial des Nations Unies qui ont évité au pays de sombrer dans le chaos.
Le 6 février 2019, un accord de paix a été signé dans la capitale centrafricaine Bangui par le gouvernement et 14 groupes armés après dix jours de pourparlers à Khartoum, au Soudan, sous l’égide de l’Union africaine et avec l’appui des Nations Unies.
Pendant ces pourparlers, le rôle des Nations Unies a été « un rôle discret mais un rôle important, aux côtés de l’Union africaine », explique Parfait Onanga-Anyanga. « Cet accord n’aurait pas été possible sans l’appui technique et l’expertise onusienne ».
Désormais, la mise en œuvre de cet accord est cruciale. Dans cette phase « très délicate », l’ONU va avoir « un rôle encore plus important ». Parfait Onanga-Anyanga rappelle que l’ONU dispose non seulement de l’expertise politique mais aussi de forces de police et militaires qui joueront un rôle important dans la vérification du respect de la cessation des hostilités.
Dans ce contexte, il attend des Etats membres qu’ils soient présents et soutiennent cet accord politique. Il rappelle que l’accord bénéficie de l’appui de l’Union africaine, de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), mais aussi des pays de la sous-région - le Tchad, le Cameroun, le Soudan, le Congo - et de l’accompagnement de facilitateurs tels que les Nations Unies et de partenaires comme l’Union européenne, qui joue un rôle clé dans la formation des forces de défense centrafricaines.
Beaucoup de choses à faire après la signature de l’accord de paix
« Il y a encore énormément de choses à faire », estime le responsable onusien, qui se félicite du véritable « engouement de la société centrafricaine » à saisir cette opportunité.
Parfait Onanga-Anyanaga a pris la tête de la MINUSCA en août 2015, en remplacement du général Babacar Gaye.
Interrogé sur les moments les plus difficiles qu’il a rencontrés pendant ces trois ans et demi en République centrafricaine, il se souvient de ce moment de crise, environ un mois après avoir pris son poste. « Je m’étais rendu à New York avec la Présidente de la transition de l’époque Mme Catherine Samba-Panza. On n’était ici que depuis deux, trois jours. Il a fallu repartir aussitôt à Bangui parce qu’il y avait des violences inacceptables qui ont coûté la vie à beaucoup de personnes », dit-il. « Il a fallu repartir dans une ville qui était véritablement à feu et à sang. Et petit à petit nous avons pu, ensemble, surmonter cette épreuve ».
Il se souvient aussi du référendum constitutionnel organisé en décembre 2015 pour clore la période de transition consécutive à la guerre civile.
« Il était absolument fascinant de voir que des Centrafricains s’étaient mobilisés pour aller voter, pour choisir un retour à l’ordre constitutionnel », raconte-t-il. « J’étais vraiment ému de voir ces longues colonnes de Centrafricains qui étaient prêts à aller voter sous les balles et de voir mes collègues de la MINUSCA, force et police, accompagner ce mouvement ».
Il se souvient aussi de la visite du Pape François en novembre 2015, alors que le pays était encore dans une grande instabilité. « Le Pape a fait le pari d’aller en Centrafrique et il a compté sur la MINUSCA pour assurer sa sécurité », souligne-t-il. « C’était un moment inoubliable et qui nous a permis de surfer pendant près de six mois, une sorte d’onction de paix qui planait sur la Centrafrique, qui nous a permis d’aller ensemble dans l’organisation de scrutins des élections générales ».
Interrogé sur ce dont il est le plus fier, le responsable onusien estime que la MINUSCA a évité au pays le chaos et que sans elle, « on ne parlerait plus de la Centrafrique dans sa configuration actuelle ».
Politique de tolérance zéro en matière d’abus sexuels
En 2015 et en 2016, la Mission onusienne a été secouée par une série de cas d’abus et d’exploitation sexuelle par ses Casques bleus. Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a mis en place une politique de tolérance zéro en la matière pour l’ensemble des opérations de paix.
Interrogé sur le bilan qu’il tire des efforts de la MINUSCA pour mettre en œuvre cette politique, Parfait Onanga-Anyanga estime que la Mission a aujourd’hui tourné la page.
« Nous avons fait de la transparence dans la prise en charge de cette question notre cheval de bataille. Nous avons été absolument fermes. Et nous avons en toute honnêteté reconnu les faiblesses qui étaient celles de la minorité de nos troupes qui s’adonnaient à ces pratiques absolument honteuses et inacceptables », dit-il.
« Aujourd’hui, il n’y a plus en notre sein un seul contingent, un seul commandant de contingent ou d’éléments de troupes qui prétendrait ne pas être au courant de la politique de tolérance zéro du Secrétaire général des Nations Unies. Et donc cela est une grande victoire », souligne-t-il. « Nous avons dit de façon très claire qu’à la MINUSCA, nous n’allons jamais compromettre les valeurs des Nations Unies pour protéger des soldats de quelque nationalité que ce soit qui s’adonneraient à ce type de pratiques ».
Il reconnaît qu’il y a encore des cas signalés malgré le dispositif mis en place mais souligne que des conversations ont été engagées avec les pays contributeurs de troupes sur cette question.
« Il ne s’agit pas de montrer du doigt tel ou tel pays. Il ne s’agit pas de généraliser mais il s’agit en tout cas d’avoir une conversation la plus honnête possible et c’est ce que nous faisons avec tous les pays qui mettent à notre disposition ces troupes pour qu’elles comprennent que nous ne pouvons pas en tant que Nations Unies recevoir des troupes qui sont déployées sur un terrain de souffrance et qui exposeraient non seulement la réputation de l’Organisation des Nations Unies mais celle de leur propre pays », dit-il.
A la MINUSCA, une fonctionnaire a été détachée pour s’occuper de la situation des victimes des abus sexuels.
« Désormais il est clair que le Secrétaire général peut mettre ces pays devant leurs responsabilités », souligne-t-il, citant des cas à la MINUSCA où le Secrétaire général a pris la décision de renvoyer des contingents entiers parce que le comportement de leurs personnels ne respectait pas les principes requis.
Parfait Onanga-Anyanga rappelle qu’il s’agit d’un travail incessant car les troupes déployées restent six mois, un an, pour la majorité d’entre elles. « Nous mettons l’accent désormais sur l’importance de la formation des troupes avant leur déploiement, leur formation lorsqu’elles sont déployées et le suivi de notre part », souligne-t-il. Des numéros verts ont également été mis à la disposition des populations pour qu’elles signalent les comportements qui seraient inacceptables de la part des Casques bleus.