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Centrafrique : Que devient une constitution délibérément violée par son propre garant ?

Publié le samedi 30 mars 2019  |  Corbeau News Centrafrique
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© Autre presse par MINUSCA
Les Présidents de la RCA, du Soudan et de la Commission de l`Union africaine et 14 groupes armés ont paraphé l`accord de paix et de réconciliation centrafricaine à Khartoum au Soudan le 5 février 2019.
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Au lendemain du recadrage de l’Union Africaine à Adis Abeba concernant le caractère non inclusif du gouvernement né des accords de Khartoum, des décrets en cascade portant nomination des seigneurs de guerre à de haute fonction de l’Etat furent signés par le Président de la république et son chef du gouvernement.

Ces différents décrets font la promotion des bourreaux du peuple qui, bénéficiant néanmoins de la présomption d’innocence sont sous sanctions de l’ONU mais sont concernés par les procédures devant la cour pénale spéciale de Bangui et la cour pénale internationale. Ces décrets pris en violation flagrante des dispositions constitutionnelles ne sont pas politiquement élégants et reposent la problématique de la hiérarchie des normes et plus singulièrement de la protection de la loi fondamentale.

En effet, la constitution centrafricaine du 30 mars 2016 confie à la cour constitutionnelle la célèbre mission de contrôle de constitutionnalité c’est à dire de veiller à ce que les normes législatives et réglementaires soient conformes aux normes constitutionnelles qui regroupent ce que la doctrine appelle techniquement le « bloc de constitutionnalité ». En nommant ces criminels de guerre, le Président de la république a violé délibérément la constitution et son serment.

Ainsi, le crime de haute trahison prévue par l’article 124 de la constitution est constitué.

En effet, l’alinéa 1 de l’article 28 de la constitution dispose :

« l’usurpation de la souveraineté par coup d’état, rébellion, mutinerie ou tout autre procédé non démocratique constitue un crime imprescriptible contre le peuple centrafricain… ».

L’alinéa 2 poursuit et dispose que :

« toute personne physique ou morale qui organise des actions de soutien, diffuse ou fait diffuser des déclarations pour soutenir un coup d’état, une rébellion ou une tentative de prise de pouvoir par mutinerie ou par tout autre moyen est considéré comme co-auteur ».

L’alinéa 3 de l’article 28 évoque la sentence et dispose que :

« les auteurs, co-auteurs et complices des actes visés aux alinéas 1 et 2 sont interdits d’exercer toute fonction publique dans les institutions de l’Etat ».

Cette difficile cohabitation avec les chefs de guerre irrite les victimes et laisse le citoyen lambda perplexe, dubitatif et interrogatif :

L’application des accords de Khartoum donne t-elle un mandat de transgresser la loi fondamentale et de faire la promotion de l’impunité ? Ces séries de décrets portant nomination des bourreaux du peuple aux hautes fonctions de l’Etat ne sont-elles pas constitutives de crimes de haute trahison ? Le Président de la république ne peut-il pas être poursuivi pour intelligence avec l’ennemi pour l’enrôlement des mercenaires ? Ces différents décrets qui restaurent les sombres souvenirs de la nation enlèvent-ils le caractère imprescriptible des crimes commis par les seigneurs de guerre ? Pour quelle raison légitime le Président remet sur sellette des criminels vomis par le peuple ? A l’horizon, que deviendra la cour pénale spéciale de Bangui qui incarne l’espoir d’une justice pour le peuple ? Si le pouvoir de Bangui n’est ébranlé qu’à l’étape de la mise en place d’un gouvernement inclusif, qu’en sera t-il de son fonctionnement et surtout de l’application intégrale des accords de Khartoum ? Sur quelle base juridique, le Président de la république a confié la mission de protection de son peuple de province aux groupes armés alors qu’il avait prêté serment d’observer scrupuleusement la constitution ? Que restera t-il du territoire national dès lors qu’en plus des 80% occupés, les groupes armés infiltrent légalement et loyalement les 20% restant sous l’autorité de l’Etat ?

Par ailleurs, n’y aura t-il pas de risque de prise d’otage synonyme de coup d’état à la primature ou à la présidence de la république ?

Pour assouvir la démagogie devenue virale, allons-nous encore accuser l’ancienne puissance coloniale de complot en cas d’une nouvelle spirale de violence ?

En outre, il est important de souligner qu’à la lecture des différents décrets qui légitiment la meurtrière rébellion, on a l’impression d’être dans une république islamique contrairement à la notion de laïcité prônée par le préambule de la constitution.

Par ailleurs, il urge de rappeler que selon les dispositions de l’article 95 de la constitution qui place la loi fondamentale au sommet de la pyramide de l’ordonnancement juridique, cette dernière mérite une protection spéciale pour équilibrer le maillage juridique. Ainsi, s’agissant de la protection politique, l’alinéa 3 de l’article 33 de la constitution donne plein pouvoir au Président de la république en ces termes : « le Président de la république veille au respect de la constitution… ». Le paradoxe à travers cette avalanche de décrets est que le bourreau de la loi fondamentale est son propre garant. Dans la même logique d’idée et selon les dispositions de l’alinéa 1 de l’article 98 de la constitution, toute personne c’est à dire le citoyen lambda peut exercer son droit de résistance à la violation inacceptable et aux atteintes injustifiées pour activer l’application de l’alinéa 2 de l’article 106 de la constitution. Enfin, la protection juridictionnelle de la constitution qui se matérialise par le contrôle de constitutionnalité suite à une auto-saisine de la cour constitutionnelle. Ainsi, en cas de non conformité à la constitution, les décrets incriminés sont censurés. Selon les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 106 de la constitution, les textes inconstitutionnels sont nuls et de nuls effets. Dans le cas de l’espèce c’est à dire si les textes sont déjà en vigueur, ils sont retirés de de l’ordonnancement juridique pour conserver un équilibre jurisprudentiel. Contrairement aux autres juridictions, et selon les termes de l’alinéa 1 de l’article 106 de la constitution, la décision de la cour constitutionnelle jouit d’une autorité absolue de la chose jugée c’est à dire qu’elle ne peut souffrir d’aucun recours. Dès lors la décision de la cour constitutionnelle est imposable à tous et les décrets apocalyptiques incriminés disparaissent définitivement de l’ordonnancement juridique. S’agissant de la morale, il est évident que s’inscrire dans la logique de la paix et de la réconciliation nationale n’est pas synonyme du bradage de nos valeurs morales où les victimes doivent à travers leurs impôts entretenir leurs bourreaux. L’autre morale qui émane d’un professeur d’université est l’institutionnalisation des armes comme moyen de réussite au détriment des études et diplômes. Pour finir, nous estimons que le peuple souverain , l’assemblée nationale et les autres institutions républicaines prendront leurs responsabilités pour défendre ce reste de sa constitution. Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.

Paris le 29 mars 2019
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