Bangui – Du 5 au 6 décembre 2014, a eu lieu à Ngoukomba, Pk 26 sur l’axe Darmara, le traditionnel pèlerinage de l’église catholique. Le contexte sécuritaire a failli, comme en 2013, boycotter ce rendez-vous ; mais l’espérance de la foi l’a emporté sur la peur d’attaques des groupes armés toujours incontrôlés dans le pays en général et sur le tronçon Bangui-Damara en particulier. L’Archevêque de Bangui, Mgr Dieudonné NZapalainga a dit la messe de bénédiction finale, alors le Premier ministre Mahamat Kamoun et quelques membres de son gouvernement et l’Imam Kobine Layama Président de la Communauté islamique de Centrafrique, ainsi que bien d’autres personnalités ont rehaussé de leur présence l’événement.
L’insécurité généralisée en Centrafrique n’a pas empêché les milliers de centrafricains, chrétiens catholiques en première ligne, mais aussi chrétiens des différentes églises protestantes, des animistes, etc. qui ont pris d’assaut le Sanctuaire marial de Ngoukomba les vendredi et samedi derniers pour ce pèlerinage. Quelques dispositions sécuritaires prises par la Minusca avec des blindés, des véhicules 4X4 à leurs bords des troupes n’ont fait que galvaniser ces pèlerins en ce qui concerne leur sécurité. Si l’afflux des populations a commencé depuis vendredi matin, voire jeudi soir pour certains, c’est finalement le soir du vendredi que les choses sérieuses ont commencé avec l’ouverture de la prière en présence de Mgr Dieudonné Nzapalainga qui s’est ensuite retiré pour ne revenir le lendemain samedi pour la prière finale.
Entretemps, toute la nuit du vendredi où la prière a été au top niveau, deux importants enseignements bibliques ont été donnés et respectivement animés le Père Patrick Mbea et l’Abbé Dieu-Béni Yassigao. Les questions de la paix, de la tolérance, du pardon et de l’amour ont dominé les sous-thèmes développés par ces prêtres. Le tout enveloppé dans une ambiance de louange et d’adoration tenue par les Pères Marque Belikass et Iréné Poutabalé jusqu’au petit matin.
Le grand message de Nzapalainga
Le grand jour, notamment le samedi a été marqué par la grande messe de bénédiction finale dite par l’Archevêque de Bangui, Mgr Dieudonné Nzapalainga. Le clou de son message s’est résumé dans la question que Dieu a posée à Adam et Eve après leur désobéissance – question tirée du Livre de Genèse au chapitre 3, les versets 9 à 15 puis 20 : « Adam, où es-tu ? » De cette question, l’Archevêque a développé que les bourreaux et les victimes de la crise centrafricaine sont aujourd’hui égarés et errent dans la nature ou se cachent pour se dévier de leurs actes ou de leur responsabilité. Et, à en croire Nzapalainga, c’est à ceux-là que Dieu a posé la question. « Toi qui te cache derrière le péché et la honte qui te dévorent, où es-tu ? Le Seigneur te regarde ; Toi jeune qu’on a armé, drogué, envoyé pour voler, tuer, brûler les villages, où es-tu ? Sort de là où tu es, dépose ton arme, reprend le chemin des études pour te construire et participer au développement de la Centrafrique ; Toi, chef de milice qui manipule, t’enrichit sur le dos des pauvres en semant la peur, la mort et la désolation, où es-tu ? Sort des milices, vient faire acte de contrition pour te réconcilier avec ta communauté, afin de retrouver la paix du cœur et de l’âme ; Toi, mère ou sœur qui entretien le feu de la confrontation armée par tes mensonges et tes incitations à la haine et à la division, où es-tu ? Sort de ta colère, de ton désir de vengeance pour dire désormais, un mot de paix, de pardon et de réconciliation ; Toi, le politicien qui te cache derrière le prétexte d’une crise prétendue religieuse pour assouvir ton désir de vengeance personnelle et conquérir le pouvoir par la violence, où es-tu ? Sort de là, revoie ton projet politique et ton engagement pour un mieux-être de ce peuple ; Toi, le fournisseur des armes qui te cache derrière les groupes armés pour te positionner et avoir les parts de marchés, où es-tu ? Le Seigneur vient te chercher, comme Adam et Eve pour t’aider à vivre en harmonie avec les hommes, à grandir en humanité. » a déclaré l’Archevêque dans son homélie.
Ngoukomba 2014, un véritable soulagement pour le pèlerins
L’intervention de l’Archevêque qui correspond à s’y méprendre à un message individuel adressé à tous les acteurs de la crise centrafricaine a été à la hauteur des attentes des milliers de gens qui se sont rassemblée sous la grotte de Marie à Ngoukomba. En témoignent les interminables séquences d’applaudissements qui entrecoupaient l’homélie de Nzapalainga.
« Nous sommes venus ici, chercher la grâce de Dieu » a confié Roger Bendo un pèlerin croisé sur le site qui s’est réjoui du courage dont fait montre les pèlerins de cette année. « C’est vrai que nous avons été inquiets au départ pour venir ici. Les Anti-balaka sont tout le long de la voie qui mène ici, et aussi nous craignons que des Séléka viennent commettre des dégâts. Mais, par la grâce de Dieu, tout s’est bien passé. Nous avons prié dans la tranquillité notre Dieu sur le sort de notre pays pour que la paix revienne en RCA. » a ajouté Ochrist Benga.
Somme toute, au-delà d’une simple réussite de ce grand événement qui dépasse le plus souvent le cadre de l’église catholique de Bangui où prennent part musulmans, animistes, baptistes, etc. c’était un pari gagné de la foi chrétienne. Puisque jusqu’à zéro heure-près, d’aucuns ne croyaient en l’effectivité de la tenue du pèlerinage de cette année du fait de la persistance de l’insécurité, d’abord au niveau de Bangui et plus grave encore sur un site isolé à quelques 26 km de la capitale.
Bangui / Fred Krock / Corbeau News Centrafrique