Bangui (République centrafricaine) – Après la répression sanglante et musclée des meetings non autorisés du « Front Uni pour la Défense de la Démocratie », le gouvernement s’est sérieusement inquiété des images renvoyées auprès de la communauté internationale et de possibles répercussions que cette farouche confrontation peut engendrer sur les dossiers en cours devant les instances internationales plus particulièrement le comité de sanctions de l’ONU qui va bientôt statué sur la probable levée de l’embargo sur les armes.
Il faut rappeler que les représentations diplomatiques accréditées en Centrafrique scrutent tous les processus paix en cours et rendent fidèlement compte à leurs pays respectifs. Les observateurs avertis de la vie politique centrafricaine ont unanimement affirmé que la lutte pour défendre la démocratie a porté ses fruits car le gouvernement a enfin accordé contre toute attente une audience à la plateforme.
Le principe du dialogue avec le premier ministre fût contraire aux visions politiques de l’éternel opposant qui a décidé de retirer l’adhésion de son parti politique de la plateforme sans jeter l’opprobre sur le front uni. Au delà des propos liminaires du premier ministre rappelant les valeurs fondamentales de la république et de la démocratie, le front uni « E zingo biani » a publié un communiqué sur ses revendications qualifiées de « non négociables » en ces termes : D’abord l’annulation pure et simple des décrets portant nomination des mercenaires et rebelles étrangers, ayant le sang des centrafricains sur les mains au gouvernement et à de très hautes fonctions publiques, administratives et militaires…
Enfin, l’arrestation sans délai des seigneurs de guerre qui continuent d’ensanglanter la Centrafrique après la signature de l’accord de Khartoum.
Par ailleurs, le front maintient sa base en alerte maximale pour des éventuelles mobilisations en cas d’insatisfaction de leurs revendications. Ce défi du siècle qui ne dit pas son nom permettra d’une part de jauger la capacité du gouvernement à juguler la crise et d’autre part il permet de mesurer jusqu’où le front peut mener le combat de la libération du peuple centrafricain.
Il est aussi important de rappeler qu’à l’instar de ses prédécesseurs comme le FARE et autres, le front uni « E zingo biani » est exposé à des tentatives de corruption de la part du pouvoir en vue de disloquer le front et résister devant ces tentations relèverait de l’exploit.
En attendant l’issue de la rencontre avec le gouvernement, le curieux citoyen lambda s’interroge :
Le défi imposé par le front au gouvernement a t-il les chances d’aboutir au résultat escompté ? La recevabilité des revendications de la plateforme entraîne t-elle systématiquement la dénonciation de l’accord de Khartoum ? Quels sont les scénarios plausibles si le gouvernement oppose une fin de non recevoir aux revendications du front déclarées non négociables ? Le reniement du gouvernement n’impacte t-il pas le fondement juridique de ce gouvernement dit inclusif ? La fissure occasionnée par le retrait légitime et sans polémiques d’un des leaders politiques ne fragilise t-elle pas les ardeurs et les velléités extrémistes du front « É zingo biani » ?
Le cours de l’histoire donnerait-il raison au leader politique qui a quitté la plateforme sans lui jeter l’opprobre en refusant le principe de négociations avec le pouvoir ?
En tout état de cause, réparer la violation des articles 28 et 29 de la constitution en rapportant ou en abrogeant les décrets de nomination et en poursuivant les chefs de guerre devant les tribunaux s’avèrera difficile voire impossible car cela s’assimilerait à un retour à la case départ.
A contrario, le pouvoir devrait afficher leur fermeté dès le début des différents processus car les expériences à travers d’autres crises du continent ont confirmé qu’on ne négocie pas avec les terroristes mais on les combat par tous les moyens disponibles. Le pouvoir centrafricain est la seule entité au monde à croire qu’en pactisant avec les groupes armés, le couloir pour une éventuelle réélection sera sécurisé.
En attendant la réponse optionnelle du gouvernement et pour éviter d’anticiper sur l’issue, deux scénarios sont plausibles c’est à dire que le rejet des revendications amplifiera la crise avec des conséquences incalculables sur le processus électoral tandis qu’en cas d’acceptation des revendications, les engagements conventionnels nés de l’accord de Khartoum seront nuls de nullité absolue.
Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.