A L’OCCASION DU 13 AOÛT 2019
Centrafricaines, Centrafricains,
Mes chers compatriotes,
Il y a 59 ans, un 13 août, la République centrafricaine accédait à l’indépendance.
En ce jour anniversaire, nous devons nous interroger sur le rôle de l’Etat afin de savoir si l’exercice de la souveraineté a concouru au développement du pays et au bien-être du peuple.
Voici un court bilan chiffré :
Le taux de mortalité infantile, qui est de 139 pour 1.000 naissances vivantes, et le taux de mortalité maternelle qui est de 880 décès pour 100.000 naissances vivantes, sont parmi les plus élevés au monde. (Ministère de la santé, 2018). Selon l’UNICEF, 92% des enfants meurent avant l’âge de 5 ans.
L’Index Mundi nous révèle que le taux d’alphabétisation total de la population est de 36,8% (2017).
L’accès aux soins médicaux ainsi qu’aux infrastructures d’eau et d’assainissement est impossible pour bon nombre de personnes, avec des conséquences dramatiques: 2,9 millions d’individus ont besoin d’une aide humanitaire et 1,8 millions sont touchées par l’insécurité alimentaire.
La RCA est au dernier rang du classement mondial du développement humain (IDH). Elle fait partie des pays ayant les indices d’espérance de vie les plus faibles du monde : en-dessous de 50 ans.
Le taux de pauvreté en RCA est l’un des plus élevés du continent : plus des deux tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté.
La corruption a atteint une telle ampleur que les institutions sont désormais amenées à avouer leur incompétence ou leur incurie, à l’exemple de la Haute autorité chargée de la bonne gouvernance (HACBG).
Cinq ans après l’arrivée de la Séléka, c’est l’effondrement total. Plus le temps passe plus le pays périclite. Les crimes d’Etat se multiplient. Quelles sont les causes de ce désastre?
Il a été établi que la mauvaise gouvernance, l’insécurité et le manque d’opportunités économiques associés au récent conflit constituaient les trois principales causes de la pauvreté en RCA.
Nous, Centrafricains, nous nous sommes distingués par des pouvoirs despotiques et schizophrènes, des gouvernances successives marquées par la cupidité et le mépris du droit, et par un repli sur le clan familial, avec le concours de quelques affidés étrangers. Tous les présidents de la République, durant les trois dernières décennies, ont contribué au développement de l’anarchie dans le pays, anarchie qui a désormais atteint son paroxysme. Ils ont pratiqué le népotisme et le clientélisme au-delà de l’extrême. La faiblesse de la RCA vient de son sommet, de ses dirigeants.
La situation continue à se dégrader malgré la présence très importante de la communauté internationale à nos côtés, car le retour à la paix concerne d’abord le gouvernement centrafricain. Les partenaires internationaux ne sont là que pour appuyer ses efforts. Une mission internationale ne peut être qu’un accompagnement pour un processus politique qui fonctionne.
Chers compatriotes,
En ce jour anniversaire de notre indépendance, nous devons admettre que Faustin Archange Touadera et son gouvernement ont lamentablement échoué.
Comment briser le cycle infernal dans lequel notre pays est entraîné depuis quelques décennies ?
En Centrafrique, ce n’est pas un changement de personne qu’il faut. C’est un changement de système. La République centrafricaine est devenue de fait un État mafieux.Le rôle de l’Etat a donc été dévoyé, c’est à cela que nous devons apporter des solutions, car seul le rétablissement d’un Etat de droit et la fin de l’impunité permettront l’arrêt des violences. Notre pays a besoin de mettre en œuvre un ensemble de réformes de structure pour se reconstruite sur de nouvelles bases. Pour cela nous devrons prendre en compte de nouveaux paradigmes tels que la nature transfrontalière de la crise, qui nous oblige à envisager une autre approche plus globale.
Sur le plan politique : pour engager un véritable processus de développement durable, nous devrons remettre totalement en cause ce qui nous a été appliqué depuis cinquante ans. La reconstruction d’un nouvel Etat demande une reconsidération totale d’un bon nombre de schémas établis qui ne nous ont menés nul part. Je vous en donne un exemple : nous envisageons d’autonomiser les différentes régions du territoire national. Ces régions bénéficieraient de compétences propres. Cette nouvelle organisation de l’Etat aura une structure horizontale et inversera la source du pouvoir et de la légitimité. Ce pouvoir ne viendra plus du sommet de l’Etat, mais du niveau local, des territoires.
Sur le plan économique : nous avons besoin d’une stratégie économique forte au sein d’un Etat-stratège solide qui sera en mesure d’élaborer des solutions inédites.
En matière de défense : nous allons nouer des alliances avec des Etats, et non des groupes militaires privés de quelque bord qu’ils soient. Nos objectifs à atteindre : des forces de l’ordre en quantité et qualité qui rétabliront l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue du territoire.
En matière de gouvernance : la définitions des compétences requises pour chaque portefeuille ministériel deviendra incontournable. L’efficacité de toutes les actions que nous mènerons dépendra de la qualité des membres de l’équipe gouvernementale. Une équipe gouvernementale compétente et redynamisée apaisera les tensions politiques. L’intégrité morale des membres d’un bon gouvernement fera renaître la confiance de la communauté internationale et des bailleurs de fonds.
Ces critères de qualité seront appliqués dans l’Administration et dans toutes les instances de gestion de l’Etat.
Vous n’avez là qu’un petit aperçu des réformes en profondeur dont notre pays a besoin. Désormais je m’adresserai régulièrement à vous afin que nous convergions ensemble vers le renouveau.
Ca vous semble être un travail de longue haleine ? Je vous répondrai que toutes les novations que nous entreprendrons devront s’appuyer sur les progrès permanents des technologies de l’information (NTIC). La révolution numérique nous permettra de résoudre tous ces problèmes qui jusque là nous semblaient insolubles en Centrafrique, et d’améliorer la gestion des affaires publiques.
Centrafricaines, Centrafricains,
Chers compatriotes,
Le 13 août 2019, date du 59 ème anniversaire de l’indépendance de la
République centrafricaine, devra marquer un tournant. Ca commence dès maintenant et ça transcende la fausse démocratie que représentent les échéances électorales. N’oubliez pas la mascarade des élections de 2011, puis celle de 2015.
Aujourd’hui,tous sont sur la ligne de départ des futures élections générales, prévues fin décembre 2020, sans se préoccuper de ce que sera la République centrafricaine dans un an. Il ne leur vient pas à l’esprit qu’ils pourraient hériter de la dépouille d’un pays en lambeaux, et dont l’avenir est désormais hypothéqué. Cette absence de vision prospective va permettre, comme par le passé, la multiplication des candidatures fantaisistes et éphémères. Nous serions mieux avisés de constituer des alliances politiques, sur la base d’un projet de société et d’un programme de gouvernement, susceptibles de rassembler la majorité du peuple centrafricain.
Comme je l’ai dit plus haut, ce projet ne pourra pas être mis en œuvre sans le peuple. Un peuple responsable qui saura se prémunir des imposteurs et autres tares. Souvenez-vous de ce mot de George Orwell:
« Un peuple qui élit des corrompus, des renégats, des imposteurs, des voleurs et des traîtres n’est pas victime ! »
Ensemble, nous bâtirons un pays prospère, libre, au sein duquel vivra un peuple à l’esprit sain dans un corps sain.