La dénonciation de la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo par la République centrafricaine met en évidence l’influence russe qui s’exerce sur la nouvelle ministre de affaires étrangères, Sylvie Baïpo-Témon
En République centrafricaine, à peu près tout peut se vendre à l’encan, comme notamment les permis miniers. Tout peut aussi s’acheter moyennant une rétribution, les passeports diplomatiques par exemple, voire les titres d’ambassadeur.
C’est dans ce contexte de corruption généralisée, qu’une nouvelle affaire vient éclabousser la ministre des affaires étrangères, Sylvie Baïpo-Témon, et rappeler les pratiques récurrentes dans ce pays sans véritable État.
Une ministre faire-valoir
Madame Sylvie Baïpo-Témon a été nommée, à la surprise générale le 14 décembre 2018, par le Premier ministre Firmin Ngrebada, dans la perspective de la négociation de Khartoum avec les principaux groupes rebelles qui s’est tenue début 2019. Cette cadre, spécialisée en économie-finances et en audit à la BNP de Paris, proche du Premier ministre, a joué pleinement son rôle de faire-valoir. La ministre s’est vite mise au diapason du système centrafricain et du nouveau partenariat avec la Russie.
Indépendant depuis 2008, le Kosovo avait fait l’objet d’une reconnaissance formelle par le gouvernement du Premier ministre Faustin-Archange Touadera, en 2009. La lettre de dénonciation de cette reconnaissance a été signée par Madame Sylvie Baïpo-Témon, en date du 24 juillet 2019. Selon le ministre des affaires étrangères serbe, Ivica Ducic, elle aurait pris la forme diplomatique d’une Note verbale, dûment présentée à la TV.
Cette décision interpelle. L’ancien ministre des affaires étrangères centrafricain, Charles-Armel Doubane, aujourd hui dans l’opposition, regrette cette décision qui va indisposer le camp occidental favorable à l’indépendance du Kosovo et évoque les tentatives serbes qu’il avait subies lorsqu’il était aux affaires. En revanche, il va de soi que les Russes doivent se féliciter de cette décision peu en rapport avec les problèmes centrafricains. Le site centrafricain Corbeaunews évoque une initiative personnelle de Sylvie Baïpo-Témon.
La Serbie à la manoeuvre
Il est important pour la Serbie que le Kosovo ne soit pas admis dans les organisations internationales et à l’ONU où ce pays a d’ailleurs peu de chance d’y être admis avec les vetos de la Chine et de la Russie. Avec le retrait de la République centrafricaine, le Kosovo n’est plus reconnu que par 104 États, alors qu’il faut un quota de 96 États pour participer à des organisations internationales. La Serbie met tous les moyens pour arriver à cette exclusion du Kosovo. Le site Corbeaunews cite les démarches serbes entreprises, à Paris, auprès de Sylvie Baïpo-Témon et évoque des « encouragements financiers » conséquents pour l’écriture de cette lettre qui n’aurait rien de diplomatique. Vrai ou faux ? Cette décision est-elle un document apocryphe ? La procédure diplomatique habituelle incluant l’exécutif, les services du ministère des affaires étrangères, le conseil des ministres, le législatif a t-elle-été respectée ?
Le Premier ministre aura probablement l’occasion de clarifier cette situation et de confirmer la totale confiance en sa protégée. Il faudra attendre les réactions des Etats-Unis d’Amérique, du Royaume-Uni, de la France, de l’Allemagne et de l’Italie qui ont, mi-août, demandé conjointement à Belgrade de cesser immédiatement le lobbying, dans plusieurs pays, pour qu’ils dénoncent la reconnaissance du Kosovo qu’ils avait faite. Nul doute que ces États vont attendre les explications de Firmin Ngrebada.