De là s’en est suivi un catalogue de recommandations à réaliser durant le Forum de Brazzaville censément être consacré à la paix et à la réconciliation en Centrafrique.
Mais entre juin et le 21 juillet, date de l’ouverture de ce Forum, la feuille de route fut tout simplement vidée de sa substance, après les refus et tergiversations des uns et des autres futurs participants.
La feuille de route proposant entre autre de débattre à Brazzaville de la transition politique et de la réconciliation nationale, ceci passa “ad Patres”.
Ainsi, au bout de 3 jours de tragi-comique dans la capitale congolaise, assista-t’on au pompeux défilé en “vedettes américaines” de tous les chefs rebelles ayant plongé le pays dans un chaos abyssal.
Si la justice existait en Centrafrique, la Police aurait fait là un bien joli coup de filet.
Brazzaville fut une mascarade, une farce tropicale, accouchant du plus étrange accord de cessez-le-feu jamais vu, un document vide, n’imposant ni ne contraignant aucun des signataires. Seule leur bonne foi était sollicitée.
Les promesses n’engageant que ceux qui y croient, aussi, à peine rentrés au pays, ne se gênèrent-ils pas pour torpiller le pseudo-accord, le violer, le dénoncer…
Néanmoins, on se mit d’accord pour donner consistance à l’inconsistant, l’impulsion de l’idée d’un futur Forum inclusif de réconciliation nationale à Bangui quelques semaines plus tard.
Martin Ziguélé qui boudait Brazzaville y tenait, avec cet argument frappé du coin du bon sens : “Pourquoi aller ailleurs pour régler ce que l’on peut faire aisément sur place ?”
“Les semaines plus tard” passèrent. L’on crut la tenue de ce Forum de Bangui pour septembre comme l’annonçait la Présidente par interim Catherine Samba-Panza.
Fausse alerte…Repoussée à une date ultérieure.
Il faudra attendre le 11 novembre 2014, la tenue à Bangui de la 6ème réunion du Groupe international de contact sur la République centrafricaine (GIC-RCA), coprésidée par Basile Ikouebe, le Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération de la République du Congo, et par l’Ambassadeur Smaïl Chergui, Commissaire à la Paix et à la Sécurité de l’Union africaine (UA), pour qu’une date soit aventurée, celle du 15 Janvier 2015.
Depuis, l’ONU prudente passant par là a retoqué la chose pour un flou artistique, ce sera “en janvier 2015 au plus tard”.
Ce qui laisse l’éventuelle latitude de changer encore….
AGITATIONS POUR LE GRAND DIALOGUE NATIONAL
Mahamat Kamoun et Aristide Sokambi endossent le bleu de chauffe.
L’un est le PM, l’autre est le ministre de la défense.
Et c’est à eux que la présidente – se refusant de poser ses pénates en province, préférant discourir sur tapis rouge à Bangui – confia le soin de rameuter les acteurs de ce grand raout de dialogue national, Forum de Bangui, selon…
La grande idée de Kamoun ?
Envoyer “les ministres résidents” (une originalité centrafricaine) des 16 préfectures dans leurs zones de juridiction, afin de sensibiliser les populations sur l’organisation de ce si important forum-inter centrafricain de réconciliation.
Mais voilà, il y’a un hic, les préfets nommés et devant intégrer leurs zones vivent le martyr depuis des mois, surtout ceux qui ont le malheur d’être nommés dans les préfectures sous contrôle Séléka.
Ils sont systématiquement chassés, et même agressés voire blessés.
Par exemple, dans le Bamingui Bangoran et dans la Nana Gribizi, c’est “No way”, refus virulent des Séléka d’y voir des fonctionnaires nommés par Bangui.
Pourtant, début novembre, Aristide Sokambi dirigeait une délégation gouvernementale, ainsi que des représentants de la communauté internationale, dont même Charles Malinas, l’ambassadeur de France, qui pendant 3 jours était partie à la rencontre des Séléka à Kaga-Bandoro, Bambari et Bria sur les sites neutres de la MINUSCA.
Le ministre de la Défense en fut ravi : “les échanges ont été constructifs. Les groupes rencontrés se sont engagés à participer au dialogue national qui devrait avoir lieu à Bangui en janvier 2015.”
Ajoutant même : “Nos interlocuteurs n’ont posé aucune condition”.
Et qui étaient les dits interlocuteurs de si bonne composition ?
- A Kaga Bandoro, ils rencontrèrent Noureddine Adam et ses “générals’ comme dirait Djotodia.
- A Bambari, ce fut une entrevue avec Ali Darassa et Joseph Zoundéko.
- A Bria, rencontre avec Zacharia Damane et ses principaux conseillers et lieutenants.
Même Charles Malinas, l’ambassadeur de France à la suite tombait dans un optimisme béat comme hypnotisé : « Les trois groupes de la Séléka nous ont tenu un discours comparable de souhait de paix, de souhait d’arrêter les combats, de volonté de déposer les armes après le forum de Bangui » déclarait-il sur RFI.
LA MINUSCA S’Y MET
Les 6 et 7 novembre à Bangui, l’ONU, via la MINUSCA organisait un Atelier préparatoire au Forum de Bangui : « garantir un processus inclusif ». Tout un programme.
Cela en relation avec le ministère au long nom à la malgache, “le Ministère de la Réconciliation nationale, du Dialogue politique et de la Culture civique”, ainsi qu’avec l’appui du PNUD, une autre entité onusienne.
Deux jours consacrés à la définition des “options et orientations méthodologiques pour le Comité d’organisation du Forum de Bangui, en vue de sa bonne préparation et organisation. Une cinquante de participants y ont pris part, parmi lesquels des représentants de la Présidence de la République, du Gouvernement, du Conseil Nationale de Transition (CNT), de la société civile, ainsi que des partenaires internationaux.”
Et c’est dans cette ambiance de douce euphorie que Catherine Samba-Panza le 2 décembre dernier pondait un décret instaurant la création d’une commission préparatoire du forum national de Bangui.
Quid dedans ?
Selon le texte officiel, la commission devra être composée de vingt-deux membres repartis entre les entités signataires de l’accord de Brazzaville.
Commission avec président de “comité de pilotage du processus politique de l’après forum de Brazzaville”.
Et Commission devant élaborer et faire adopter (par qui ?), un règlement intérieur et devant déterminer l’agenda des travaux préparatoires du forum national de Bangui; et également en charge d’en élaborer le budget.
Comme d’habitude, madame la présidente fait dans la grandeur.
Le bureau de la commission n’aura pas moins d’un(e)président(e), de deux vice-présidents, de deux rapporteurs, de deux facilitateurs internationaux, d’un comptable et d’un membre.
Rien que ça…
Euphorie contagieuse, Alexandre N’Guendet le président du CNT de vouloir également payer de sa personne.
Il y a une dizaine, il se rendait à Bambari dans l’optique là bas de « rencontrer la population pour la sensibiliser à la paix ».
Mauvaise idée…
Bambari son ancien fief ne le reconnaît plus. Un de ses gardes du corps s’y fera assassiner, et il aura même droit à une manifestation hostile.
Ailleurs, l’optimisme béat a toujours court.
Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, Hervé Ladsous saluait en début de semaine “les préparatifs du Forum de Bangui sur la réconciliation nationale qu’il perçoit comme “une étape majeure sur la voie de la réconciliation nationale centrafricaine”.
A Paris, c’est Jean-Yves Le Drian le ministre français de la défense de se joindre au concert et de se féliciter de l’annonce de la tenue prochaine d’un dialogue inclusif inter-centrafricain.
MAIS…DE QUOI DOUCHER LES ENTHOUSIASMES…
COUP D’OEIL DANS LE RETROVISEUR
- 1980 : Séminaire National, ECHEC !
- 1992 : Grand Débat National, ECHEC !
- 1996 : Réunions pour la mise en place du Protocole d’ Accord Politique et du Programme Minimum Commun, ECHEC !
- 1997 : Réunion du Comité de concertation et de Dialogue, ECHEC !
- 1998 : Conférence de Réconciliation, ECHEC !
- 2002 : Dialogue national organisé à Bangui sous l’égide de l’ONU (BONUCA), ECHEC !
- 2008 : Dialogue politique inclusif, rassemblant déjà toute la smala : opposition, rébellions, société civile, etc… ECHEC !
Fil rouge de cette incapacité Pathologique des centrafricains à dialoguer entre eux, l’hypocrite slogan vide de sens de « Dialogue politique inclusif » dont tout un chacun se gargarise pour s’en convaincre.
LES BONNES RAISONS DE NE TOUJOURS PAS Y CROIRE
Les usines à gaz de “Dialogue national” en RCA finissent par être des distractions, tant elles n’ont jamais fonctionné.
Et essentiellement par l’absence de sincérité et de bonne volonté de ses participants.
Pourquoi cette fois-ci cela fonctionnerait-il avec en outre, une situation socio-politique et sécuritaire pire que les fois précédentes ?
1- Un pouvoir faible, incompétent et inexistant :
Confusion, collusion, concussion.
Sans ligne de démarcation entre le légal et l’illégal, le condamnable et l’acceptable, difficile pour un pouvoir politique d’asseoir un semblant d’autorité.
Peut-il différencier un rebelle d’un simple citoyen, avec des rebelles s’asseyant à la table du Conseil des ministres ?
Par exemple, sur quel mérite Armel Sayo, chef rebelle est-il devenu ministre ?
Qui s’acoquine avec Satan est diable lui-même.
A commencer par la composition du Conseil National de Transition (CNT), pure émanation Séléka, avec à sa tête un, issu de la Séléka, N’Guendet soi-même.
Chaos sécuritaire et flottement institutionnel.
2- Les rebelles mènent la danse :
La culture de l’impunité faisant loi depuis des éons en RCA, les provinces échappant quasiment en totalité au pouvoir central, en conséquence, toute espèce de dialogue menée avec des rébellions, en étant soi en situation de faiblesse, est de facto déséquilibrée, et à l’avantage des rebelles.
Séléka et Anti-Balaka sont traités courtoisement et par le pouvoir et par les forces internationales.
Et donc, ils poussent l’avantage à son extrême – tant qu’à faire : Etat majors autonomes, polices autonomes, pouvoir d’encaissement fiscal autonome pour rançonner les populations, et enfin cerise sur le gâteau, les voilà devenus partis politiques. La boucle est bouclée. L’impunité des crimes commis se légalisant.
La CLPC, l’une des composantes les plus importantes des Anti-Balaka, très habilement fait une mue en parti politique, “Le Parti centrafricain pour l’unité et le développement”.
Ruse du madré Edouard Patrice Ngaissona pour se dédouaner de toutes poursuites judiciaires ultérieures.
Quant aux Séléka, c’est pratiquement à chaque jour la surprise de découvrir un de leurs nouveaux patronymes de déguisement.
Chez eux, l’imagination ne fait pas défaut.
Devant tant de faiblesses en face, pourquoi les chefs rebelles feraient-ils des efforts pour perdre leurs avantages acquis, en ayant déjà mis le pays par terre ?
Céder du terrain serait perdre…Ils ne céderont pas.
Ils feront juste semblant.
La leçon des trahisons des chefs rebelles à Brazzaville n’a édifié personne !
3- Les illusions onusiennes
La MINUSCA va réussir mieux que le BONUCA ?
En RDC à côté, cela fait 15 ans que l’ONU est dans le pays, et rien n’a changé.
On n’avance pas d’un pouce.
Depuis près de deux décennies, l’ONU collectionne les acronymes en Centrafrique, de la MINURCAT à la MINUSCA, et jusque là, pour au moins une constance têtue, l’ECHEC !
En 2011, “Survie” écrivait ceci à propos de l’ONU dans la crise ivoirienne.
“Les graves manquements de l’ONU
Le mandat de « protection des civils ivoiriens » et d’ « interdiction des armes lourdes » brandi avec opportunisme par l’ONUCI pour intervenir militairement à Abidjan ne peut faire oublier les graves manquements dont ces mêmes forces ont fait preuve, incapables de prévenir ou d’arrêter les massacres perpétrés à Abidjan, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire et ailleurs, particulièrement à Duékoué.
Dans la période précédente, l’ONU avait déjà renoncé à accompagner à son terme le processus de désarmement, démobilisation et réinsertion, pourtant préalable aux élections et condition de leur certification, comme convenu dans les accords de Ouagadougou. Alors que le pays subissait encore les exactions de milices et forces armées (« loyalistes » ou « rebelles ») incontrôlées, le point focal de l’activisme diplomatique multilatéral a été l’organisation de l’élection présidentielle.”
Et si on l’actualisait en changeant “Côte d’Ivoire” par “Centrafrique”, “Abidjan” par “Bangui”, “Duékoué” par “Bossangoa”, “ONUCI” par “MINUSCA”, et “les accords de Ouagadougou” par “les accords de Libreville”, n’est-ce pas que l’ONU bégaie ?
© Décembre 2014 LNC