La conférence politique du professeur Gaston Mandata N’Guerekata du samedi dernier a tenu ses promesses. Tel est le ressentiment de la majorité des centrafricains de la diaspora française venus nombreux à cette rencontre. Prévue pour 14 heures, les centrafricains n’ont pas dérogé à l’heure mauvaise habitude en arrivant massivement une heure plus tard. GMN qui se savait attendu se trouvait déjà dans ce lieu aux environs de 13 heures.
A l’intérieur de la salle à l’extrême gauche se trouvait une énorme photo encadrée du candidat à côté de laquelle on pouvait lire un texte qui avait l’allure d’un serment: « Face à la dégradation et la faillite nationale auxquelles les centrafricains assistent de manière impuissante depuis des mois. Ma responsabilité, si je suis élu président de la République sera historique, ce sera celle d’être le président de tous les centrafricains, d’une république unitaire, indivisible, laïque et sociale. La justice, la réconciliation, le vivre ensemble et la paix seront au coeur de mon action.
Je puis vous assurer ici et maintenant de manière solennelle que nous sommes ensemble pour une cause: La république centrafricaine, notre patrie».
Le temps pluvieux couplé à ce début d’hiver rigoureux n’ont pas empêché les centrafricains de remplir l’espace Matières Grises situé dans la rue Métra dans le 20è arrondissement de Paris.
A 15 heures lorsque le quorum fut atteint, Mme Winnie Pirioua chargée des relations extérieures de l’équipe de campagne du professeur Nguerekata salue l’assistance et fait une brève biographie du candidat. S’ensuit une prise de parole inattendue. La centrafricano-américaine Béatrice N’Guerekata fait l’éloge du professeur en présentant son mari comme le seul homme capable de résoudre la difficile équation centrafricaine. »Gaston avec qui j’ai eu 5 enfants en 28 ans de vie commune est un mari et un père responsable. Il est courageux, volontaire et a des idées à faire valoir. Nous devons tous le pousser à faire aboutir son projet de la reconstruction de notre pays».
Signalons que cette pratique qui peut être peu orthodoxe en France ou en Afrique, est courante aux Etats Unis où il appartient à la personne qui partage la vie du candidat de témoigner sa capacité à gouverner s’il était élu à la magistrature suprême de son pays.
Le professeur a semblé avoir une longueur d’avance sur ses concurrents puisqu’il avait dans sa besace une liste non exhaustive des problèmes qui minent le développement de son pays et des propositions de solutions utiles à leur enrayement.
Prenons la parole le candidat a justifié le choix de la France qui est sa troisième étape après la ville de Sibut où il a fait sa déclaration de candidature et Bangui la capitale de la RCA où il a réitéré cet engagement devant un parterre de journalistes. «En m’adressant à vous, je veux m’adresser à la diaspora, je veux m’adresser aux forces vives de notre nation et à tous ceux qui auront un rôle de premier plan à jouer quand viendra l’heure de la reconstruction de notre cher pays. Et vous faites partie de ceux là» dixit Gaston Mandata N’Guerekata à l’assistance receptive.
Paris est un symbole pour la RCA «c’est la capitale de l’ancienne puissance coloniale. Des relations bilatérales historiques lient de ce fait le Centrafrique et la France qui reste d’ailleurs notre partenaire privilégié» a déclaré le candidat N’Guerekata.
Dans son allocution qui a duré un peu plus d’une heure, le professeur a proposé de lutter contre la « Fuite de cerveaux » en proposant de rétablir l’engagement décennal qui jusque dans les années 90 obligeait les jeunes cadres centrafricains à rentrer pour servir aussitôt leur pays. L’état s’engageait avec ses forces et ses faiblesses à prendre en charge ces derniers dont la majorité étaient intégrés dans la fonction publique.
Sans les citer GMN a rendu responsables les dirigeants qui ont abrogé cet engagement décennal. Pour ce dernier cet acte est une politique d’exclusion de nos élites « Les dirigeants de l’époque ont fait un cadeau à l’occident au détriment du développement de notre pays. il se pose aujourd’hui avec acuité le problème d’insuffisance de cadres compétents en Centrafrique à tel point que l’Afrique de l’ouest est devenue à prix d’or, le grand pourvoyeur de certaines compétences introuvables en Centrafrique« , assène le professeur Nguerekata.
Le candidat rejette en bloc la responsabilité de tous les centrafricains dans la faillite de leur pays comme le pensent certains candidats. Dire que cet échec est collectif relève d’une plaisanterie « En quoi les fonctionnaires qui accusent dans ce pays plusieurs années de salaires impayés serait il la cause de leur propre malheur? Soyons sérieux un tant soit peu », tempère GMN visiblement très énervé.
Selon le candidat indépendant à la présidentielle, les centrafricains dont ceux de la diaspora ont été délibérément écartés par des dirigeants de moindre valeur « Après avoir écarté les têtes pensantes, le pays a été livré aux hommes et aux femmes soit disant politiques, peu qualifiés, incompétents, véreux, cupides, corrompus qui défendent des intérêts claniques. Ces gens confondent biens publics et leurs propres deniers. Ce sont des assoiffés de pouvoir qui veulent coûte que coûte, vaille que vaille maintenir leur main mise sur des populations exsangues, fatigués d’être torturés par ceux là même en charge de leur apporter une vie meilleure ».
Avant de passer au crible quelques secteurs prioritaires et proposer un début de solutions, GMN a eu l’audace de prendre un engagement solennel devant ses compatriotes « Je veux partager avec vous ma forte conviction: »la RCA est et restera une et indivisible»
En tant que futur président de la RCA que je serai, je m’engage ici, et devant vous, de façon solennelle, à restaurer l’autorité de l’Etat. Je m’engage à assurer la sécurité des biens et des personnes sur l’ensemble du territoire national et je mettrai fin à l’impunité.
Je m’engage à renforcer l’appui des forces militaires sur le terrain et à désarmer par tous les moyens les groupes armés ».
Pour ne pas tout dévoiler toute son artillerie selon ses dires, le professeur N’guerekata a décidé de traiter pour cette circonstance les problèmes de la santé, l’éducation et la formation, l’agriculture, et de l’énergie et les ressources minières.
En s’inspirant des idéaux du feu président Barthélémy Boganda qu’il considère comme son véritable mentor, le doyen associé de l’université de Baltimore veut mettre en pratique les cinq verbes chers à ce dernier que sont: Nourrir, soigner, Vêtir, Loger, Instruire.
La santé
Convaincu que la santé est une composante importante de lutte contre la pauvreté, GMN a fait l’Etat de lieux des structures sanitaires en ruines, désuètes, et non performantes et se fixe comme objectif politique d’apporter sa contribution significative à l’amélioration de l’état sanitaire des populations centrafricaines en particulier celles des couches les plus vulnérables et pauvres.
Le professeur candidat en bon pédagogue à dresser quelques chiffres pour montrer l’urgence des centrafricains à remédier au problème de leur santé. Face au recul de l’espérance de vie à 40 ans chez les hommes et 45 chez les femmes, et l’augmentation du taux général de la mortalité infanto-juvénile qui est de 220 pour 1000 enfants en 2003 alors qu’au Gabon elle était de 91 pour 1000 pour la même période, N’Guerekata est très inquiet pour l’avenir de son pays.
« Donner la vie qui aurait du être un grand moment de bonheur apparait chez nous comme un danger de mort potentiel pour nos filles, nos soeurs, nos femmes et nos mères. C’est une honte pour la République » a déclaré GMN
Il propose d’inscrire dans son Programme présidentiel d’Urgence ( PPU) s’il était élu de commander une étude sur les six premiers mois au niveau national pour dénicher les zones adéquates et implanter les nouvelles infrastructures.
Le candidat promet de réhabiliter toutes les infrastructures sanitaires existantes, de construire des nouveaux centres de santé accompagnés des logements descends pour le personnel soignant et veut une réparation équitable des soins sur toute l’étendue du territoire afin de réduire la fracture sociale. Il s’engage à mettre fin à cette inégalité vielle de 30ans qui justifie selon ses mots le mal être des provinciaux considérés par le pouvoir central comme des centrafricains de seconde zone.
Citant l’exemple de deux anciens chefs d’Etat centrafricains décédés dans des conditions indignes dans les hôpitaux mouroirs d’un pays voisin, N’Guerekata a fustigé les évacuations sanitaires avec des coûts exorbitants et dénoncer le fait qu’elles ne concernent le plus souvent que les dignitaires du régime. La solution pour lui réside dans une politique volontariste.
D’ores et déjà il veut réhabiliter et équiper le centre hospitalier universitaire de Bangui, le complexe pédiatrique et l’hôpital de l’amitié en état de dégradation avancée. Enfin le scientifique propose de recourir à une carte sanitaire dotée d’une assurance maladie de base à 12000FCFA( 18euros) et propose une offre de soins à moins de 5km de chaque village.
Pour N’Guerekata il est inadmissible que les gouvernements qui se succèdent depuis 30 ans continuent de confier la santé des centrafricains aux ONG internationales.
Education et formation
Sur le plan de l’éducation et la formation, le pédagogue patenté s’est encore appuyé sur une déclaration de son mentor Barthélémy Boganda qui avait dénoncé le fait qu’ en 1959 seuls 8% de la population oubanguienne étaient scolarisés. GMN ne comprend pas que les progrès réalisés depuis l’indépendance soient annihilés par une politique irresponsable qui a conduit au sinistre du département de l’éducation nationale.
L’insécurité, la suspension des réquisitions des moyens de transports pour les enseignants affectés en provinces, le manque de moyens didactiques et des infrastructures d’accueil, le sous effectif des enseignants ont fini par rendre le métier d’enseignant peu attractif. Dans beaucoup de villes centrafricaines et surtout dans les provinces on assiste au phénomène des maîtres parents souvent non qualifiés, ce qui représente un danger pour l’avenir des enfants et de ce pays.
D’après N’guerekata il y a parfois 70 élèves par classe voir jusqu’à 127 dans le nord-est. En plus de ces manquements, le pays souffre d’un problème de décentralisation. Bangui la capitale réunit en réalité 19% des infrastructures et engloutie 40% des enseignants.
Autres éléments à préciser, la République centrafricaine ne possède que trois établissements technique qui sont tous situés à Bangui et quelques centres de formation de techniciens en province.
Face à ce désastre, le candidat N’guerekata qui a déclaré que l’éducation de la jeunesse centrafricaine n’a pas de prix entend améliorer le taux de scolarisation de 10% par an sur 5ans; de réduire la ratio du nombre d’élèves par classe de 120 à 40, de revaloriser le métier d’enseignement, de former les éducateurs et d’augmenter les capacités d’accueil.
Il propose la construction de 700 écoles et la réhabilitation de 1407 établissements répartis sir tout le territoire et de transformer l’école de formation des instituteurs de Bambari en un institut de formation des professeurs des écoles(IUFPE).
Quant à l’enseignement supérieur, il souhaite la convocation immédiate des états généraux de ce domaine aussitôt après son élection, afin de trouver des solutions idoines qui lui permettront de revenir dans le circuit mondial.
Agriculture
Sur le plan de l’agriculture, le professeur a vanté le formidable potentiel agro pastoral du pays au vu du climat, des savanes et de ses forêts avant de déplorer sa mauvaise performance et son recul après avoir bien débuté dans les années 60. En effet le coton avait atteint 59000tonnes en 1969 grâce à l’opération Bokassa.
Le café qui se cultive exclusivement dans les zones forestières ne concerne aujourd’hui que 47000 petits exploitants qui ne font plus l’exportation faute d’ une politique volontariste. L’entreprise de la transformation du palmier à huile Centrapalm est moribonde, la Sucaf qui transforme la canne à sucre à Ngakobo, n’arrive pas à couvrir le besoin de la population en sucre.
L’élevage qui devrait être une opportunité pour la consommation locale d’une variété de viande et qui aurait pu combler le déficit de certains pays de la sous région comme le Congo, le Gabon et la Guinée équatoriale qui ne disposent pas de climat adéquat pour abreuver les troupeaux n’est pas du tout opérationnel.
Fort de ce constat alarmant, Nguerekata a promis de faire de la RCA le jardin de l’Afrique centrale en proposant une offre politique fondée sur l’amélioration de la productivité, de la diversification et l’exportation. Pour atteindre l’autosuffisance alimentaire et exporter le surplus de sa production, le candidat veut pourvoir l’Institut Supérieur de développement Rural( ISDR) en moyens nécessaires pour mener à bien sa mission. Il compte également augmenter la capacité d’accueil du centre de formation des techniciens d’agriculture de Ngoulinga à Grimari dans la Ouaka.
La politique agricole du professeur N’Guerekata s’il était élu sera aussi basée sur l’élargissement et si possible la mécanisation des surfaces cultivables.
Energie
L’énergie a été également au centre des préoccupations du candidat indépendant à la présidentielle de 2015: L’inexploitation du potentiel hydraulique estimé à 500MW et des combustibles ligneux dont l’exploitation permettrait, grâce aux déchets de bois des aciéries, de produire de l’électricité de la filière biomasse. le potentiel ligneux commercialisable du massif forestier des régions du sud ouest est estimé à 93 557 000. La non électrification des zones rurales, le délestage chronique, l’incapacité de l’entreprise d’Etat ENERCA a fournir du courant de forte capacité afin de faire tourner les usines ont été les problèmes énumérés par GMN.
Ainsi le politique veut s’appuyer sur la transition énergétique en exprimant un besoin pour son pays de se mettre en norme eu égard à l’enclavement du pays et à la fluctuation du cours du pétrole sur le marché international.
Le professeur propose de réhabiliter les infrastructures existantes de Boali et souhaite que son pays abandonne les centrales thermiques fonctionnant au fuel. Il veut privilégier l’énergie hydraulique, le solaire photo voltaïque et la biomasse. La ville de Bangui sera dotée d’une capacité électrique de 2OMW supplémentaires. «l’usine de Boali 3( + 10 MW) sera équipée et nous procéderons à l’extension de l’usine de Boali 2(+ 10MW) et la réhabilitation de Boali » a déclaré le candidat qui a promis d’inscrire ce programme dans PPU.
N’Guereketa propose également de porter le taux d’ électrification des zones rurales qui est de 0(zéro) à 50% sur 5ans par un mode de distribution décentralisée grâce au solaire photovoltaïque. «Des kits solaires autonomes adaptés aux besoins équiperont 4000villages à la cadence de 1000 villages par an, à partir de la 2è année de ma mandature ».
Les mines
Pour finir le professeur Nguerekata s’est appesanti sur le problème des ressources minières, sources des conflits répétitifs en République centrafricaine. Loin de revenir sur les remous qui secouent actuellement son pays, le professeur a préféré énumérer une bactérie de mesures pour protéger ce secteur:
Exploitation d’autres minerais en plus du diamant, l’or, l’argile et la lattérite
Mettre fin à la répartition injuste des revenus des richesses et la mauvaise gouvernance qui ont favorisé le développement du contre banditisme et la prolifération des rebellions armées dans les zones minières
Privélégier l’exploitation artisanale à l’exploitation industrielle dans le but de réduire la pauvreté.
La principale proposition du jour survient: L’état doit confier le pouvoir de la signature des contrats miniers et de la délivrance des accords aux compagnies minières au ministre des mines et exiger qu’il le rende public après un examen et un débat parlémentaire incluant les opposants au régime avant l’obtention de l’approbation du conseil des ministres. GMN propose également la création d’une unité spéciale anti fraude qui doit être placée sous la responsabilité du département de la défense et de la sécurité.
Enfin une liste noire des contrebandiers ou des individus interdits d’exploitation et de commercialisation du diamant doit être rendue publique pour éviter la persistance du financement des guerres et rebellions par des seigneurs de la guerre et des sanguinaires.
Vint le tour des participants dont un bon nombre d’eux ont salué cette pratique objective et constructive innovée par le professeur et son équipe. La question relative à l’immixtion de la France dans les affaires centrafricano-centrafricaines était revenue à plusieurs reprises. Les participants souhaitaient savoir la réaction du candidat sur cette élection présidentielle dont l’encombrante puissance colonisatrice aurait déjà désigné un gagnant.
GMN s’est contenté de dire qu’il a posé la même question lors d’un récent entretien avec une autorité française qui a récusé cette affirmation. Optimiste et confiant, le professeur a affirmé ne pas avoir peur de ces allégations et entend utiliser sa témérité jusqu’au bout pour gagner » J’ai toujours été premier de ma classe, je serai élu président de la république et je serai le premier président centrafricain à sortir la RCA de la misère » a déclaré GMN devant l’assistance acquise à sa cause.
Interrogé pour ne pas avoir évoqué les problèmes sécuritaires et proposé quelques pistes de solutions le candidat a affirmé avoir inscrit ce secteur clé dans son PPU(programme Présidentiel Urgent) et qu’il ne pouvait pas tout dévaler son programme en quelques heures.
Ayant relevé quelques points importants dans le domaine de la santé que le professeur n’a pas pu soulever, un intervenant à demander à ce dernier de revoir son programme. En bon démocrate le professeur a accepté ces critiques et s’ est dit disposer à recevoir toutes les propositions allant dans le sens de l’éradication des maux qui gangrènent son pays.
Une collation a été offerte à la fin de la conférence dans une ambiance festive et les participants se sont dirigés vers la star de la soirée à tour de rôle pour le congratuler, l’encourager pour ce combat qui vient de commencer et lui solliciter une pose de photo.
A Paris Wilfried Maurice SEBIRO