Le président du MLPC Martin Ziguélé a participé, le 4 février 2020, à l’émission Le Grand Rendez vous de Radio Centrafrique animée par Dimitri Kevin Yalangba sur le thème : L’ an 1 de l’accord de Khartoum avec comme co invités l’Ambassadeur Naayo de la CEEAC et Vladimir Monteiro Porte parole de la Minusca.
Voici la bande sonore et la traduction de ce qu’il a dit :
L’attente au sein de la population Centrafricaine était grande, très grande, pour la levée d’embargo parce-que ce n’était pas un exercice intellectuel.
Il s’agit d’hommes et de femmes qui meurent dans des situations dramatiques comme à Berbérati, comme à Bria, comme à Alindao, comme à Mobaye, comme à Kongbo et Bangassou.
Au même moment, l’agenda de la levée de l’embargo arrive. Le Centrafricain voit cela avec l’oeil de quelqu’un qui n’a pas de protection, avec les yeux de quelqu’un qui attend de très fortes protections que ça soit de son Armée, que ça soit de la MINUSCA, que ça soit d’autres Forces car la population ne comprend pas toujours la subtilité du langage Diplomatique internationale.
Qu’est-ce que la population dit:
La population, avec sa perception dit nous sommes en train de nous faire tuer, nous n’avons pas les moyens de nous protéger, notre Armée n’a pas les moyens de nous protéger par faute d’un embargo donc on souhaite la levée de l’embargo.
C’est ça la vision de nos compatriotes.
Nous comprenons que nous ne sommes pas seuls au monde, mais, personnellement, j’ai été déçu que l’embargo soit reconduit. Personnellement, j’en ai été déçu.
Je pensais que les derniers développements et les difficultés de la mise en œuvre de l’APPR auraient dû pousser les puissances a accorder une plus grande souplesse dans la levée de l’embargo pour faire comprendre à ceux qui, justement, bloquent la machine que, écoutez, vous-vous êtes engagés dans un accord de paix, ça fait un an que vous meniez en bateau les personnes avec qui vous aviez signé cet accord, maintenant on donne plus de moyens à l’État Centrafricain parce-que les groupes armés font venir leurs armements de pays voisins, tout le monde le sait, c’est un secret pour personne.
Donc on rééquilibre un peu les choses, si vous voulez, pour que nous puissions avancer, de manière critique, dans l’accord. Ça, c’est ce que je ressens en tant que responsable politique, en tant que Député et en tant que Centrafricain qui va sur le terrain. J’ai déjà été à Bambari, à Sibut, à Carnot et à Bouar. C’est comme ça que nos compatriotes voient les choses.
Deuxième chose, comme je le disais, nous ne sommes pas seuls au monde, il y a des forces plus fortes que nous. Et lorsqu’on est dans cette situation il faut négocier les avancées.
Dans un deuxième stade je me dis, le fait qu’on ait assoupli l’embargo maintenant et qu’on accorde que les Forces Armées Centrafricaines, les Forces de Défense et de Sécurité puissent s’équiper en véhicules lourds avec des canons de 14,5 mm au maximum est une très bonne avancée.
Le fait que cette fois-ci l’embargo soit prorogé seulement pour six mois et non pour un an, laisse présager, je ne suis pas du tout un Diplomate, que c’est une période pendant laquelle il y aura de discussions entre les pays qui ont des droits de véto au Conseil de Sécurité, entre la France, le Royaume-Uni, la Chine, les États-Unis et la Russie, justement pour arriver à quelque chose qui puisse répondre aux défis de leur. Et les défis de leur c’est l’application de l’accord de paix parce-que cela y va de la crédibilité de toutes les signatures.
Je pense aussi que ça sera une bonne chose que quelqu’un de l’ambassade de France puisse venir expliquer les raisons de la rigidité de la France qui s’oppose aux conditions d’assouplissement de l’embargo parce-que, moi-même, j’ai de la difficulté à comprendre cela.
Je vous dis ce que je pense. J’ai eu la faiblesse de croire que, compte tenu des difficultés de respect des dispositions de l’accord de paix par les groupes armés, ce passage devant le Conseil de Sécurité était l’occasion de leur envoyer un message fort pour dire même si on ne lève pas totalement l’embargo, on accroît, de manière critique et sensible, les moyens à destination des Forces Armées Centrafricaines ainsi que des Forces de Défense et de Sécurité pour signifier comment nous souhaitons que les choses soient.
J’ai lu et examiné les interventions de tout le monde, ce qui n’est pas dit, parceque la Diplomatie ne dit jamais tout, je pense que quelque part on pense que si les FACA avaient tout de suite la totalité des moyens, elles auraient chercher a régler le problème par la guerre.
C’est ce que j’ai compris en tant que Politique.
C’est pourquoi on dose la mesure afin de contrôler la montée en puissance des FACA et des Forces de Défense et de Sécurité pour ne pas qu’il y ait de » dérapage ».
Il faut dire que sur le plan international cette crise a été perçue comme une guerre que les Centrafricains font à une partie de leur population alors que, de vous à moi, nous savons que ces groupes armés ne sont pas animés par des centrafricains. Dans l’UPC par exemple, je ne connais qu’un seul Centrafricain dans la hiérarchie, c’est celui qui est au gouvernement. Les autres ne sont pas du tout centrafricains.
Mais ça, de l’extérieur, il est très difficile à accepter et à expliquer.
Comme on veut aller vite dans tous les domaines, dans les explications, dans les schématisations des choses et dans une robotisation même des pensées on se dit dans ce pays il y’a des musulmans qui se font massacrer par des chrétiens. Donc les groupes armés sont des musulmans et les autres sont des chrétiens.
Je vous dis vraiment que c’est de la caricature.
Je crois également que dans la démarche les français se disent nous n’allons pas aller très vite dans la cadence, nous allons doser les choses quitte à ce queue cette assertion ne soit pas réalisée.
Il convient toujours de se mettre à la tête que depuis l’avènement du génocide Rwandais, la vision et les démarches des Forces Internationales ont changées, cette vision est maintenant fondée sur la crainte de créer des situations, d’après leur entendement, qui pourrait déraper.
Je n’approuve pas cette démarche parce-que je ne peux pas comprendre que l’on puisse vouloir donner à l’État sa crédibilité, financer l’administration et l’autorité de l’État et, en même temps, ne pas lui donner les moyens militaires pour faire respecter son imperium.
Je comprends totalement le ressenti de la population qui dit nous avons des Forces de Défense et de Sécurité, nous avons une Force Armée qui, malheureusement, du fait de l’embargo, manquent des armes nécessaire pour faire leur boulot.
Les Centrafricains attendent avec beaucoup d’espoir et d’espérance que l’embargo soit totalement levé.
Je ne cesserai de dire, à mon avis, que le rythme de remise sur pied des FACA est trop lent. Je ne peux pas savoir si c’est à dessein que ce rythme soit aussi lent, mais à ce que je sache, c’est vers la fin de la transition qu’a été discuté le rythme de remontée en puissance des FACA. À l’époque, il y avait la MINUSCA dans les limbes et il y avait aussi la sangaris qui réagissait, vraiment, à la minute par rapport à certains nombre de menaces.
Donc le calendrier de remontée en puissance des FACA était fait à ce moment là.
Après cette transition, le nombre des groupes armés a été multiplié par trois ; également nous sommes passé de trois à une dizaine de préfectures avec la présence des groupes armés aujourd’hui. Face à ce constat, on peut donc dire que le tableau n’est plus le même.
Dès ce moment, l’analyse et la cadence de remontée en puissance des FACA devraient également évoluer.
Je fais un reproche fondamental à la démarche globale car on ne va pas réinventer l’eau chaude ou la roue.
Regardons et analysons ce qui se passe dans le Sahel :
Le Mali, comme chez nous, il a eût une tentative ou une prise de pouvoir par un groupe ;
Le Mali, comme chez nous, il a eût le retour à l’ordre constitutionnel.
Regardons l’échafaudage sécuritaire, l’architecture sécuritaire au Mali, au Niger et au Burkina-Faso pour nous rendre compte qu’il manque un élément indispensable dans l’architecture et l’échafaudage sécuritaire en Centrafrique.
Au Mali, nous avons la MINUSMA tout comme nous avons la MINUSCA en Centrafrique.
Au Mali et au Burkina-Faso, nous avons le G5 Sahel alors qu’en Afrique Centrale nous n’avons pas une présence dans une organisation qui soit fortes et politiquement structurée pour combattre les terroristes, pour combattre les groupes armés techniquement et militairement comme on le constate en Afrique de l’ouest.
Sur le plan interne nous avons en Afrique de l’ouest la force Barkane.
La force Barkane est logée ou ? À Ndjamena, c’est-à-dire, au Tchad.
Je rappelle toujours qu’en 2006, à la naissance de l’UFDR avec Damane, lorsqu’ils ont tenté de descendre de Birao vers Bria, c’est l’aviation française qui était venue de N’djamena pour les stopper dans leur fole aventure.
Je ne comprends pas qu’aujourd’hui ou la situation sécuritaire est toujours très préoccupante on laisse en face du système, d’un côté les FACA à qui on compte les moyens dont le nombre ne s’accorde pas selon le risque sécuritaire et d’un autre côté, la MINUSCA qui n’a pas de couverture aérienne adéquate pour un pays de 624 000 km².
Pourquoi je dis ça ?
J’étais à Ouagadougou il y’a de cela trois semaines ou l’Armée Nigérienne a été attaquée par un groupe terroriste, cette attaque terroriste a fait 71 morts. Automatiquement il eût une concertation entre les forces militaires que sont la MINUSMA, le G5 Sahel et la Force Française Barkane.
Quand les groupes terroristes ont tenté de recommencer la même opération deux semaines plus tard, à moins de 20 minutes, ils ont été attaquées par l’aviation française.
Je crois qu’il faut que le principe de subsidiarité militaire joue dans une démarche commune afin de trouver une solution à la crise Centrafricaine de telle sorte que ce que les FACA ne peuvent pas ou, selon la communauté internationale, ne doivent pas faire aujourd’hui, ce que la MINUSCA ne peut pas faire, il faut que des forces qui en ont les moyens, à l’exemple de la France qui est un pays ami, vous dites bien que la France a des liens d’amitié de plusieurs dates avec la RCA, donc l’amitié entre la France et la RCA ne date pas d’aujourd’hui, en plus c’est la France qui tient la plume aux Nations-Unies donc il faut que cette amitié soit concrétisée.
Pourquoi on a tant de mal à faire des opérations militaires avec la MINUSCA?
On a tant de mal à faire des opérations militaires avec la MINUSCA parce-qu’il y’a un problème de couverture aérienne, aussi, il faut le dire, dans un pays de 624000 km², ça fait un an que je le dis, la Force des Nations Unies ne dispose que de trois hélicoptères dont un est en panne tandis qu’un autre a déjà craché. C’est-à-dire qu’il y’en a qu’un seul hélicoptère de la MINUSCA en état de marche.
Comment cela peut marcher correctement Alorsque que nous voyons des avions qui décollent de N’djamena, juste à côté, et vont à Bamako, Ouagadougou voir même jusqu’à Gao. Nous ne le demandons pas sous une forme de procès. Nous le disons parce-que tous ces pays sont des facilitateurs, des garants dudit accord alorsqu’ils nous ont tous dit qu’ils veulent, individuellement et collectivement, œuvrer pour la paix en Centrafrique.
Je vais terminer par un proverbe de chez nous qui dit que ta langue ne sort que là ou tes dents sont cassées. Ce qui illustre que les groupes armés sont loin d’être des idiots, ils analysent tout le dispositif militaire qui est en face d’eux, ils comprennent également les insuffisances de ce dispositif et ils essaient, tant bien que mal, a naviguer entre les insuffisances de chaque dispositif. Ils s’aperçoivent qu’il n’y a pas de couverture aérienne et ils s’en donnent à cœur joie. Or s’ils savaient que s’ils déclanchent une opération la réponse aérienne sera automatique et conséquente, ils n’oseront pas une telle aventure.