Apparu en Chine en novembre 2019, le coronavirus ou Covid 19 s’est répandu dans le monde à une vitesse jamais enregistrée dans l’histoire de l’humanité, à la faveur de la mondialisation et du développement des moyens de communication.
La République Centrafricaine, notre pays, a été atteinte mi-mars 2020 bien après les autres en raison de son enclavement, de son sous-développement mais surtout de sa marginalisation des grands courants des échanges internationaux tant au niveau économique, culturel que humain.
Partout ailleurs les gouvernements ont sonné l’alerte sinon le tocsin pour la mobilisation générale des populations afin de combattre la pandémie, de la contenir en attendant de trouver les moyens scientifiques et matériels de la neutraliser. Les établissements de santé avec leurs potentiels et des moyens nouveaux alloués par les Etats sont en première ligne des batailles. Les chercheurs sont tout autant mobilisés et les arsenaux industriels se sont remis au travail. Ils vont bientôt fonctionner à plein régime.
En République Centrafricaine, comme à leurs habitudes, les autorités ont dans un premier temps pris à la légère la menace. Certaines ont même qualifié le Covid 19 « maladie des Blancs ». Abasourdies par la suite, elles ont donné dans des propos dilatoires, contradictoires jusqu’au moment où, sous les injonctions de l’OMS et des partenaires extérieurs, elles se sont mises à crier au secours, flairant l’aubaine. C’est alors que les Banguissoises et les Banguissois ont été tenus en haleine via les médias, des disputes entre ministres. Qui du ministère des finances ou de celui de la santé allait avoir la haute main sur les dons d’argent et autres qui arrivent par vagues à Bangui en soutien aux actions de lutte contre le coronavirus ?
Un ministre comptable de fait
Le ministre de la santé et de la population semble avoir emporté la bataille. Et ce qui apparait impensable ailleurs, en tout cas dans les pays organisés où l’usage de l’argent public est tracé et où les dépenses font l’objet de procédures édictées par les lois et règlements, est, en Centrafrique, à la disposition et au bon vouloir du ministre. Des billets de banque sont remis de la main à la main au ministre qui cumule à la fois les fonctions d’ordonnateur et de comptable au mépris des règles de base de gestion publique.
Quel programme de lutte contre le Covid 19 le ministre de la santé a-t-il élaboré et quel en est le coût prévisionnel ? Nul ne le sait, mais il a besoin de l’argent, de beaucoup d’argent pour engager la lutte.
Quels sont les procédures de gestion des deniers publics, de passation de marchés ? Nul
ne le sait ! Personne ne s’en préoccupe à Bangui et dans ce pays de cash où tout se paye
en billets de banque, de main en main et les règles de bonne gestion reléguées aux oubliettes.
Les établissements de santé manquent de tout depuis des décennies.
Depuis des décennies les hommes, femmes politiques, leurs parents et les élites peu désireux de s’infliger le calvaire des hôpitaux locaux se font évacuer en France pour des soins, même les plus bénins aux frais de l’Etat.
Les personnels de santé, médecins compris n’ont pas tous reçu de formation en matière de Covid 19. Ils ne disposent pas des équipements de base. Un seul exemple : les masques, gants et thermomètres manquent cruellement.
Alors que faire face à de telles carences ?
A quelque chose malheur est bon
Après Covid 19, la vie ne sera plus comme avant, s’accordent à dire les gens sensés. Partout ailleurs les citoyens en débattent. Des réflexions sont conduites par les médecins, les élus, les responsables d’entreprises, etc pour évaluer les pratiques actuelles, élaborer de nouvelles plus efficientes, bref se poser des questions en toute responsabilité.
Covid 19 a enclenché un mouvement de solidarité sans précédent. Pour la première fois dans l’histoire du pays, des Centrafricaines et des Centrafricains mettent la main à la poche et continuent d’apporter spontanément des contributions financières à la lutte contre cette pandémie dont ils perçoivent l’épouvante et la capacité destructive. Leurs argents économisés avec parcimonie en ces temps d’incertitude et de difficultés en tous ordres ne doivent pas être mal gérés et encore moins dilapidés.
Le Ministre de la santé, pas plus aujourd’hui qu’hier ne saura gérer correctement ces dons aux bénéfices des populations et des professionnels de santé. L’incapacité de l’Etat et de ses services est bien connue.
Aussi, nous proposons que le Ministre de la santé soit dessaisi de la masse des dons recueillis et à venir. Le moment est venu d’ouvrir une nouvelle page de l’histoire de notre pays. Nous suggérons l’ouverture d’un compte spécifique dénommé « Fonds de lutte contre le Covid 19 – Réhabilitation des établissements de santé» dans une des banques les plus sûres de Bangui pour recevoir les dons. Les transactions sur ce compte seraient publiées à la fin de chaque mois ou tous les trimestres, ainsi les Centrafricains seraient tenus informés de l’utilisation de leurs argents.
Un comité ad hoc pour gérer les dons et des résultats tangibles
Un comité composé de personnalités connues et reconnues pour leurs qualifications professionnelles, leur intégrité, leur éthique seraient alors désignés par leurs pairs et charger de :
– évaluer le programme proposé par le ministre de la santé et de la population à la Nation
décider le programme d’équipements des établissements de santé en matière de lutte contre le Covid 19, de salubrité en leur sein.
Contribuer aux plans de formation continue des personnels de santé
décider et assurer les règlements les dépenses en ces matières
rendre compte à la Nation des actions et dépenses effectuées.
Composition possible du comité contre le Covid 19 en abrégé 3C Instance citoyenne, le 3C pourrait être composé de :
1 représentant du ministre de la santé
1 représentant du ministre des finances
1 représentant qualifié des personnels non médicaux
2 représentants qualifiés des personnels médicaux
2 représentants de la société civile dont 1 représentant des Usagers des établissements de santé
Les élus de la Nation que sont les députés, qu’ils soient de la majorité et, à plus forte raison, de l’opposition, gagneraient à se réveiller de leur torpeur et à se démarquer de ce qui apparait, aux yeux de la population et des laissés-pour compte, comme une connivence à la mal-gouvernance et, au pire, comme une éternelle trahison.
Le réservoir de colères terribles qui gronde dans les quartiers, les faubourgs et en brousse risque de tout emporter à la moindre étincelle. La lutte contre le coronavirus offre une opportunité de changer de paradigme.