L'UIP est de plus en plus préoccupée par le sort des parlementaires en détention pendant la pandémie de COVID-19 en raison des risques accrus d'infection dans les espaces surpeuplés et confinés. Lors de sa première réunion en ligne, le Comité des droits de l'homme des parlementaires de l'UIP a examiné de près les cas des 43 parlementaires actuellement détenus dans le monde, notamment au Venezuela, en Côte d'Ivoire et en Turquie. Le Comité de l'UIP demande la libération des parlementaires de ces trois pays, compte tenu des préoccupations suscitées par la vulnérabilité accrue au coronavirus en milieu carcéral et le non-respect des droits de la défense.
Au Venezuela, l'UIP suit actuellement les cas de 139 parlementaires de l'Assemblée nationale issus de la coalition de la Table de l'unité démocratique (MUD) qui s'opposent au Gouvernement de M. Maduro. Depuis janvier 2016, l'écrasante majorité des parlementaires ont été attaqués détenus ou intimidés par les forces de sécurité ou des partisans du Gouvernement en raison de leurs opinions politiques.
L'UIP est particulièrement préoccupée par le maintien en détention de M. Juan Requesens, les nouvelles arrestations de M. Gilber Caro et de M. Renzo Prieto, et les récentes arrestations de M. Ismael León et de M. Antonio Geara. Il semblerait qu'ils aient été détenus sans tenir compte de leur immunité parlementaire et en dehors de toute procédure régulière. En outre, les autorités ne fournissent pas ou peu d'informations sur les chefs d’inculpation.
Ces derniers mois, au moins 17 parlementaires de la MUD ont pris la route de l'exil, demandé la protection d'ambassades étrangères à Caracas ou décidé de se cacher pour fuir le harcèlement incessant dont ils font l'objet. Six d'entre eux se sont vu interdire d'exercer une fonction publique et au moins 13 parlementaires ont vu leur passeport confisqué ou annulé par les autorités.
Entre les 28 et 30 mars 2020, au moins 18 parlementaires ont reçu des menaces dans des graffitis inscrits sur les murs de leur domicile. Le 30 mars 2020, la parlementaire de l'opposition Delsa Solórzano a reçu par messagerie instantanée des menaces de mort et des messages d'intimidation. Mme Solórzano est depuis un certain temps victime de harcèlement et de menaces en raison de ses opinions politiques et de son travail de parlementaire.
Récemment, le 26 mai 2020, la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême a approuvé la nomination de M. Luis Parra au poste de Président de l'Assemblée nationale après un bras de fer avec M. Juan Guaidó, qui revendique également ce rôle.
Le Comité de l'UIP craint que l'arrêt de la Cour suprême n'interfère avec le droit des parlementaires de l'opposition démocratiquement élus à exercer pleinement leur mandat parlementaire. Le Comité souligne que tous les parlementaires doivent être autorisés à remplir leur mission sans entrave et à l'abri de toute pression ou représailles.
En Côte d'Ivoire, l'UIP examine actuellement les cas de dix parlementaires de l'opposition qui auraient subi des violations de leurs droits fondamentaux depuis 2018, notamment des arrestations et des détentions arbitraires.
Cinq membres de l'Assemblée nationale sont actuellement en détention : M. Alain Lobognon, M. Loukimane Camara, M. Kando Soumahoro, M. Yao Soumaïla et M. Soro Kanigui. Ils sont accusés d'avoir causé des troubles à l'ordre public, d’avoir contesté l'autorité de l'État et d’avoir diffusé de fausses nouvelles. Le Comité de l'UIP a conclu qu'il ne semble y avoir aucun élément matériel prouvant leur culpabilité et que les accusations sont basées uniquement sur des déclarations faites lors de conférences de presse.
L'UIP est également très préoccupée par l'état de santé de M. Lobognon en prison et par le refus présumé des autorités pénitentiaires, à trois reprises, d'autoriser une visite de son médecin personnel.
Le 29 avril, M. Guillaume Soro, ancien Président de l'Assemblée nationale et candidat à l'élection présidentielle de 2020, a été condamné par contumace à 20 ans de prison pour détournement de fonds publics. Il a également été privé de ses droits politiques et civils pendant cinq ans, ce qui compromet sa candidature aux élections présidentielles prévues pour octobre 2020 et laisse supposer que la procédure pénale à son encontre est motivée par des considérations politiques.
En Turquie, l'UIP examine des allégations de violations des droits de l'homme concernant 57 parlementaires ou anciens parlementaires, dont 27 femmes, du Parti démocratique populaire (HDP). Parmi les violations présumées figurent l'absence de procédure régulière, des violations de la liberté d'expression, des détentions arbitraires et le non-respect de l'immunité parlementaire.
Sept des parlementaires sont toujours emprisonnés, dont les anciens coprésidents du HDP, M. Selahattin Demirtaş et Mme Figen Yüksekdağ.
Plus de 600 accusations pénales et de terrorisme ont été portées contre les parlementaires depuis 2015 et des centaines de procès sont en cours dans tout le pays. Les parlementaires sont jugés pour terrorisme ou diffamation envers le gouvernement.
Une étude effectuée par l'UIP en 2018 a révélé que les tribunaux turcs appliquent des restrictions et des sanctions plus sévères aux parlementaires en raison de leurs opinions politiques. Il ressort également que l'interprétation des lois antiterroristes par les tribunaux turcs est arbitraire et imprévisible.
Les autorités turques rejettent fermement les conclusions de l'UIP et invoquent l'indépendance du pouvoir judiciaire, la nécessité de répondre aux menaces sécuritaire et terroriste, et la législation adoptée dans le cadre de l'état d'urgence.
Une mission d'enquête menée par l'UIP en Turquie en juin 2019, à laquelle les autorités turques ont pleinement coopéré, a conclu que les parlementaires du HDP avaient été essentiellement accusés d'avoir fait des déclarations publiques critiques, d'avoir publié des messages sur les réseaux sociaux, d'avoir participé à des rassemblements politiques et de s'être généralement opposés aux politiques du gouvernement.
Le 14 avril 2020, le Parlement turc a modifié une loi afin de réduire la population carcérale et – face à la crise de COVID-19 – de libérer temporairement certains détenus. Néanmoins, les actes de terrorisme, dont sont accusés la plupart des parlementaires du HDP, sont exclus des crimes donnant droit à une libération temporaire.
Le Comité de l'UIP suit également de près la situation de 13 parlementaires palestiniens actuellement détenus dans des prisons israéliennes.
En outre, le Comité de l'UIP exhorte les autorités libyennes à accroître leurs efforts pour faire la lumière sur la disparition de la parlementaire Seham Sergiwa, qui a été enlevée en juillet 2019.Parmi les nouveaux cas dont il a été saisi, le Comité de l'UIP a également examiné la disparition de l'ancien parlementaire égyptien Mostafa al-Nagar, ainsi que les allégations d'enlèvement et de violences sexuelles subies par la parlementaire zimbabwéenne Joana Mamombe.
Le Comité des droits de l'homme des parlementaires de l'UIP est le seul mécanisme international ayant pour mandat de défendre les droits de l'homme des parlementaires persécutés. Son rôle consiste notamment à mobiliser les milieux parlementaires pour soutenir les parlementaires menacés, à faire pression sur les autorités nationales et à dépêcher des observateurs de procès. Le Comité est composé de dix parlementaires représentant les grandes régions du monde et élus par leurs pairs pour un mandat de cinq ans.
À sa dernière réunion, le Comité a examiné les cas de 210 parlementaires sur le total de 488 cas de violations des droits de l'homme dans 40 pays dont il est saisi.