On se souvient que la République centrafricaine, pays qui a été meurtri par des violences de masse cyclique entraînant au passage des pertes en vies humaines et de nombreux dégâts matériels a voté la loi pour la création de la Cour pénale spéciale dans le but de renforcer son système judiciaire et mettre un terme à une longue période d’impunité dans ce pays.
L’expérience a montré que près de la moitié des pays qui sortaient d’un conflit sombraient à nouveau dans un nouveau conflit dans les cinq ans qui suivaient. Diverses raisons peuvent expliquer un tel état de fait, dont l’absence de vérité et l’impunité. Les victimes se comptent par centaines de milliers. En République centrafricaine depuis le coup d’Etat du général François Bozizé en 2003 et celui de la coalition Séléka de 2013, plusieurs crimes ont été commis et la lumière sur ces évènements n’a jamais été faite, autant que les auteurs n’ont pas été identifiés et punis. Un climat d’impunité s’est installé, conduisant à la banalisation du crime. Aujourd’hui, les victimes sont abandonnées à leur triste sort comme si le pays ne disposait pas d’un système judiciaire capable de donner satisfaction à une population victime d’une politique destructive des vies humaines.
A la lumière de ce qui précède, et au regard du contexte sociopolitique actuel, il apparaît judicieux et de toute évidence que la justice internationale ou nationale se penche le plus vite possible pour arrêter l’hémorragie humaine dans ce pays qui bat le triste record des coups d’Etat dans la sous-région. Les débuts des audiences publiques de la Cour pénale spéciale contribueront à apaiser les souffrances de la population et aider à rompre avec le cycle de la violence. C’est une obligation fondée sur le droit, la justice et à la vérité. Cette décision est l’expression de la volonté du peuple centrafricain qui veut une véritable rupture sans complaisance. On sait tous que les conclusions du Forum National de Bangui du 4 au 11 mai 2015 et le pacte républicain pour la paix, la réconciliation nationale et la reconstruction en RCA ont fortement recommandé la mise en place des mécanismes de la justice transitionnelle. C’est ainsi que la loi créant la Cour pénale spéciale a été adoptée par le Conseil National de Transition (CNT) et des efforts sont en train d’être faits également pour que les premières audiences publiques soient une réalité et apportent satisfaction aux victimes qui doivent prendre conscience que le président Touadéra est au service de son peuple et qu’il mettra tout en œuvre afin que les victimes soient rétablies dans leurs droits les plus absolus.
Pourquoi une Cour pénale spéciale en République centrafricaine ?
En effet, face à l’écroulement du système judiciaire et de sa chaine pénale depuis la chute du président Bozizé par la coalition Séléka et la Riposte des milices Anti-Balaka, le gouvernement centrafricain et la forces de sécurité des Nations-Unies en République centrafricaine (MINUSCA), ont signé le 5 et 7 août 2014 un Accord relatif à la mise en œuvre des mesures temporaires d’urgence pour faire face à cette situation et de combattre l’impunité. Une Cour pénale a été créée par une loi adoptée par le CNT, le 22 avril 2015. Au terme de cette loi, la Cour pénale spéciale est compétente pour enquêter, instruire et juger les violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire telles que définies par le code pénal centrafricain et en vertu des obligations internationales contractées par la RCA en matière de droit international, notamment le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre (art. 3)
Notons que les crimes relevant de la juridiction de la Cour pénale spéciale sont imprescriptibles, signifiant l’absence de tout délai pour leur poursuite. Or, en République centrafricaine ces crimes ont été commis au vu et au su de tout le monde. L’expérience a montré qu’il n’existe pas une formule unique pour gérer un passé marqué par des abus massifs et systématiques des droits de l’homme. Chaque pays doit choisir son propre model. La RCA doit s’inscrire dans la logique d’une paix qui passe par la justice.