Le 5 décembre dernier, le ministre de la défense Jean-Yves le Drian a annoncé le retrait progressif des troupes françaises Sangaris de Centrafrique. Engagée sur le terrain depuis un an, l'armée n'a pas réussi à stopper les massacres entre les ex-rebelles de la Séléka, en majorité musulmans, et les milices d’autodéfense anti-balaka essentiellement chrétiennes.
Après un an de présence sur le territoire centrafricain, les troupes françaises de la force Sangaris qui compte 1950 soldats amorcent un retrait progressif du pays. « Au printemps nous serons à 1 500 », a indiqué le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, le 5 décembre dernier. Un repli d’ores et déjà entamé en novembre dernier avec le départ d’une compagnie de 200 hommes. Au total en 2015, l’opération Sangaris devrait être ramenée à environ 400 soldats. Soit le format de l’ancien dispositif militaire français « Boali » présent en Centrafrique jusqu’à fin 2013, avant que le pays ne sombre dans une crise sécuritaire et politique sans précédent.
Sangaris, le fiasco
Annoncé dans une discrétion qui contraste avec l’intense publicité dont avait bénéficié son lancement, le retrait de Sangaris s’effectue alors que le pays est toujours en proie au chaos le plus total. Pas plus tard que fin décembre, des hommes d’ethnie peuls armés ont attaqué des localités du sud ouest du pays faisant une vingtaine de morts. Dans les régions du nord et du centre, de violents affrontements éclatent régulièrement entre les milices d’autodéfense anti-balakas majoritairement chrétiennes et des combattants de l’ex-rébellion Séléka à dominante musulmane. Dans la région de Bambari au centre du pays où s'est installé l'état-major de l'ex-Séléka, des violences similaires ont lieu à répétition. Au total, on compte plus d’une centaine de morts, au moins deux cents blessés et des milliers de déplacés depuis juin dernier.
Une situation critique sur le terrain qui met en évidence l’échec de l’armée française à mettre un terme à la spirale de violences intercommunautaires issue du renversement du régime de l’ancien président François Bozizé en mars 2013 par la Séléka. Le désengagement actuel n’améliorera en rien la situation. Alors que les 8 600 casques bleus de la Minusca présents sur le terrain devraient être renforcés début 2015 par deux bataillons de soldats angolais, le départ des soldats français risque d’offrir une nouvelle marge de manœuvre aux hommes forts de l'ex-Séléka.
De fait, depuis la démission de l’ancien président Michel Djotodia, plusieurs d’entre eux ont toujours la main mise sur les villes riches en ressources minières de l’Est et du Nord du pays. Face à eux, l’ex président François Bozizé réfugié en Ouganda cherche à reprendre du pouvoir et dispose de nombreux relais dans le pays, notamment parmi les anti-balaka. En mars dernier, des écoutes pratiquées par la DGSE (services français) ont ainsi mis en cause le rôle de pyromane joué par l'ancien chef d’Etat. Dans ces enregistrements, François Bozizé harangue des responsables des milices anti musulmanes sans équivoque: « Allez-y ! Ne faites pas de quartiers ! ». Hélas pour les forces françaises, l'ex président est défendu par l’Ouganda et le Congo Brazzaville qui joue le rôle de médiateur dans la crise. Difficile pour Paris de mettre en cause trop ouvertement des pays qui abritent l'incendiaire.
Surtout, en tardant à intervenir contre les anti-balakas, l’armée française s’est attiré la colère des musulmans et a contribué à alimenter les tensions intercommunautaires. « Le ver était dans le fruit » souligne un fin connaisseur du dossier. Les militaires français ont mis plus de trois semaines avant de s’attaquer aux exactions des anti-balaka, donnant l’impression d’un deux poids deux mesures et d’une prise de position contre les musulmans ». Une complaisance à l’égard des milices chrétiennes pointées à plusieurs reprises par l’ONG Human Rights Watch très critique envers « l’immobilisme » des troupes Sangaris pendant le conflit. Un écueil de plus qui s'est ajouté à la complexité du terrain centrafricain largement sous-estimée par François Hollande qui avait annoncé une opération « rapide [qui] n’a pas vocation à durer » . « En si peu de temps et sans le moindre accompagnement diplomatique et politique en appui de l'intervention armée à quoi pouvait-on s’attendre ? » s'interroge la même source.