La société civile et les organisations religieuses de la République centrafricaine (RCA) tentent de rebâtir la confiance et l’harmonie dans un pays marqué par l’animosité ethnique et religieuse depuis le renversement du président François Bozizé en mars 2013.
L’impact réel du plan de réconciliation nationale mis en œuvre par le gouvernement intérimaire de la présidente Catherine Samba-Panza n’est pas encore tangible et des actes de violence continuent de se produire dans l’ensemble du pays, même si le plan a été révisé lors des pourparlers de paix qui ont eu lieu en juillet à Brazzaville. Il prévoit la création d’une commission de réconciliation et encourage la médiation et le dialogue entre les leaders communautaires et politiques.
Une ministre de la Réconciliation nationale a été nommée ; une émission de radio sur la réconciliation est diffusée quotidiennement depuis quelques mois ; et des panneaux d’affichage sur lesquels sont inscrits des messages de paix sont visibles dans les rues de la capitale, Bangui.
Ces initiatives ont mobilisé des leaders religieux, des organisations de la société civile et même des parties au conflit pour œuvrer en faveur de la paix. L’ancien coordonnateur adjoint des anti-balaka Sébastien Wénézoui et le porte-parole de la communauté musulmane nationale Ousmane Abakar ont récemment formé un parti politique. « Le temps est venu de guider les Centrafricains, l’ex-Séléka et les anti-balaka sur la route de la paix et de reconstruire la RCA », a dit M. Wénézoui.
Le conflit national opposait les milices anti-balaka, principalement composées de chrétiens, et les combattants musulmans de l’ex-Séléka. « Les différences culturelles ou religieuses ne devraient pas faire obstacle à la paix », a dit M. Wénézoui.
Prières et pourparlers de paix
Au début de l’année, l’archevêque de Bangui, Dieudonné Nzapalainga, a supervisé la création d’un forum interconfessionnel composé de lui-même, du chef de la communauté musulmane du pays, l’imam Omar Kobine Layama, et de Nicolas Grekoyame Gbangou, le leader de l’Alliance évangélique. Le forum organise des réunions de prière régulières et d’autres rencontres pour discuter de la paix et de la réconciliation.
En juin, le forum a lancé « une campagne interreligieuse en faveur de la cohésion sociale ». La campagne, qui est toujours en cours, a pour objectif de surmonter les divisions dans le pays. Il a également organisé une semaine de prière et de dialogue culturel après deux mois de sensibilisation sur la question de la cohésion sociale.
Des débats, des événements culturels et sportifs ainsi que des visites dans des camps de déplacés ont été organisés. Une importante cérémonie religieuse réunissant des fidèles de diverses confessions a également eu lieu dans un stade de Bangui. Quelque 400 leaders religieux ont par ailleurs été formés pour encourager la réconciliation.
« Notre rôle en tant que leaders est de servir d’artisans de la paix, de créer un espace pour le dialogue entre les communautés. C’est l’objectif du forum : des musulmans, des protestants et des catholiques s’assoient ensemble autour d’une table pour montrer qu’il est possible de vivre ensemble… »
« Notre rôle en tant que leaders est aussi de montrer la voie à suivre, de dire que le barbarisme et les meurtres [ne sont pas une solution] et que la fraternité, le pardon, l’unité et la réconciliation [doivent être privilégiés] », a dit M. Nzapalainga, qui a hébergé l’imam Layama pendant plusieurs mois en 2013 après qu’il eut été forcé de quitter son foyer.
Des actes de violence continuent malgré tout de se produire dans de nombreuses régions du pays. Le 16 décembre, 28 personnes ont été tuées dans la ville de Mbres, une région qui a été le théâtre de nombreux affrontements au cours des dernières semaines.
Selon un rapport publié le 22 décembre par Human Rights Watch (HRW), des centaines de musulmans seraient coincés dans des enclaves dans des « conditions déplorables ». L’organisation documente par ailleurs des cas d’attaques menées à l’intérieur des enclaves.
Plus de 860 000 personnes sont actuellement déplacées en raison du conflit.
Récemment, M. Nzapalainga s’est rendu, avec un groupe de chrétiens, dans un camp où sont détenus des milliers de rebelles de l’ex-Séléka. Quelques jours auparavant, les anciens rebelles avaient manifesté pour protester contre les mauvaises conditions de vie dans le camp et demander au gouvernement de prendre des mesures pour y remédier.
« L’église organise des activités qui permettent aux musulmans et aux chrétiens de travailler ensemble pour la cohésion sociale », a dit l’archevêque. Grâce à ses encouragements, des musulmans déplacés ont pu être hébergés dans diverses paroisses de l’ensemble du pays.
Régler ses comptes sur le terrain
Début décembre, des résidents de Fatima, un quartier [de Bangui] à majorité chrétienne, ont joué un match de football contre une équipe du PK5, ce qui aurait été impensable il y a quelques mois. En mai et en avril dernier, des hommes armés venus de ce quartier musulman avaient mené une série d’attaques contre les habitants de Fatima.
En décembre toujours, une équipe formée d’anti-balaka a affronté une autre équipe composée d’ex-Séléka dans un match auquel assistait la ministre de la Réconciliation nationale. La rencontre, qui a eu lieu au stade municipal de Bangui, avait été organisée par des leaders des deux camps plusieurs mois après le début d’une campagne de réconciliation.
« Nous cherchons simplement à assurer la paix à travers ces activités », a dit Abdel Kader Khalil, un ancien officier des anti-balaka.
« Lorsque nous voyons ces deux camps s’affronter au football, nous comprenons que la paix se rétablit lentement. Nous devons encourager les jeunes… La paix dépend de leur engagement », a dit la ministre de la Réconciliation nationale Jeannette Detoa.
Des coureurs attendent le départ lors du premier Marathon de Bangui pour la Paix, qui a eu lieu en décembre 2014
La capitale centrafricaine a récemment organisé son premier marathon dans le cadre des efforts déployés pour rétablir l’harmonie. L’organisation non gouvernementale (ONG) locale Point d’Appui et la Fédération centrafricaine d’athlétisme ont œuvré ensemble aux préparatifs du Marathon de Bangui pour la Paix. Des responsables du gouvernement et des politiques ont participé à la course aux côtés des athlètes.
« Il s’agit d’un événement auquel nous nous devons d’assister en tant qu’artisans de la paix et de la cohésion sociale. Lorsque les jeunes se mobilisent pour des événements culturels et en faveur de la fraternité, nous devons être présents pour montrer notre engagement et les encourager », a dit l’imam Layama.
« Des jeunes musulmans participent à cet événement. Cela montre qu’il y a un début de cohésion sociale. Il devrait y avoir beaucoup plus d’activités du genre », a-t-il ajouté.