A la veille de deux réunions cruciales cette semaine à Bangui, le responsable pour l’Afrique centrale d’International Crisis Group (ICG) s’inquiète de l’enlisement de la situation et regrette l’absence de dialogue politique. « Une semaine de la dernière chance » pour Thierry Vircoulon.
Afrikarabia : Voilà presque une année que la France est intervenue en Centrafrique avec l’opération Sangaris, en décembre 2013. La situation s’est-elle améliorée depuis cette date ?
Thierry Vircoulon : La situation s’est améliorée par rapport à décembre, janvier, puisqu’à cette période, on tuait assez massivement dans les rues de Bangui, ce qui n’est plus le cas maintenant. La violence à Bangui a diminué, même si au mois d’octobre a vu qu’il était très facile de déclencher des affrontements dans la capitale (1). Mais cette violence a été largement délocalisée en province avec le départ des Séléka de Bangui et l’expansion des anti-balaka dans l’Ouest du pays. Ce qui a surtout changé sur le terrain depuis l’opération Sangaris de décembre 2013, c’est un retournement du conflit : avant l’arrivée des Français, le premier problème à Bangui s’appelait la Séléka, maintenant il s’appelle anti-balaka.
Afrikarabia : Comment peut évoluer la situation ?
Thierry Vircoulon : Ce que l’on peut dire aujourd’hui, c’est que tous les éléments d’une crise longue sont en place. Nous avons des groupes armés qui ont basculé dans la criminalité et qui ont une large marge de manoeuvre sur le terrain. Nous avons un gouvernement de transition qui est extrêmement faible. Les pays de la région mènent des jeux en eaux troubles : il y a de vrais divergences régionales sur ce qui qu’il faut faire en Centrafrique. Nous avons aussi une montée en puissance lente des Nations unies, qui pour le moment ne peuvent pas encore être le moteur de la gestion de cette crise centrafricaine, puisqu’elles ont seulement pris le relai de la Misca en septembre. Et enfin, il y a une division des tâches qui est malsaine entre les Nations unies et les acteurs régionaux, en découplant la direction politique de la gestion de crise (tenue par Denis Sassou Nguesso, ndlr) et son outil de mise en oeuvre (l’ONU).
Afrikarabia : Que penser de la présidence intérimaire de Catherine Samba-Panza, dont la nomination avait suscité beaucoup d’espoir ? Est-elle responsable de l’enlisement de la situation ?
Thierry Vircoulon : Il y a déjà eu deux gouvernements de Catherine Samba-Panza en 10 mois, ce qui est en soit une anomalie. Il y a eu une mini-crise politique au mois d’octobre avec un antagonisme fort entre la présidente et le Conseil national de transition (CNT), qui se traduit pour le moment par une fausse entente cordiale. Le problème est surtout qu’il n’y a pas eu de dialogue politique, qui est désormais repoussé à 2015. La bonne nouvelle c’est qu’il a maintenant une date, début 2015, et que pour le moment, la crise politique est calmée. La conclusion de tout cela c’est que, non seulement les groupes armés, mais l’ensemble de la classe politique centrafricaine, est extrêmement sceptique envers Catherine Samba-Panza. On a pourtant besoin d’un moteur politique dans cette crise. Quelqu’un qui prenne les rênes de la situation à Bangui, rassemble les acteurs centrafricains et organise les discussions sur le futur du pays.
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