“Les charges de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité en République centrafricaine portées par le Procureur à l’encontre d’Alfred Yekatom et de Patrice-Edouard Ngaïssona » ont été «partiellement» confirmées lors de l’audience du 11 décembre 2019, d’où la décision de les renvoyer en procès prévu à partir du 16 février 2021, indique un communiqué de la Cour Pénale Internationale (CPI)
Un procès d’importance pour la paix en RCA
Meurtres, tentatives de meurtres, tortures, persécutions, mutilations, privations de liberté physique, enrôlements d’enfants de moins de 15 ans… rythmaient la vie des centrafricains durant le conflit inter-communautaire opposant les Anti-Balaka (composé majoritairement de chrétiens) et les Séléka (composé majoritairement des musulmans), de 2013 à 2014. Un chaos qui a causé la perte de milliers de vies et occasionné la fuite de très nombreuses familles. Selon un rapport de la commission d’enquête de l’ONU publié en 2015, le conflit aurait fait près de 6000 morts dans l’ouest de la RCA et plus particulièrement dans les zone de Bangui, Lobaye, Yaloké, Gaga, Bossempélé, Camot, Berberati.
Pour le pays et les familles des victimes, ce procès est l’occasion de sanctionner ceux qui ont compromis la paix, la stabilité et la sécurité du pays.
Les acteurs de l’instabilité
Coté Anti-Balaka
En novembre 2018, l’ancien député de la circonscription de Mbaiki, Alfred Rombhot Yekatom, plus connu sous le nom de «colonel Rombhot» qui était à la tête d’un groupe d’environ 3.000 combattants anti-balaka, a été arrêté. Quelques semaines plus tard, c’est Patrice-Edouard Ngaissona qui l’a été à son tour.
En effet, le 12 décembre 2018, les autorités françaises, sur la base d’un mandat d’arrêt édité le 7 décembre 2018 par la CPI, ont arrêté Patrice-Edouard Ngaissona, coordinateur général des Anti-Balaka au niveau national mais également ancien ministre des sports de 2003 à 2013. En effet, Ngaissona, n’a pas été arrêté pour avoir pris part ou non aux crimes dont il est accusé, mais parce qu’il en est le responsable en tant que chef des Anti-Balaka. En février 2014, il affirmait à la FIDH (Fédération Internationale des Droits Humain) «avoir un ascendant sur près de 50 à 70 000 éléments dans tout l’ouest, et le contrôle des provinces» ce qui lui vaut son arrestation.
Coté Séléka
Entre septembre 2013 et décembre 2014, les crimes de guerre furent aussi bien perpétrés par les Seleka que les anti-balaka. Ainsi, à l’instar de son rival Patrice-Edouard Ngaissona, M. Mahamat Said Abdel Kani alias M. Said, commandant de la Séléka, proche de Michel Djotodia (le chef de la Séléka) est suspecté de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité présumés qui auraient été commis à Bangui en 2013. À ce titre, le 24 janvier 2021, M. Mahamat Said Abdel Kani a été remis à la CPI par les autorités de la République centrafricaine en raison d’un mandat d’arrêt délivré le 7 janvier 2019.
Une instabilité qui demeure
Malgré ce pas en avant pour condamner les acteurs de l’instabilité du pays, la situation sécuritaire reste préoccupante en RCA. En effet, plus de 60% du territoire national est entre les mains des groupes armés et rebelles. Depuis le 17 décembre 2020, un nouveau mouvement armé a vu le jour, la CPC (la Coalition des patriotes pour le changement). Ce mouvement dirigé par Nourreddine Adam réuni les 6 groupes armés que sont les 3R (Retour, Réclamation et Réhabilitation), l’UPC (Union pour la Paix en Centrafrique), le MPC (Mouvement Patriotique pour la Centrafrique), le FPRC (Front Populaire pour la Renaissance de la Centrafrique), la RJ (Révolution justice aile Armel Sayo) et les anti-balaka (branches de Mokom et de Ngaissona). Aujourd’hui ce groupe qui bloque les frontières camerounaises, menace de prendre la capitale.
Face à cette menace, le représentant spécial en République centrafricaine du Secrétaire général de l’ONU Mankeur Ndiaye, a prévenu que le pays était « confronté à un grave risque de recul en matière de sécurité ». Pour cela, il a demandé l’intervention de 3 000 casques bleus supplémentaires, pour permettre à la MINUSCA « de disposer d’un outil robuste et adapté à la menace ».