« Le criminel a beau fuir la peine de son crime, il la porte avec lui », disait Bernard Fontenelle. Aussi, revient-il – du moins cherche t-il à revenir -, toujours sur les lieux de son forfait. Et si l’on cherchait à connaître le sens d’une telle démarche souvent aussi incompréhensive qu’irrésistible, l’on se rendrait compte sans doute, qu’elle s’explique par des motivations multiples et variées, qui diffèrent d’un criminel à un autre : désir d’effacer les preuves, de jouer à l’innocent, remords, volonté d’assumer son acte et de se soumettre à la peine ; ou même, suprême folie, l’envie de commettre à nouveau un autre crime.
En Centrafrique, chacun s’interroge. Les criminels de la Séléka et ceux du groupe des Antibalaka en conciliabule depuis plusieurs jours à Naïrobi, seraient-ils en train de vouloir se débarrasser de la peine qu’ils portent avec eux ? Ou alors, chercheraient-ils à revenir gouverner le pays qu’ils ont taché de leurs mains et de leurs pieds pleins de sang, et soumettre ainsi à nouveau le peuple à leurs lois de mort ?
Tout d’abord, eux-mêmes vous répondront sans sourciller : « nous ne sommes pas des criminels ». Et ils n’ont pas totalement tort. Car, comment des criminels notoirement et internationalement connus, peuvent-ils de cette manière, circuler librement d’un pays à un autre, voyager à bord des avions affrétés ou souvent mis à leur disposition par ceux qui ont intérêt à les entretenir ? Comment expliquer que des individus malpropres sous sanction de l’ONU et de plusieurs pays de la communauté internationale, puissent continuer à narguer et à mépriser le peuple centrafricain et tout le monde, à fréquenter des palais présidentiels où ils sont reçus avec respect et honneur par des Chefs d’Etat qui leur offrent gracieusement gîte et argent ? Comment accepter que ces infréquentables et bourreaux de leur peuple, continuent de se pavaner ostentatoirement avec en mains des passeports de différents pays, à se promener pour lever des fonds et à amasser d’importants matériels de guerre sans être inquiétés ?
Alors, solidairement rassemblés au festin du diable, ces meurtriers peuvent rétorquer en ces termes : « Non, nous ne sommes pas des criminels ; nous avons juste pris les armes et verser « un peu » de sang de quelques milliers de Centrafricains « seulement », pour défendre notre pays et débarrasser la patrie de Boganda si propre et si paisible, des cafres et des cafards qui l’infectaient de leur présence puante ! Regardez ! Les vrais criminels sont à la Haye tandis que nous, voyez bien que nous, nous sommes dehors et en liberté ! Pour tout vous dire, les pauvres menaces de sanctions que brandissent l’ONU et d’autres pays, sont en réalité une forme de protection qui nous est assurée ! » Et patati et patata…
Diable ! De quoi et de qui a-t-on débarrassé ce pays ? Qui a exclu qui de quoi ? Au nom et pour le compte de qui ergote-t-on inutilement à Nairobi ?
Chose vraiment curieuse et paradoxale, pour ces criminels de la capitale kenyane, « l’enfer c’est les autres » ; ce sont ceux qui en janvier 2013 à Libreville, auraient tracé « l’axe du mal » et pris ensemble la décision qui a abouti à laisser s’introduire en RCA une calamité pour succéder à un fléau. Mais qui étaient ceux qui se trouvaient autour de la table de la capitale gabonaise ? Lin Banoukepa, porte-parole et représentant de François Bozizé, présent à Nairobi, ne semble pas être à court d’idées et ne se prive pas de l’exposer :
« Les organisateurs ont pris les précautions pour ne pas reproduire les désastres de Libreville au Gabon en 2013 où, le FARE (Front d’annulation et de reprise des élections de 2011, ndlr) avait instrumentalisé la Séléka pour prendre le pouvoir exécutif par les armes en mettant notre pays dans un cycle infernal de violence inter communautaire et confessionnelle. Il est juste que des solutions interviennent entre les entités armées sans la présence de ceux qui attisent les feux, entretiennent les terreaux de la haine politique. Ceux qui veulent être président par élimination physique de leurs concurrents politiques valables. Ceux qui courent en Europe pour être désignés président ou représentant des institutions et intérêts d’ailleurs et non, des centrafricains, de la Centrafrique. » Fin de citation.
Décidément, qui avait dit que l’hôpital ne se moquait pas de la charité ?
Franchement, à entendre un tel discours, même le Centrafricain le plus lucide y perd à coup sûr son latin, et se surprend à se demander de quel côté se trouve la légitimité et le pouvoir républicain en Centrafrique ! Qu’un groupe de « démocratiquement exclus » du débat politique, se réunisse à son tour à l’extérieur du territoire national et, au lieu de faire profil bas, s’arroge cependant le droit de discuter de l’avenir du pays, jusqu’au point de s’oublier à exclure à son tour le peuple qui détient la réalité du pouvoir d’opérer les choix politiques et démocratiques qui lui conviennent, cela prouve à l’évidence, que la RCA n’appartient plus à la planète terre ! Au fait, s’agirait-il une fois de plus ici comme aurait dit un contemporain, « de délires mégalomaniaques qui peuplent la cervelle d’un mythomane qui prend ses fantasmes oniriques pour la réalité politique…ou de rodomontades et autres galéjades d’un personnage instable et versatile » ?
Dans tous les cas et à y réfléchir, il serait difficile de faire la preuve que Bozizé n’a jamais pris les armes pour conquérir le pouvoir ou qu’il n’était pas partie prenante au sommet de Libreville. Dès lors, appartient-il à ce même Bozizé et à ses sbires de donner la leçon à quiconque – et cela reste toujours à prouver –, aurait « instrumentalisé la Séléka pour prendre le pouvoir exécutif par les armes » ?
D’ailleurs, de quelle Séléka parle-t-on ? D’une autre Séléka, ou de celle-là même qui fut menée naguère par le criminel en chef Djotodia, et qui aujourd’hui – ironie du mauvais sort -, s’acoquine avec les Antibalaka de Bozizé pour étudier comment transformer l’Oubangui en une rivière de sang centrafricain?
Apparemment, à elle seule, la Séléka semble estimer que tous les crimes qu’elle a commis et continuent de commettre jusqu’aujourd’hui, ne peuvent suffire à faire payer aux Centrafricains, la lourde tribut de sang, qu’ils doivent on ne sait à qui et pour quelles raisons. De leur côté, les Antibalaka, malgré les graves atrocités qu’ils n’ont cessées de commettre régulièrement et quotidiennement depuis plusieurs mois, paraissent visiblement loin d’avoir étanché leur faim et soif de chair et de sang centrafricains. Aussi, faille-t-il que Séléka et Antibalaka, mettent ensemble – enfin! -, leurs forces au sein d’ une même entreprise meurtrière, pour mieux soumettre et en finir définitivement avec le peuple qu’ils ont pourtant déjà suffisamment martyrisé.
Dieu est grand !
En effet, de Nairobi peut-il sortir vraiment quelque chose de bon et de positif pour la Centrafrique ? Je réponds non et mille fois non.
Tout d’abord, les initiateurs de ce rassemblement de cancres, on le sent et le voit bien, éprouvent nettement une honte certaine et une gêne visible, à revendiquer publiquement pour s’en féliciter, la paternité de l’organisation de cette assise qui, contrairement à d’autres que l’on a connues, étaient des occasions rêvées de se se couvrir de gloriole.
Ensuite, les intérêts qui se jouent à Nairobi, sont loin d’être des intérêts centrafricano-centrafricains. Tous les principaux chefs d’Etat impliqués à un titre ou à un autre dans la crise centrafricaine – et qui jouent d’ailleurs à se faire peur mutuellement -, ont tout de suite pensé, pour ne pas être du reste et se laisser doubler par l’autre, à dépêcher leurs « yeux et leurs oreilles », à cette réunion de mauvaise augure.
Par ailleurs, de quoi Séléka et Antibalaka, Djotodia et Bozizé, qui se vouent réciproquement une haine viscérale, peuvent-ils parler et décider ensemble ? Autour de la table de Nairobi, tout le monde espionne tout le monde. Mieux, il n’y a là que des marionnettes qui ont besoin à chaque fois d’en référer à l’entourage des chefs d’Etat qui tirent la ficelle. Peut-il en être autrement, et ces négociateurs téléguidés et télécommandés, peuvent-ils s’affranchir de leurs maîtres et seigneurs ? Difficile de le croire, car ils savent ce qu’ils risquent en cas de crime de lèse-majesté!
Enfin, personnellement je ne désespère de rien et ne crois pas un seul instant que Djotodia, Bozizé, Nourredine et les autres qu’on utilise et presse aujourd’hui comme des oranges desquels l’on veut juste tirer ce qu’on veut, continueront d’échapper indéfiniment à la justice internationale. C’est en cela que jouent aujourd’hui les Américains qu’on a vu « entretenir » autrefois Taylor au Libéria, avant de le faire sortir de sa retraite dorée du Nigéria et le conduire à la Haye. Quant aux Français, ils finiront un jour par nous dire, ou l’on finira tôt ou tard par savoir, ce qu’ils veulent en réalité faire de la Centrafrique et des Centrafricains.
Et Madame Samba-Panza dans tout ça ? Après avoir été associée à l’initiative de cette réunion dont personne ne semble maîtriser suffisamment les enjeux, les représentants de la Présidente de la transition dépêchés à Nairobi, se sont très vite éclipsés, quand ils ont compris que les véritables maîtres à jouer de ce rassemblement de dupes, étaient Bozizé, Djotodia et leurs différents groupes. Ce qui du coup, mettait en minorité et mal à l’aise Samba-Panza, elle qui détient et exerce l’effectivité du pouvoir « légitime » de Bangui.
En définitive, la fin de cette transition, va-t-elle être marquée par l’instauration d’une « démocratie criminelle » en Centrafrique ? Samba-Panza n’aurait-elle pas aujourd’hui intérêt à ce que se tiennent les élections pour changer de paradigmes politiques ?
Décidément, la Centrafrique rend fou. Et des Centrafricains effectivement fous, tiennent à rendre fous, ceux qui ne sont pas du tout fous, et ceux qui ne sont pas encore totalement fous.
Guy José KOSSA
GJK – L’Élève Certifié
De l’École Primaire Tropicale
Et Indigène du Village Guitilitimô
Penseur Social