Par une lettre datée du 25 juin 2021, adressée au président du conseil de sécurité, le Groupe des experts de l’Onu, conformément à son mandat consacré par la résolution 2536 (2020), a rendu public son Rapport Final sur la situation en République centrafricaine. Dans ce Rapport mandaté par le conseil de sécurité et contenant 188 pages, des enquêtes, reportages, témoignages, correspondances et des images, recueillis par les membres du Groupe, et révélés préalablement par des médias locaux et internationaux et des Ongs, à l’exemple de « The Sentry », la Coalition des Patriotes pour le Changement, d’une part, et les Faca soutenues par leurs alliés russes, d’autre part, sont accusées d’avoir commis de graves violations des droits de l’homme, des crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
En réponse, dans la foulée, le ministère de la défense a rejeté, dans un communiqué publié le mardi 29 juin 2021, en bloc ces accusations qu’il considère comme un moyen de ternir l’image de l’armée centrafricaine. « Il s’agit là d’une volonté manifeste de ternir par tous les moyens l’image de notre institution militaire alors que celle-ci continue de consentir d’énormes sacrifices pour restaurer l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire », estime le capitaine Firmin Amoulo Malo, porte-parole du ministère de la Défense. « Il ne fait pas de doute que cette publication calomnieuse fondée sur des preuves fabriquées et non vérifiées est une stratégie qui vise d’abord à saper le moral de nos troupes mais aussi à amener les Nations unies à prendre des sanctions contre les alliés russes, dont la mission de rétablissement de l’autorité de l’Etat compromet assurément l’action des rebelles qui sévissent dans nos provinces en violation flagrante des dispositions de l’accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine », a – t – il conclu.
Notons que, dès la publication de ce Rapport, le mercredi 31 mars 2021, le porte – parole du gouvernement Ange Maxime Kazagui avait donné le ton, lors d’une sortie médiatique, le 2 avril 2021. « Nous aurions bien souhaité que ce groupe d’experts puisse faire un communiqué qui mentionne toutes les exactions faites par la CPC, par les groupes armés qui se sont retirés de l’accord de paix et qui sont principalement dirigés par des étrangers et peut-être des défis ou des manquements qu’auraient pu connaître nos forces armées centrafricaines et éventuellement leurs alliés, mais je dis encore que cela, semble-t-il, n’est pas dans l’agenda de ce groupe d’experts », avait – il déclaré. Et faisant suite à la publication de l’enquête menée par RFI, sur ces exactions et ces crimes, en mai et celle conduite pendant la même période par CNN, en partenariat avec l’Ong américaine « The Sentry », la présidence centrafricaine par la voix du directeur de cabinet Obed Namsio, dans un communiqué de cinq pages, les a qualifiées « d’un complot contre les autorités centrafricaines en vue de soutenir l’instauration d’un chaos dans l’intention de nuire aux intérêts de la République centrafricaine ».
Nommé, dans le gouvernement de Marie Henri Dondra, ministre d’Etat à la justice, aux droits de l’homme, à la bonne gouvernance, et garde des sceaux, Dr Arnaud Djoubaye Abazène a la lourde responsabilité, dans un contexte post – électoral marqué par le refus de l’opposition démocratique de reconnaître la légitimité du pouvoir de Bangui, et par la suspension de l’aide budgétaire de la France et de sa coopération militaire, de répondre positivement à toutes ces allégations de graves accusations, créer les conditions a minima pour un apaisement tant à l’intérieur qu’à l’extérieur et siffler in fine la fin de l’impunité. Une mission bien délicate et très difficile tant le passé de l’homme en sa qualité de l’une des personnalités fortes du régime de la nébuleuse Séléka demeure encore vivace dans l’opinion nationale et internationale, et tant la précision des charges documentées dans le Rapport des experts de l’Onu et formulées contre les Faca et leurs alliés russes paraît solide et difficilement démontable par le premier venu.
Et justement, faut – il souligner, dans ce Rapport, le ministre d’état à la justice a été nommément cité pour le rôle combien important qu’il a joué dans la création d’une milice dans la préfecture de la Vakaga, au début du mois de janvier 2021. « Au lendemain de la tentative infructueuse de la CPC de prendre Bangui en janvier 2021, un certain nombre d’hommes politiques originaires de la préfecture de la Vakaga ont organisé , a financé et déployé une milice composée de jeunes locaux armés pour bloquer les couloirs de trafic d’armes utilisés par la CPC pour entrer sur le territoire centrafricain dans la ville frontalière de Tissi (voir par. 31 dans le corps du rapport). Un autre objectif était de protéger la population locale des attaques des Misseriya soudanaises, similaire à celle qui a eu lieu à Boromata en décembre 2020 (voir S/2021/87, par. 37-41). L’initiative qui, selon des sources proches des intéressés, visait à faire preuve de loyauté et à trouver les faveurs du président Touadéra, a été menée par Arnaud Djoubaye Abazene, ministre des Transports et de l’Aviation civile, un proche de l’ancien chef de la Séléka Michel Djotodia, lui-même bien- liés à des groupes armés basés à Vakaga (RPRC, FPRC et MLCJ) », peut – on y lire.
De graves accusations contre lesquelles Dr Arnaud Djoubaye Abazène a élevé une plus vive protestation, dans une allocution prononcée, le 9 juillet 2021, à Genève en Suisse, au nom de la République Centrafricaine, lors des travaux de la 31e réunion et de la 47e Session du Conseil des Droits de l’Homme. A l’approche très alarmiste de la situation des droits de l’homme, soutenue par la communauté internationale, il a voulu être plutôt rassurant, en parlant des avancées significatives. Ces avancées ont pour noms, selon lui, impunité, justice judiciaire et transitionnelle, Commission vérité, justice, réparation et réconciliation (CVJRR) dont les membres ont prêté serment, il y a quelques jours. « Le bon fonctionnement des juridictions ordinaires sur l’ensemble du territoire national se traduisant par la tenue régulière des jugements correctionnels et les préparatifs des prochaines sessions criminelles dans les ressorts des Cours d’Appel de Bangui, Bouar et Bambari, témoignent de cette ambition. La justice militaire entend organiser des sessions correctionnelles et criminelles pour sanctionner les violations des droits Humains et des règlements commis par les militaires. La Cour pénale spéciale (CPS), juridiction dédiée à sanctionner des violations graves des droits de l’Homme, notamment, les crimes de guerre contre l’humanité, va entrer dans sa phase opérationnelle avec la prestation de serment le mois passé, des deux juges internationaux. Plusieurs dossiers sont en instruction préparatoire. Nous sommes convaincus que les premières audiences publiques auront lieu d’ici la fin d’année », a – t – il souligné.
Sur les allégations de graves violations des droits de l’homme dont sont accusés les Faca et les mercenaires russes du Groupe Wagner, contre les populations civiles, lors des opérations de contre – offensives lancées contre les éléments de la CPC, l’homme n’est pas allé avec le dos de la cuillère pour reconnaître la préoccupation du gouvernement. En réponse, conformément aux dispositions des Conventions de Genève de 1949 et de ses Protocole additionnels, « le Gouvernement a mis en place le 4 mai 2021 une Commission d’enquête spéciale aux fins de faire la lumière sur les faits allégués contre les forces armées et leurs alliés. Cette Commission d’enquête est à pied d’œuvre puisque les investigations sont clôturées dans la région de l’Ouest, elles se poursuivent dans la région du centre et du nord-ouest. La Commission dispose d’un délai de 3 mois pour rendre public son rapport qui établir les responsabilités en vue de la poursuite judiciaire », a – t – il dit.
Pour terminer, Dr Arnaud Djoubaye Abazène a mis l’accent sur le caractère trop publicitaire et partial de ce Rapport. « Cependant, le Gouvernement déplore toutes les exactions perpétrées par la CPC qui bien que documentées par certaines ONG, la MINUSCA et autres, n’ont pas fait l’objet d’autant de publicité. Pourtant, la CPC a commis et continue de commettre depuis décembre 2020 des crimes les plus graves des droits Humains, notamment : enlèvements, séquestrations, viols collectifs des femmes, pillages des locaux de plusieurs organisations humanitaires, notamment : CICR, ACTED, CORDAID, FLM, World Vision, PAM et ACF ; pillages et incendies des véhicules des religieux, pillages de plusieurs villages, vols des bétails, exploitation illégale des ressources minières ; assassinats, prises d’otages ; usage des mines antipersonnelles, pourtant prohibées, crimes de guerre, crimes contre l’humanité, traitement humiliant et dégradant, recrutement des mineurs dans leurs rangs, tentative d’atteinte à la sureté intérieure de l’Etat…etc. Même la conférence épiscopale centrafricaine est exacerbée par les agissements de la CPC pour les actes criminels causés à l’endroit de la population civile. Face à ces cruautés, les juridictions nationales sont à pied d’œuvre pour sanctionner les auteurs et complices de ces nombreuses violations des droits humains. La société civile centrafricaine, le peuple centrafricain et même la communauté religieuse dans toute sa diversité ont salué avec enthousiasme les actions menées par la MINUSCA, les FACA et leurs alliés bilatéraux, les russes et les rwandais pour le rétablissement de la paix et de la sécurité durable en RCA. Il faut admettre que la mauvaise publicité des média internationaux est basée sur de faux chiffres qui n’ont rien à voir avec la réalité », a – t – il relevé.