23 Janvier 2014 et 23 Janvier 2015, Catherine Samba-Panza désignée Chef d’Etat de la transition par les Conseillers Nationaux après la démission de Michel Djotodia, prêtait serment. Jours pour jours, cela fait un an qu’elle est aux affaires. Qu’est-ce qui a changé ? Les populations sont-elles libérées du joug des groupes armés qui continuent de les terroriser et qui pillent même les ressources du pays ? Et si l’on parlait encore franchement du processus du dialogue et des prochaines élections ? Voilà les questions qui sont abordées par le désormais Chef de fil de la classe politique émergente, le prof Gaston Mandata N’GUEREKATA sur Africa n° 1. Entretien !
JDA : Bonjour M Mandata N’GUEREKATA
MGN : Bonjour !
JDA : Merci d’être avec nous, je dois causer avec vous depuis les Etats Unis. On a appris que l’employée de l’ONU enlevée, a été finalement relâchée aux termes d’une journée de tractations mais les proches d’un Chef anti-balaka arrêté samedi dernier, détiennent toujours une Française ainsi qu’un prêtre centrafricain kidnappé lundi matin. Que pensez-vous des négociations menées par Mgr Nzapalainga ? D’ailleurs, est-ce qu’il faut négocier avec ces ravisseurs ?
GMN : Dans la mesure où il ya une prise d’otage, je crois qu’il faut bien utiliser les négociations. En réalité, s’il faut revenir aux vrais problèmes, dès le début les choses étaient bipées. Le mandat des Forces Internationales étaient de désarmer toutes les parties, par la force s’il le faut. Cela n’a pas été le cas. L’approche qui a été utilisée par les Forces Internationales, était ce qu’elles appellent les mesures de confiance à savoir « On vous fait confiance, vous ramener les armes ». Cela n’a pas marché. On en est là maintenant avec les prises d’otage et les Forces Internationales n’ont pas les moyens de libérer ces gens. Je salue à juste titre, les efforts de l’Archevêché de Bangui pour chercher à libérer les otages.
JDA : La présidence a publié un communiqué et elle s’inquiète devant ce qui apparait désormais comme le nouveau mode opératoire de certains groupes politico-militaires -elle parle des enlèvements- pour satisfaire leurs revendications. Est-ce que vous partagez ce constat ?
GMN : En tout cas, il faut plutôt que la Présidence de la République, précisément la Présidente de la transition, reconnaisse ses erreurs dans cette affaire. La politique du gâteau, la prime aux crimes et à la violence, cette politique que la Présidente a toujours utilisée à savoir nommer à des postes importants, des petits criminels, des chefs de guerre, cette politique là a échoué. On en est là. Je ne vois pas pourquoi elle doit se plaindre de ses propres erreurs qui ont conduit le pays dans cette situation.
JDA : Est-ce que l’arrestation du chef anti-balaka, le Général Andjilo ne va pas dans le sens de la lutte contre l’impunité ?
GMN : Il n’y a pas qu’Andjilo qu’il fallait arrêter, il y a beaucoup de chefs de guerre qui sont là, à des postes de responsabilité à la Présidence, à la Primature qu’il faut arrêter. Il n’y a pas qu’Andjilo et je ne comprends pas cette politique de deux poids, deux mesures. Il y a même des étrangers qui sont dans les régions de Bambari, à Bria ainsi de suite et qui continuent d’opérer sans problème. Voilà ! Pourquoi on ne les arrête pas ?
JDA : Dans le communiqué que j’ai cité précédemment, la Présidence parle d’un plan, selon des informations concordantes, pour déstabiliser la transition actuellement ourdi depuis Nairobi et un plan de sabotage des consultations à la base qui devraient permettre aux populations de s’exprimer. On sait que plusieurs représentants de Michel Djotodia et de François Bozizé sont à Nairobi sous la houlette, dit-on, de Denis Sassou GUESSO, le médiateur dans cette crise et Président du Congo Brazzaville. Que pensez-vous des négociations parallèles ?
GMN : Ecoutez, tout ce qui peut contribuer à arrêter la violence, à faire cessez les violences, est-une bonne chose.
JDA : Donc vous pensez que ces contre négociations auxquelles le pouvoir de Bangui est exclus, peut participer à la paix en Centrafrique? Qu’on soit bien clair !
GMN : Je ne peux commenter actuellement ce qui se passe à Nairobi, je n’ai pas d’informations fiables. Certains disent, je crois que c’est l’avocat du Président Bozizé, que la Présidence de la transition a bien été informée de cette réunion. Alors qui croire? Je n’en sais rien. Ce qui est sûr, les Centrafricains, tels qu’ils soient, ont le droit de se réunir aussi bien en Centrafrique qu’à l’extérieur. Je ne vois pas pourquoi, Nairobi serait un danger pour le pays. Maintenant, il ne faut pas non plus, surestimer le pouvoir de Djotodia et de Bozizé sur ce qui se passe en RCA. Ils n’ont pas grand-chose, ils n’ont pas mainmise si importante sur la situation. Par exemple aux Mbrès, des coups de feu éclatent, on s’entretue, Bozizé et Djotodia n’ont rien à voir avec cette situation. En réalité, les anti-balaka et les Seleka, sont des nébuleuses qui ne sont sous contrôle de personne. Ce qui est sûr, c’est que dès Janvier 2014, les Seleka étaient en débandade, Bozizé était politiquement mort mais la Présidente a reçu le coup de maître de plébisciter les Seleka et les anti-balaka. Bozizé n’était plus politiquement fort au sortir de la réunion de Ndjamena qui a mis en place un Gouvernement de transition. Maintenant, il faut négocier avec Bozizé parce que la Présidente passe son temps à envoyer des émissaires auprès de ce dernier et Djotodia pour montrer que ces gens sont importants et il faut qu’ils interviennent pour que la paix revienne. C’est Madame Samba-Panza qui a fait donner de l’importance à ces gens là.
JDA : on entend bien dans vos propos, Gaston Mandata N’GUEREKATA, vous êtes plutôt critique sur le rôle joué par la présidente de la transition Catherine Samba Panza !
GMN : Naturellement, c’est la politique de l’impunité. C’est distribuer des billets de banque aux intervenants pour faire arrêter la violence. Cette politique ne marche pas. Il fallait, dés le début, commencer par punir. Les criminels, leur place est en prison, non pas à la Présidence de la République, dans le Gouvernement. Les chefs rebelles, leur place n’est pas là. Ils doivent répondre de leurs faits devant la Justice. Pour cela, il faut avoir la fermeté qu’il faut pour que ces gens puissent servir d’exemple à d’autres qui d’un coup, se lèvent pour dire que « moi, je suis un petit chef Anti-balaka, un petit chef Séléka, je veux ma place au Gouvernement ». Voilà l’erreur palpable dès le début qu’elle n’arrive pas à corriger, Madame Samba Panza.
JDA : est-ce que la lutte contre l’impunité ne commencerait pas par ceci, c’est-à-dire l’arrestation de Djotodia et de Bozizé ?
GMN : Je reviens encore sur cela. Je n’ai pas d’informations précises sur ce qui se passe à Nairobi, ce qui est certain, c’est que la responsabilité de cette situation actuelle revient en grande partie aux autorités de la Transition. Moi, j’ai parcouru le pays sans protection militaire, j’ai fait des centaines de kilomètres, j’ai pu parler à des populations qui sont laissées dans le noir. Personne ne va les voir. La chef d’Etat n’a jamais été en provinces un petit voyage à Mbaïki à cent kilomètres sous protection de l’armée française. Les ministres ne vont jamais en provinces et les populations sont abandonnées. Maintenant, on nous dit que c’est Bozizé et Djotodia qui les entrainent. En réalité, ce qui se passe en RCA, ce n’est plus la violence qu’on a connue à l’époque mais du banditisme.
JDA : je reviens à ma première question du début de l’émission, monsieur N’GUEREKATA, faut-il négocier avec ces bandits ?
GMN : Je vous ai dit, c’est la politique même de Madame Samba Panza de négocier avec tout le monde, de donner de l’argent, je vous ai dit au début. Elle donne de l’argent aux gens qui tuent, elle nomme ces gens là à des postes importants au Gouvernement
JDA : Monsieur Gaston Mandata NGUEKATA, c’est là ou je reviens avec ma question du début. Faut-il négocier avec ces bandits?
GMN: En tout cas, ce qui est certain, je crois que je vous l’ai dit. C’est la politique même de Mme SAMBA-PANZA de donner de l’argent. Je vous l’ai dis au début. Elle donne de l’argent aux gens qui tuent. Elle nomme ces gens là à des postes importants. Elle continue de cette manière là et bien cela ne marche pas. La place des criminels, c’est en prison.
JDA : Et bien M. N’GUEREKATA selon vous, Mme Catherine SAMBA-PANA doit rester jusqu’à la fin de la transition? Ou est-ce que si l’on veut que la Transition réussisse, on doit la remplacer ?
En tout cas, remplacer SAMBA-PANZA maintenant alors que nous sommes à quatre ou cinq mois des élections, pour moi, je pense que cela créerait encore une instabilité. Mais qu’on le veuille ou non, la personne n’est pas à la hauteur de la tâche. Elle n’écoute personne. Et personne ne l’écoute. Et bien, elle perd sa tête, elle n’associe personne. Et bien voila les choses vont continuer tant qu’elle sera là.
JDA : Dans ce contexte, qu’attendez-vous vous-même, des concertations nationales et du forum de Bangui qui doit se tenir en mois de janvier ?
GMN: C’est au mois de février prochain. En effet là aussi, c’est une autre situation déplorable. On ne peut pas parler de réconciliation dans une situation où il y a pas eu la Justice. Vous allez réunir là maintenant dans une salle, les bourreaux et les victimes. Comment voyez-vous l’échéance de cette conversation et l’élan? Est-ce que les gens ont la Liberté de dire la vérité sur ce qui se passe, sachant qu’on rentrant au quartier, ils vont se faire tuer? Parce que ces mêmes personnes là, sont encore là, armées.
JDA : Pour vous M Gaston Mandata NGUERAKATA, la sécurité n’est pas encore assez organisée pour permettre ces concertations et dialogues à la base comme on le dit de manière sereine?
GMN: Oui et en outre, il y a pas eu la justice. C’est-à dire que les criminels sont toujours là et ils rient à la barbe des victimes. Et comment pouvez-vous parler de réconciliation dans ces conditions là ? Ce n’est pas possible et donc, ce forum là pour moi, il est déjà voué à l’échec. Et aujourd’hui on parle de réconciliation. C’est un long processus. Voyez ce qui s’est passé au Rwanda ou en Afrique du Sud, cela a pris des années. Et il faut un régime légitime pour lequel le peuple se reconnait. Voyez les Ministres ne peuvent pas aller dans les quartiers de Bangui et encore moins dans les provinces. Ils vont aller ces jours-ci pour parler à la population. En réalité, ils ont tenté déjà. Le 1er Décembre 2014, ils ont essayé d’aller en provinces pour parler avec les populations. Soit disant, les Ministres résidents qui vont dans leurs propres régions. Et bien Madame, la plupart ont été virés de là. Ils n’ont pas pu tenir une seule réunion. Et c’est maintenant qu’ils vont parler de réconciliation, et donc un problème aussi profond !
JDA M Gaston Mandata NGUAREKA, je reviens vers vous pour deux petites questions. Quel est le rôle des soldats étrangers en Centrafrique. Pourquoi l’ONU ne prend pas elle-même en charge le désarmement? Et ma deuxième question, pensez-vous que les élections se tiendront réellement en Septembre prochain comme prévu dans ce contexte d’insécurité dans le reste du pays en provinces?
GMN: Oui, en ce qui concerne la première question, moi j’ai une question. Comment dans un petit pays de moins de 5 millions d’habitants où tout le monde se connaît et où il y a huit mille à dix mille troupes étrangères de grands pays comme la France, comment ces troupes lourdement armées ne puissent pas venir à bout de cette violence? Nous connaissons les responsables de cette situation là. Les chefs Séléka, les chefs Anti-balaka, nous les connaissons. Pourquoi on ne les arrête pas ? Je vais vous répondre. Il y a eu l’année dernière, les mots du procureur pour l’arrestation d’un des chefs Anti-balaka. Mme la présidente s’est opposée à cela. Voilà ! Pour nous, c’est l’impunité.
JDA : On a bien compris, pour vous Mme Catherine SAMBA-PANZA est responsable de cette impunité. Et vous pensez que les élections se tiendront en Septembre prochain?
Les élections, moi je doute parce que c’est des stratagèmes pour pouvoir repousser éternellement. On est en train de prolonger de manière assez tacite, cette transition. Ce forum de Bangui qui n’est même pas encore préparé, on ne sait même pas quand cela va avoir lieu de manière précise. Il y a un comité qui a été mis en place mais qui est contesté presque par tout le monde. Le temps de préparer la réunion, réunir qui on ne sait pas. Cela va trainer jusqu’au mois de juin et donc, on sera déjà à la fin de la Transition. Et on va encore demander aux chefs d’Etat de la CEEAC de prolonger encore de six mois. Je ne suis pas favorable à cela.
Décryptage et transcription:
La Fraternité